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Sybille

J'attends la suite. Ma mère me parle de tout et de rien. Surtout de rien. Pas un mot sur sa rencontre avec le docteur.

Elle est arrivée la première à la gare et me taquine sur mon retard. Ma colère est retombée. Je lui rappelle juste que ce serait plutôt à moi de lui faire des reproches, car son absence m'a obligée à déambuler dans cette ville sans intérêt. Elle profite alors de mon jugement péjoratif pour se justifier :

« Mais cette ville a beaucoup d'attraits au contraire, je n'ai pas vu le temps passer ! Et toi, comment s'est déroulée ta rencontre avec madame de Bret ?»

J'ai bien compris son manège. En embrayant directement sur mon rendez-vous, elle cherche à éviter d'être interrogée sur mes appels sans réponse.

« Et bien, ça a été plutôt froid. On aurait dit que c'était notre première rencontre. Comme si elle avait zappé la soirée chez nous. Elle est restée très distante.

— Elle a réagi comment en apprenant que tu connaissais son infidélité ?

— Elle n'a pas réagi justement ! Elle n'a apporté aucun argument. J'étais plutôt dans un monologue.

— Du coup, ça ne t'a pas servi à grand-chose de venir jusqu'ici.

— Disons que ça m'a libérée de lui expliquer ce que je faisais dans sa vie. Je crois que ce n'est pas si mal. »

Je profite d'avoir la parole pour revenir sur les raisons de son retard.

« Et toi, tu étais où pendant tout ce temps où tu ne répondais pas au téléphone ?

— Je suis retournée à l'hôpital. Comme un pèlerinage, mais avec le plaisir de faire le trajet en te sachant en bonne santé.

— Et tu es allée voir le Professeur de Bret ?

— Non, non ! Je suis restée à l'extérieur, j'ai juste fait ce détour avant de repartir dans le centre-ville. »

Ok, donc ma mère me ment ! Depuis ma sensibilisation aux mécanismes des relations humaines, je vais de surprises en surprises. C'est donc ça la vie, croiser les humeurs, les mensonges, la perfidie d'autrui. Je suis consternée, je ne peux faire confiance à personne, même pas à ma mère. A cet instant, je regrette ma naïveté passée. Je suis tellement décontenancée par son argument, que sur le coup, je ne pense même pas à lui faire remarquer que cela ne justifiait pas qu'elle ne m'ait pas répondu au téléphone. En tout cas maintenant, je suis sûre d'une chose, j'avais raison d'avoir des doutes sur sa relation avec le docteur de Bret.

Je cache ma déconvenue en la remerciant de m'avoir accompagnée et en précisant que sans elle, ce déplacement n'aurait pas eu grand intérêt.

En effet, à part la confirmation, dont je me serais bien passée, de sa liaison avec mon médecin, je n'en ai pas appris plus, que je ne sache déjà. J'avais aussi espéré un rapprochement avec Aline de Bret, il n'a pas eu lieu. Elle est restée tout aussi distante que lors de sa venue à la maison avec son mari. Elle m'a bien fait ressentir que nous n'étions pas du même monde et surtout elle a cherché à minimiser ce qui s'est imposé à elle, elle a bien plus besoin de moi, que moi d'elle !

Elle en a d'ailleurs eu confirmation deux jours plus tard, lorsqu'elle n'a pas eu d'autres choix que de m'appeler, pour obtenir l'adresse de Marion Pelti. J'ai été surprise de la savoir en ville, même si je me suis bien gardé de lui faire remarquer. Les sachant toutes les deux fragiles et me sentant suffisamment forte pour gérer une rencontre qui prévoyait d'être explosive si elle avait lieu, j'ai accepté de l'informer, à condition de l'accompagner et de lui préciser les coordonnées exactes, seulement une fois ensemble.

Rien ne peut m'arriverWhere stories live. Discover now