Le sourire de Kanon

La Giudecca. Il n'aurait jamais imaginé penser mettre un jour les pieds dans ce lieu. Mais il y était. Debout entre deux colonnes, il regardait, sans vraiment le voir, le paysage ravagé par la mort d'Hadès. Les attaques extérieures avaient cessé, semblait-il.

Il serra les dents. Ce n'était pas ce qu'il avait prévu. Ce n'était pas ce qu'il voulait lorsqu'il s'était engagé dans ce combat. Il s'était pas mal moqué du manque de confiance que les autres avaient à son égard. Ce n'était pas pour eux qu'il s'était autant battu. Mais il avait fallu qu'il les secoue, qu'il les oblige à se battre à ses côtés. Il pouvait comprendre leurs absences de volonté, ils avaient tout perdu. Il pouvait comprendre mais il ne l'acceptait pas.

Il avait eu du mal à leur faire comprendre. Quelle absurdité de faire reposer l'équilibre de tout un monde sur les épaules d'un seul homme, aussi puissant soit-il ! Comment pouvait-on accepter ça ?

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Rhadamanthe l'observait de loin.

Lorsqu'il avait ouvert les yeux, l'autre était déjà en train de se battre. Contre qui ? Il l'ignorait à ce moment-là. Il s'était senti si impuissant. Et l'autre qui n'avait eu de cesse de l'interpeler ! Il était même venu lui mettre son poing dans la figure, entre deux adversaires, pour le faire réagir. Malgré tout, il avait eu du mal à se décider.

Les Enfers s'écroulaient. Alors Hadès était mort. Comment cela était-il possible ?

Et cet homme qui osait se battre en leurs noms !

Rhadamanthe avait tout de même fini par se lancer dans la bataille, mais sans réelle volonté de gagner. Pourquoi se battre avec une telle rage pour un monde voué à la destruction ? C'était aussi inutile que vain. Mais le juge l'avait tout de même suivi, contestant toutes les décisions qu'il prenait, chacune des propositions suggérées par cet étranger. Par ce qu'il n'était rien d'autre qu'un étranger, un intrus. Et pourtant la Wyverne l'avait suivi, en tant que rabat-joie démoralisant mais enivré par l'obstination de l'autre.

Et maintenant ?

Maintenant ils attendaient ses décisions.

De la certitude d'une destruction totale, il était maintenant dans l'incertitude. L'autre leur avait donné l'espoir de s'en sortir. Mais à quoi cela servait-il maintenant, cet espoir incertain ?

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La première chose qu'elle avait vu en ouvrant ses paupières, c'était ses yeux. Jamais elle n'en avait vu d'aussi intenses. Mais ce fut la seule fois qu'elle vit cet éclat dans ce regard bleu océan.

Il l'avait réveillée d'un long sommeil dans lequel son époux l'avait enfermée. Elle s'était crue libre lorsqu'il lui avait appris la mort d'Hadès. Enfin elle pourrait retrouver les siens !

Mais ce n'était pas pour cela qu'il l'avait réveillée, qu'il s'était débrouillé avec les trois autres pour arriver jusqu'ici, dans ce lieu où il n'avait aucun de se trouver. Elle lui avait lancé un regard noir. Il en était hors de question ! Elle refusait catégoriquement de prendre la succession d'Hadès aux Enfers. Elle n'avait jamais voulu venir ici. C'est le dieu des Enfers qui l'avait amenée. Elle était là contre son gré et bien qu'il ait fait d'elle la reine de ces lieux, elle estimait ne rien devoir à ce monde.

Quand aux trois autres... Pf, ils ne semblaient pas plus motivés que ça à se battre. C'était lui, cet étranger qui menait ce combat. Et pourquoi ? Qu'y gagnerait-il ? Rien. Il n'aurait aucun remerciement, aucune gratitude. Les trois juges étaient dépourvus de reconnaissance. Elle avait lu la devise de cet endroit en arrivant ici et Hadès s'était bien chargé de la lui rappeler plusieurs fois. Alors qu'espérait-il pouvoir faire ?