Là-bas

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Ils avaient vraiment eu peur, Eirik et Rajiv ! Il avait bien cru qu'Allan ne reviendrait jamais à la vie. Bon ça n'aurait pas été un drame selon le concerné, il serait resté mort, c'était tout. Mais pour eux deux, si ! Parce que, non seulement ils se seraient retrouvés avec un cadavre sur les bras ! Mais en plus ils perdaient tout ce qu'avait vu l'Anglais ! Ni Rajiv, ni Eirik n'en parlait franchement, mais l'un comme l'autre espérait bien faire eux-aussi le voyage. Et peut-être même ne pas en revenir. Mais pour cela, il leur fallait un maximum d'informations. Seulement voilà, de ce point de vue-là, Allan n'était pas tellement coopératif. En effet, il ne se souvenait de rien. Et l'hypnose ne servait toujours à rien. Pourtant Allan affirmait avoir confiance en Rajiv et Eirik. C'était d'ailleurs la première fois qu'un truc pareil lui arrivait. Avoir confiance en quelqu'un. Tout comme avoir des... oui, il pouvait le dire, il les considérait comme des amis. Même s'il n'était pas tellement expressif.

- Je vous laisse me tuer, leur rappela-t-il comme si ce simple fait était une preuve évidente qu'il leur faisait confiance.

Confiance pour le tuer mais pas pour l'hypnotiser, avait relevé Rajiv.

Mais à part ça, il leur fallut plusieurs jours pour ne serait-ce qu'apprendre qu'il fallait payer la traversée du fleuve. C'était quelque chose qu'ils n'avaient pas prévu, donc Allan n'avait pas pu se rendre sur l'autre rive. En cherchant un peu sur Internet... Enfin, ils s'étaient contentés de taper "payer la traversée du fleuve" dans le moteur de recherche ! Bref, toujours était-il que ce même moteur de recherche les avait entrainés sur la trace du fleuve Achéron et de son célèbre nocher, Charon. Aucun des trois ne connaissait. Si ! C'était un métier ! Ah non, c'était charron, le métier. Si ! C'était l'un des satellites naturels... de Jupiter. Un insecte... Donc, non, le nocher Charon ne leur disait rien. Comme l'Achéron d'ailleurs. Quand à l'obole, impossible de savoir à combien elle devait se monter. Vingt kroner, ce serait suffisant ? En tout cas, Eirik n'avait pas plus gros comme pièce !

Allan remontait l'escalier sans aucune hésitation et en courant. Il était content d'être revenu ici. S'il pouvait ne plus en repartir... Et si son cœur décidait de ne plus repartir, trop fatigué qu'il serait de mourir encore et encore. Et Eirik ? Et Rajiv ? Allan pouvait-il les laisser avec sa mort sur leurs consciences ? Il s'arrêta un instant. Un suicide collectif... peut-être. Bon en même temps ils n'étaient que trois. Mais il faudrait être sûr qu'ils atterrissent ici, eux-aussi. Il se retourna pour regarder le fleuve. Il faudrait alors que ses deux amis prévoient une pièce pour payer la traversée. C'était plus prudent. Il regarda un instant la rive. Il pouvait encore la voir. Il avait eu de la chance ! Pourtant il avait été déçu en ouvrant les yeux de s'apercevoir qu'il était allongé sur la berge. Mais cette fois, il n'avait pas oublié la pièce pour payer le batelier, comme dans la mythologie grecque, dans la bouche. De toute façon, il était en sous-vêtements, et dans la main, il craignait de perdre la pièce pendant qu'Eirik l'étranglait. C'était difficile de se laisser faire, de ne pas lutter, même s'il savait que c'était pour venir ici. Difficile et désagréable. Mais en tout cas, il n'avait pas eu besoin de la pièce finalement. Il s'était réveillé sur l'autre berge, là où l'emmenait la barque la dernière fois. Alors Allan n'avait pas traîné et il avait emprunté le seul passage qui s'offrait à lui : l'escalier.

Il s'arrêta. Surpris par le bâtiment qui se trouvait devant lui. La construction ressemblait à ces tribunaux construits à une époque dans le style de la Grèce antique mais en beaucoup plus imposant. Sur le fronton quelques lettres qui lui semblait être du grec. Pourtant, il n'eut aucune difficulté pour les déchiffrer. « La Demeure du jugement ». C'était certainement un tribunal, là où étaient jugées les âmes des défunts. Allan passa l'immense porte. L'intérieur était tout aussi démesuré. Face à lui, un escalier menait à un étage avec un bureau une porte à double battant juste derrière. Mais il n'y avait personne.

Le sourire de KanonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant