Nouveau compagnon

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Trois jours s'étaient écoulés et toujours pas de nouvelle d'Eaque. A moins qu'il est décidé de ne pas revenir. Au moins, le Garuda aurait pu lui ramener quelques vêtements avant de partir !

Enfin trois jours, selon le point de vue de Kanon. Il avait vraiment du mal pour différencier le jour de la nuit. Peut-être parce qu'il n'appartenait pas à ce monde. Alors, il suivait son propre rythme biologique et tant pis si ce n'était pas celui des autres. Pour l'heure, il sortait et tant pis aussi pour la tenue. Ou plutôt, l'absence de tenue ! Il n'allait pas attendre le bon vouloir d'Eaque qui, à n'en pas douter, en faisait exprès de trainer pour l'enquiquiner.

Mais Kanon ne cèderait pas. La personne que ça dérangeait le plus, c'était Perséphone. Il n'avait pas eu vent de nouveaux ordres qu'elle aurait pu donner. D'ailleurs cela faisait un moment qu'il ne l'avait pas vue, quelques heures lui semblait-il. Elle était sans doute à Elysion. Elle y allait souvent et surtout lorsqu'ils avaient des maux tous les deux. Comme ce fut le cas récemment. Pour le repas cette fois, outre le fait bien sûr que Kanon n'était pas dans une tenue présentable et digne d'un dieu. Et là Kanon avait encore rappelé que...

- JE SAIS ! avait tempêté la déesse sans parvenir à faire sourciller le nouveau dieu. J'ai fait brûler tes habits ! J'ai fait une erreur ! Tu vas me le reprocher encore longtemps ?

- Ouais, avait répondu Kanon d'un ton calme mais ferme en constatant que Perséphone admettait avoir fait une erreur.

Après il s'était installé à table, la première fois depuis son arrivée. Jusque là, il avait toujours grignoté un truc par ici, un truc par là. Donc une volaille rôtie, à plat de légumes disparaissait de la cuisine. Juste de quoi faire rager la déesse. Mais cette fois, Perséphone l'avait attendu devant les cuisines, droite comme un i, les bras croisés et le regard assombri par la colère. Kanon était satisfait, la déesse ne décolérait pas. Il lui aurait bien lancé un sourire moqueur pour parfaire l'agacement divin. Mais il se refusait toujours un sourire même pour énerver son nouveau monde. Il avait donc docilement suivi la déesse, après avoir écouté ces remontrances sur sa tenue, en disant qu'il y aurait bien une autre occasion de remettre une bonne couche d'énervement. Et ça n'avaient pas tardé. Envoyant la table chargée des victuailles, Kanon avait pensé que les deux juges restés aux Enfers mangeraient avec eux et encore, il en resterait facilement le trois-quarts. Mais non, tout était pour eux deux seulement.

- Et ben, on en aura pour deux jours au moins, avait alors commenté Kanon.

Offense suprême. Des dieux ! Manger des plats de la veille ! Mais Kanon n'était pas sérieux la ! Bon alors ils pouvaient faire venir quelques spectres... Deuxième offense divine, seulement cette fois Kanon ne laisserait pas toute cette nourriture se perdre, visiblement Perséphone ne savez pas à quel point c'était un bien précieux. Lui si, pour avoir galéré pendant toute sa jeunesse à chercher sa pitance chaque jour. Alors qu'elle soit d'accord ou pas, cette table serait partagée entre les spectres et il se chargerait lui-même de donner des instructions en cuisine, afin que cette nourriture ne soit pas jeter mais distribuée. Mais pour Perséphone, il était hors de question que les spectres mangent les mêmes plats que la déesse. Ce qu'elle n'avait pas dit la et jusque là, elle n'avait pas vu Kanon en colère. De surcroît, Perséphone n'avait pas intérêt d'aller donner d'autres instructions sinon pour elle, ce serait la porte, avec perte et fracas. Lui, il avait attrapé une volaille rôti, des serviettes et il était parti. Il ne voulait plus la voir. Et pour se calmer, il sortait avec son pique-nique après avoir donné ses instructions en cuisine. Il avait emballé son en-cas dans l'une des serviettes, mais la graisse chaude n'avaient pas tardé à imprégné le tissu et à attiser l'appétit du nouveau seigneur des Enfers. Il vadrouilla donc pour se trouver un endroit tranquille pour manger. Mais depuis un moment, il avait l'impression d'être suivi. Une impression désagréable dont il ne parvenait pas à définir l'origine et qu'il ne parvenait pas à semer. Qui que ce soit, il était tenace, le bougre. Et lui, il connaissait parfaitement les Enfers, contrairement à Kanon qui en avait une connaissance plus tôt superficielle. Il stoppa d'un seul coup en entendant quelque chose tomber. Des rochers à en juger par le bruit. Sans hésiter, Kanon fit demi-tour pour chercher le lieu de l'éboulement. Il trouva facilement, Niobé avait dû marcher sur une pierre qui s'était dérobée sous son pied. Il n'était pas tombé de haut, une cinquantaine de centimètres environ. Il s'était déjà relevé et il râlait.

- Ca va ? lui demanda tout de même Kanon.

- Le seigneur Eaque te cherche partout, se contenta grogner le spectre en remontant la petite pente.

- Dis-lui que je mange et j'arrive.

Les deux hommes se dévisagèrent un instant mais le spectre baissa les yeux rapidement face au regard bleu intense de Kanon. Puis il s'éloigna en marmonnant. L'ancien chevalier le regarda disparaître au loin avant de se décider à s'installer. Une serviette par terre pour s'asseoir, il n'était pas aussi délicat habituellement et s'il avait été dans une belle prairie, il se serait même rouler dans l'herbe tout nu. Mais pas là, les Enfers ne s'y prêtait pas. Il s'était à peine installé, sa volaille sur les jambes, qu'il s'immobilisa pour tendre l'oreille. Il lui avait semblé entendre des gémissements. Bon, il y en avait un peu partout dans les Enfers mais c'était davantage des râles ou des plaintes lancinantes. Mais là, c'était plutôt bref et aigu. Piqué de curiosité, Kanon renveloppa à sa volaille pour chercher l'origine de ces appels. Et il ne tarda pas à trouver. En contrebas de sa position, il découvrit trois petites têtes prisonnières sous les cailloux. Les chiots avaient dû se trouver ensevelis lorsque Niobé avait dérapé sur une pierre. Les six petits yeux regardaient Kanon d'un air tout triste, le suppliant par de petits gémissements de les aider. Le bleuté resta un long moment immobile, à les fixer. Il s'était dit qu'il n'aiderait personne ici parce que personne ne l'aiderait et pourtant...

- Et bien, mes bonhommes, finit-il par leur dire en s'accroupissant près d'eux. Dans quel pétrin vous vous êtes fourrés ?

Comprenant que l'homme venait les aider, les chiots adressèrent à Kanon des gémissements de contentement. D'une main, de l'autre le bleuté tenaient toujours sa volaille rôtie, le nouveau dieu dégagea, pierre après pierre, les petits corps...

Il se figea d'un seul coup. Il aurait dû s'en douter. Ça ne pouvait pas être autrement. L'animal n'était pas totalement dégagé mais suffisamment pour finir de se libérer seul de son piège. Et bien que boitillant un peu, le chien à trois têtes lécha d'abord les doigts de l'homme avant de davantage de s'approcher pour poser ses pattes avant sur la jambe son sauveur et réclamait ainsi son attention. Mais Kanon n'était plus du tout réceptif. Il venait, encore, d'aider les Enfers. Il se redressa brutalement en bousculant un peu le chien à trois têtes au passage. Contrarié par cette aide, Kanon retourna s'asseoir là où il était un peu plus tôt. Mais son regard se posa sur le chien resté en contrebas. L'animal infernal regardait toujours Kanon, les yeux brillants tout en remuant la queue. Il levait régulièrement à sa patte avant droite. Kanon l'avait bien vue, la blessure sur sa petite patte mais il ne voulait plus aider la petite bête. Il l'avait déjà libéré de sa prison de pierre, il n'allait pas en plus ne le soigner !

Kanon le regardait par intermittence, l'animal s'asseyaient, se relevait, penchait ses têtes sur le côté, parfois dans le même sens, parfois non et elles cognaient. Alors les deux têtes s'aboyaient dessus et les trois têtes reprenaient leurs manèges.

- Allez, viens, finit par soupirer Kanon.

Le chiot ne se fit pas prier. Il escalada la petite pente qui le séparait de l'homme. Déjà, il avait posé ses pattes avant sur la jambe du bleuté et il le regardait de ses trois paires d'yeux. Ses langues pendantes, l'animal lui manifestait son contentement tout en attendant une caresse. Mais ça, Kanon ne pouvait pas. Pour lui, ce chien restait une aberration malgré l'adorabilité de chacune de ses têtes. Le bleuté savait quelle sorte de bête monstrueuse l'animal allait devenir. D'autant que les trois têtes refusaient obstinément de manger les morceaux de volaille que lui proposait Kanon, comme si la viande était trop fraîche pour lui.

Le sourire de KanonWhere stories live. Discover now