Le sourire de Kanon

Petite confrontation

Rune ne parlait plus à personne. Bon il était vrai qu'il n'y avait pas grand monde avec qui il parlait. Mais il y en avait encore moins maintenant. Il avait eu vite fait de calculer, le Balrog : deux jours après que... heu... qu'il l'ait vu boiter légèrement le juge Minos, ce dernier poussait des hurlements inhumains. Enfin Rune supposait que c'était le Griffon, ça venait de son bureau et il avait aperçu les seigneurs Eaque et Rhadamanthe faire quelques va-et-vient. Du coup, il se sentait terriblement responsable. Son raisonnement : s'il n'avait pas succombé à la luxure, le juge Minos n'aurait pas eu de problème. Ce qui n'était pas totalement faux. Et du coup, la mésaventure de son supérieur lui avait remis les idées d'aplomb et il ne se laissait plus distraire par les souvenirs et les sensations d'une certaine nuit.

Le bruit courait parmi les spectres que Kanon était parvenu à dresser Cerbère pour qu'il attaque les soldats des Enfers et un premier exemple avait été donné avec le juge Minos. Un comble pour Pharaoh ! Un outrage supplémentaire pour l'Egyptien ! Le chien mythique des Enfers, la mascotte du monde souterrain, avait attaqué l'un des leurs et un juge de surcroit ! C'était ça, les hurlements qu'ils avaient entendus, il y avait trois jours. C'était qu'il pouvait être déjà très dangereux le chéri d'amour à Pharaoh. Et celui-ci ne tarissait pas d'éloges sur son petit trésor qu'Hadès lui-même lui avait confié, occultant, consciemment ou non, la défaite de l'animal face à Seiya et Shun.

Ce que le bleuté se chargea de rappeler à l'Égyptien d'un simple raclement de gorge. Les spectres se figèrent dans un silence de mort. Jamais jusque-là, l'intrus avait osé s'introduire dans le quartier des spectres, enfin, ça c'était ce qu'ils croyaient. Bon, ils l'auraient bien attaqué. A plusieurs sur lui, ils auraient peut-être une chance, une toute petite chance de lui botter le cul. Après tout l'armure d'or des Gémeaux ne le protégeait plus. Mais euh... comment dire... Oui ! Il y avait Cerbère ! Ils ne voulaient pas lui faire de mal. Pharaoh leur ferait payer très cher s'ils faisaient une égratignure à son chéri d'amour, même si celui-ci était passé du côté de l'imposteur.

Kanon les regarda immobile, assis sur les restes d'un mur, son chien infernal assis à ses côtés, langues pendantes. Certes Kanon était plus calme depuis une petite semaine, depuis que... enfin, il préférait ne pas trop s'étendre sur le sujet sinon il revoyait... il se revoyait...

Une claque mentale pour se remettre les idées en place ! Ce n'était pas le moment de penser à sa nuit avec un certain spectre dont il ne voulait même pas penser le nom parce que sinon...

Deuxième claque mentale ! Ce n'était vraiment pas le moment ! Il avait eu trois jours pour y penser lorsqu'il avait veillé Minos. Maintenant, c'était terminé, il avait d'autre chose à faire et tout compte fait, il se contenterait de la liste que Rune lui avait fait, si soigneusement écrite de sa main délicate sur sa peau...

Troisième claque mentale ! A ce rythme-là, il allait finir par avoir mal à la tête ! Donc, il voulait reconstruire. Ça l'occuperait un moment. Et il voulait commencer par ce bâtiment, juste histoire de rappeler aux spectres qu'il pouvait aller n'importe où. C'était sa deuxième visite au quartier des spectres et... rien n'avez changé. Les dégâts subits n'avaient pas été réparé, tout juste déblayés et encore. Voilà donc pourquoi les spectres se plaignaient de leurs conditions de vie et Kanon ne se priva pas pour leur signaler qu'au minimum, ils auraient pu déblayer les gravats.

- T'as qu'à le faire toi-même ! lui lança Gigant que le désordre de pierre ne dérangeait absolument pas.

Kanon resta un moment silencieux. Visiblement Gigant avait une poussée de courage et le silence du bleuté le galvaudait. Jusqu'à ce que celui-ci se lève et s'avance vers lui sans le quitter du regard. Cerbère resta assis un instant, l'une des têtes fixée sur Kanon semblait attendre un ordre de celui-ci. Comme rien ne venait, l'animal tenta : il se précipita vers Pharaoh pour lui faire la fête pour la plus grande joie du spectre. Kanon, lui, se planta devant Gigant, la tête levée pour ne pas le lâcher du regard.

- Tu veux vraiment que j'te refasse une petite démonstration ? lui demanda le bleuté sans même vraiment savoir quel impact aurait son coup dans les Enfers, vu l'effet que son poing avait déjà eu à Elysion.

Il espérait donc que le spectre n'irait pas plus loin dans sa fanfaronnade.

- On ne va pas faire plus de dégâts, n'est-ce pas ? tenta le spectre qui ne tenait pas vraiment une nouvelle défaite, surtout devant ses camarades.

- Nan, bien sûr, finit par lui répondre Kanon, le laissant sauver les apparences. Ça te ferait plus de chose à déblayer.

Après tout, il arriverait certainement un moment où il devrait faire cette fameuse démonstration. Le bleuté en avait parfaitement conscience.