Elysion

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Kanon était passé plusieurs fois dans la salle du trône, sous prétexte de surveiller les surplis. Comme le bruit courait déjà que le nouveau seigneur n'avait pas confiance en eux (enfin ce n'était pas une rumeur, c'était un fait et en plus c'était réciproque), ça leur ferait une raison de plus de le critiquer. Au moins, ça les occuperait et en plus Kanon s'en moquait, ce n'était pas ça qui l'empêchait de dormir. En fait, c'était plutôt les juges qui parvenaient toujours à trouver l'endroit où il se cachait pour dormir. Et plus rapidement ces derniers temps depuis qu'un certain chien à trois têtes avait décidé de monter la garde devant sa plaque.

Naïana avait sans doute raison il devrait, peut-être s'isoler à Elysion, puisque de toute façon, s'il allait dans le monde des humains, les juges le suivraient. De vrais potes d'colle ceux-là ! Seulement là-bas, le paysage était certes très joli mais c'était toujours le même : une prairie en fleurs et puis, Perséphone pouvait se rendre là-bas.

Il n'avait pas réparé le trou creusé par les chevaliers d'or dans le mur des Lamentations, ni même les dégâts causés à la Giudecca ou à tout autre bâtiment. Il parcourait les Enfers à longueur de temps. Il avait fini par accepter la présence de Cerbère. De toute façon, l'animal le retrouvait toujours et encore plus vite que les juges. Il faut dire que même si l'une des têtes avait la goutte au nez il avait toujours les deux autres têtes pour renifler sa trace.

- Ecoutez-moi bien, vous trois, ordonna Kanon, agenouillé devant la bête en pointant un doigt vers les trois têtes et l'autre sur le mur des Lamentations, moi je vais là bas. Et toi, (il pointa les surplis), tu surveilles les surplis.

Les trois têtes se tournèrent en même temps vers la nouvelle direction indiquée par Kanon, les langues pendantes et les regards brillant, soucieux de bien faire. Mais le chien tricéphale se contentait de suivre les mouvements de l'homme sans écouter ses paroles. A chaque fois que le bleuté se dirigeait vers le mur des Lamentations, Cerbère le suivait. Vraiment, il était désespérant, cet animal !

- Non ! Tu restes là ! Et tu ne fais pas ces têtes là !

Cerbère tentait d'amadouer Kanon pour qu'il l'emmène avec lui, sagement assis, en émettant de légers gémissements. Et dès que le nouveau seigneur des Enfers ne le regardait plus, il le suivait pour se rasseoir aussitôt dès que Kanon se tournait vers lui.

- Non, mon gars, toi, tu restes là ! C'est dangereux pour toi, là-bas.

Mais qu'est-ce qu'il racontait ? C'était un excellent moyen de se débarrasser de ce pot de colle sur pattes. C'était aussi un bon moyen pour voir si l'inter-dimension avait retrouvé sa stabilité. Non, Kanon ne voulait même pas savoir si l'inter-dimension avait retrouvé sa stabilité d'antan. Et pour être sûr que l'animal ne le suive pas, Kanon attacha Cerbère à l'une des colonnes. Bien sûr, il aurait pu le laisser à Pharaoh mais le bleuté doutait que l'animal soit resté avec le spectre. Alors le chien des Enfers pleura trois fois plus qu'un chien ordinaire.

- C'est pour ton bien, argumenta Kanon. Sinon tu vas me suivre et il ne faut surtout pas.

Et tout compte fait, il faudrait que Kanon ne tarde pas à réparer ce trou. Ainsi aucun risque que Cerbère le suive. D'ailleurs, celui-ci continuait de pleurer, implorant le nouveau dieu de l'emmener avec lui. Mais Kanon ne changea pas d'avis et il disparut dans l'inter-dimension.

Il se laissa flotter un instant. Il sentait bien que cet endroit était différent. Un peu comme s'il nageait sous l'eau, mais avec une sensation de légèreté plus forte encore. Ici, il n'y avait ni haut, ni bas, ni droite, ni gauche. Le poids n'existait pas. C'était d'ailleurs un peu déroutant, cette absence d'appui, cette sensation d'apesanteur. Ici, pour avancer, les mouvements n'étaient pas nécessaires, à ceux qui pouvaient supporter cette dimension, seule comptait la destination. Celui qui ne savait pas où il allait se perdait à jamais dans ce lieu, dans ces limbes.

Le sourire de KanonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant