Ses silences

115 16 45
                                    

Malgré tout Rune avait quelques difficultés pour se concentrer depuis que... heu... depuis que Cerbère avait mordu Minos. Lorsque le Balrog y pensait, à ces moments-là... ceux qui avaient précédés l'agression de son supérieur, le procureur sentait ses joues chauffer et son cœur s'emballer. Pourquoi ? Il détestait cet homme plus que tout ! Alors pourquoi se mettait-il dans un état pareil en pensant à lui ? Et puis, il n'avait pas sa place ici ! Tout le monde s'accordait à le dire, le bleuté avait usurpé la place de Dame Perséphone. Comment leur déesse pouvait-elle accepter une telle chose ? Comment les trois juges pouvaient-ils tolérer sa présence...

Il releva subitement la tête en entendant un bruit à l'extérieur de son bureau. Etait-ce le seigneur Minos ? Celui-ci allait mieux mais pas suffisamment pour venir jusqu'ici ! Et le procureur y veillait ! Déjà qu'il se sentait terriblement responsable...

Il se leva pour aller le voir. Minos voulait certainement faire quelques jugements pour laisser ses deux frères surveiller Kanon. Rune s'arrêta au milieu du couloir menant au bureau du Griffon. Le bruit ne venait pas de là, ni-même de la salle des jugements. Non, cela provenait... des archives. Mais que faisait le juge là-bas ? Généralement, il n'y avait que Rune pour y aller. Ah moins que... Non ! Pourvu que le bleuté n'ait pas encore besoin d'une quelconque liste ! Rune lui en avait déjà fait une et puis... il n'avait pas envie de le revoir.

Si ! Mais non ! Mais...

Rune s'arrêta. Il était là-bas. Kanon. Son cœur fit un bond. Celui de du spectre. Il était là-bas. Le bleuté. Tout au fond de la salle des archives. Son rythme cardiaque s'accéléra et sa respiration aussi. Ceux du Balrog. Que faisait-il là-bas ? Kanon. Au niveau des archives...

Son cœur s'arrêta. Celui de Rune. Mais il n'avait pas le droit d'aller là-bas ! Kanon. Rune non plus d'ailleurs. Alors le Balrog se précipita sans réfléchir pour s'interposer entre le bleuté et la porte. Surpris, Kanon lâcha la poignée et la porte se referma alors que Rune s'adossait dessus. Les deux hommes se fixèrent un instant avant que le spectre ne parvienne à dire d'un ton sec et autoritaire.

- Tu n'as pas le droit d'aller là ! Ce sont les archives privées !

Les archives privées ? Parfait ! C'était exactement ce qu'il fallait à Kanon. Non, insista Rune. Seul le seigneur Hadès avait le droit d'entrer ici.

- Il est mort, rappela le bleuté.

Regard presque effaré du Balrog pendant une seconde avant de gratifier Kanon d'un regard meurtrier. Il le savait très bien que son seigneur Hadès était... était... Il était inutile de le lui rappeler ! Mais ça ne changeait rien. Rune ne savait pas par quel tour de passe-passe, le bleuté avait usurpé la place de Dame Perséphone mais ça ne lui donnait pas le droit d'entrer ici.

Kanon dévisagea l'homme en face de lui. Il savait pertinemment ce que pensait les spectres à son sujet. Mais l'entendre de vive voix, c'était autre chose. Surtout de la part de Rune. Etrangement, ça faisait mal. Pourtant il n'en montra rien. Il coincerait bien le Balrog contre cette porte qu'il protégeait avec tant d'ardeur pour... euh... Et puis d'abord, pourquoi les juges n'avaient-ils pas mis autant d'énergie à protéger leur monde ? Le bleuté n'en serait pas là !

Face à lui, Rune observait le silence de l'ancien chevalier. Visiblement, le procureur avait fait mouche. Kanon avait bien usurpé le trône de sa déesse. Cette absence de réponse en était la preuve ! En même temps, même si le bleuté avait répondu, Rune lui aurait dit qu'il avait quelque chose à cacher. D'ailleurs, ils ont tous les deux quelque chose à cacher : leur nuit ensemble. Ni l'un, ni l'autre ne voulait en parler. Pourtant, tout deux n'attendaient qu'une seule chose : que l'autre fasse le premier geste qui lancerait le début... Rune luttait pour garder les idées claires. Il tentait vainement de dompter les battements de son cœur et d'un autre côté, il enivrait ses yeux de ce visage au teint légèrement hâlé, son nez de cette odeur marine. Sa peau frissonnait à la simple idée de toucher celle de Kanon et il luttait pour que ses mains restent des poings serrés. Il ne voulait pas non plus faire ce premier geste.

Le sourire de KanonWhere stories live. Discover now