L'importance de notre travail

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Il caressait tout son corps. Ce seul contact le faisait frémir. Il se mordit la lèvre pour y résister au maximum. Il ne voulait pas céder maintenant à ses charmes malgré son désir déjà bien présent. Pas tout de suite. Il voulait profiter encore du contact de son corps. Il passa sa main sur sa joue. Doucement, pour lui arracher des soupirs. Ce qui ne manqua pas. Il fit alors descendre sa main sur son cou, du bout des doigts pour attiser ses sensations. Il laissa errer son regard sur les courbes de son visage, sur sa bouche entrouverte qui laissait toujours échapper de légers gémissements. Il avait envie d'en prendre possession. Il regarda sa tête basculer lentement vers l'arrière, livrant totalement son cou à sa main. Il s'approcha. Leurs peaux nues se touchèrent à peine. Il déposa un baiser à la base de son cou. Un effleurement. Un gémissement plus long, plus langoureux. Il projeta son souffle sur sa peau. Le baiser se posa de nouveau, remontant lentement jusque sous son oreille. Un petit cri s'échappa. Ils frémissent. Il sent ses mains se poser sur ses épaules, pour l'agripper et enfoncer ses ongles dans sa peau. Il fait descendre délicatement sa main en suivant du bout des doigts sa colonne vertébrale. Il sent le frisson qui traverse ce corps soumis à ses caresses. Et il sourit. Il est satisfait de l'effet qu'il procure.

Il se redressa d'un bond. Il n'était pas seul. Kanon entendait toujours les gémissements. Mais ils étaient différents de ceux de... son rêve. Ainsi donc ce n'était qu'un rêve. Était-il à ce point en manque de sexe pour fantasmer dans un songe ? Et puis, avec qui était-il ? Il n'avait pas reconnu le corps de sa partenaire.

Et ces gémissements-là, à qui étaient-ils alors ?

Son regard parcourus les alentours et le bleuté trouva rapidement. Cerbère. Le chien des Enfers l'avait encore trouvé. Mais quelle plaie, ce cabot ! S'il avait su que c'était lui, prisonnier sous le tas de pierre, le bleuté l'aurait laissé où il était. Foutaises ! Il l'aurait quand même aidé. Ce n'était qu'un chiot ! Même en connaissant la nature de l'animal, jamais Kanon ne l'aurait laissé dans une telle situation. Et maintenant, le chien à trois têtes le suivait quasiment partout au lieu de retourner avec Pharaoh. Ce qui déplaisait fortement à ce dernier.

- Chut ! Tais-toi ! ordonna le nouveau dieu en faisant des signes à l'attention de l'animal pour qu'il se taise. Tu vas me faire repérer.

- Trop tard, c'est fait.

- Traitre, lança le bleuté à l'attention de Cerbère avant de lever la tête vers le spectre.

Rhadamanthe, évidemment. Kanon aurait dû se douter que cette présence n'était autre que celle de l'un des juges. Pourtant...

- Tu sais que tu disposes d'appartements à la Giudecca, lui lança la Wyverne d'un ton sec en regardant l'homme se lever.

- Ouais, c'est ça ! rétorqua Kanon. Comme ça, vous pouvez me trouver plus facilement !

- Et on n'aura pas besoin de courir sans arrêt après toi.

Kanon fixa le juge droit dans les yeux. Sans son surplis, Rhadamanthe avant l'air tout aussi coincé. Un vrai pince-sans-rire ! Tout à fait à l'image de cet endroit.

- Bon, reprit le bleuté. Qu'est-ce tu veux ? Parce que tu m'as pas cherché uniquement pour mes beaux yeux !

- Tu es le seigneur des Enfers, nous devons donc toujours savoir où tu te trouves, pour ta sécurité.

- Ma sécurité ? Parce que quelqu'un en voudrait à ma tête ? Alors ça, j'ai du mal à y croire !

Certes le bleuté avait décidé de ne plus sourire mais il n'avait pas non plus abandonné le sarcasme et l'ironie. Il savait très bien qu'il n'y aurait aucun spectre pour lui venir en aide s'il en avait besoin. Bien au contraire. Alors les salades de Rhadamanthe comme quoi il était le seigneur des lieux (bon ça, c'était vrai) et qu'en tant que tel, lui et ses frères se devaient de veiller sur lui et le protéger et bla bla bla... il pouvait se les garder et même se les manger à la vinaigrette à moins qu'il ne préfère se les mettre dans le...

Bref, Kanon n'avait pas l'intention de détruire les Enfers sinon il ne se serait pas casser le cul à les protéger. Il ne demandait pas une tonne de remerciements éternels mais seulement qu'ils lui foutent la paix ! Ce n'était pas difficile à comprendre pourtant ! A moins que les spectres ne sachent plus réfléchir !

Rhadamanthe avait écouté le bleuté en silence et en serrant les dents. Lui non plus n'était pas content de la présence d'un chevalier d'Athéna à la tête des Enfers, tout comme ses frères et les autres spectres. Mais comme les deux autres juges, il savait aussi comment le bleuté en était arrivé là, petit détail que les autres spectres ignoraient. Il ne le plaignait pas pour autant. Certainement pas ! La Wyverne était plutôt du genre à penser que chacun avait ce qu'il méritait. Seulement, il doutait que Kanon méritait le statut qu'il avait obtenu. Pas avec les antécédents qu'il avait. Et encore moins qu'il sache ce qu'il devait faire en tant que divinité. D'autant plus qu'il n'écoutait pas Dame Perséphone. Sans doute pensait-il que c'était facile d'être un dieu.

- Tu as fait cesser toute activité aux Enfers, reprit Rhadamanthe une fois que Kanon eut terminé son monologue.

- Ouais et alors ?

- Il faudrait songer à reprendre. Les âmes s'accumulent sur les bords de l'Achéron et le retard aussi.

- Il fallait bien que je mette le nez dans les lois. Y en avait quelques unes à revoir.

- Peut-être, répondit le juge en serrant davantage les dents, sur ce point, il n'était pas d'accord. Mais maintenant que c'est fait, les jugements peuvent reprendre.

Les deux hommes se fixèrent de nouveau. Mais Rhadamanthe connaissait déjà la réponse. Alors il s'écarta d'un pas pour laisser passer le bleuté. Kanon soutenait toujours le regard dur du juge. Celui-ci lui avait libéré un passage... vers la Giudecca. Ce n'était pas que le spectre s'effaçait face au nouveau seigneur des Enfers. Non, c'était un ordre déguisé et silencieux : « tu vas par là et tu te tais ».

Seulement, c'était mal connaître Kanon. Sans un mot, le bleuté s'en alla à l'opposé. Rhadamanthe le suivit en retenant un soupir d'exaspération ainsi qu'un juron. Il savait que certains spectres s'étaient mis en tête de mener la vie dure à Kanon, mais là, c'était la Wyverne qui était à deux doigts d'étriper cet homme. Ce dernier n'était jamais là où on l'attendait. Il devait pourtant bien comprendre qu'il y avait des priorités ici. Ils ne pouvaient pas laisser toutes les âmes s'agglutiner sur les bords de l'Achéron ! Mais Kanon n'écoutait pas, il continuait son chemin vers on ne savait où avec Cerbère sur les talons. Lassé de parler dans le vide au bout de cinq minutes, Rhadamanthe n'était pas du genre bavard et les longs discours l'agaçaient, surtout lorsque c'était lui qui devait les faire, il attrapa le bleuté par le bras pour l'obliger à le suivre, comme un gamin. Il ne s'arrêta qu'au bord de l'une des falaises surplombant l'Achéron.

Kanon regarda mollement ce que lui montrait la Wyverne. Mais tout ce que voyait le bleuté, c'était qu'il était en hauteur et qu'il ne sentait pas le moindre souffle de vent. En revanche, il sentit son cœur se soulever et sa mâchoire se serrer, comme pour réprimer des nausées. Il y avait ces relents putrides d'âmes en décomposition. Ça ne pouvait être que ça, à moins que la souffrance ait une odeur.

- C'est bien, se contenta de répondre Kanon, puis n'ayant aucune réponse, il continua : c'est tout ?

- Tu ne saisis pas bien l'importance du travail que nous faisons.

- Attends, répète ! L'importance de votre travail ! Tu te fous de moi, là ! L'importance de votre travail ! Alors que j'ai traîné trois... non quatre boulets ! Tu t'en foutais bien, là, de l'importance de votre travail !

Une nouvelle fois, Kanon envoyait au visage de la Wyverne l'erreur que lui et ses frères avaient commise. Jamais Rhadamanthe ne pourrait effacer cette tâche. Et puis, de toute façon, il ne voulait pas l'oublier. Il devait toujours l'avoir à l'esprit pour ne jamais refaire la même. Mais il devait absolument faire attention à ce qu'il disait s'il ne voulait pas mettre en route la machine à reproches que pouvait être Kanon. Et pour commencer, il le laissa partir en râlant. Inutile d'en remettre une couche, celle du bleuté était suffisamment épaisse. Le juge porta de nouveau son regard sur l'attroupement d'âmes. Il serra les dents. Tant pis, il reprendrait les jugements même s'il s'attirait la colère de Kanon. Il était hors de question de prendre d'avantage de retard. Il faudrait juste qu'il soit discret. Si Kanon avait l'intention de mettre les Enfers sans dessus-dessous, il ne faudrait pas compter sur Rhadamanthe pour le laisser faire.

K*

Le sourire de KanonWhere stories live. Discover now