Christer

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Merci à @KhedaLaDominatrice pour son aimable autorisation.

Il s'était écoulé plusieurs jours depuis qu'Allan était de nouveau revenu d'entre les morts. Contre l'avis de ce dernier, Rajiv et Eirik avaient préféré attendre avant de réitérer l'expérience. Deux fois déjà que l'Anglais était allé là-bas. Mais avant de l'y renvoyer, ils devaient d'abord définir ce qu'il y avait vu. Allan était incapable de dire s'il avait ou non traversé le fleuve. La seule chose qu'ils avaient, c'était "Heinstein". Ce mot prononcé par le blond lors de son retour parmi les vivants et Eirik et Rajiv voulaient d'abord trouver à quoi correspondait ce nom avant de renvoyer leur ami dans le monde des morts. Il ne l'avait certainement pas dit pour rien. Il ne l'avait tout de même pas inventé. Pas Allan, il n'avait pas suffisamment d'imagination ! Là-dessus, le Norvégien et le Népalais étaient d'accord.

Allan détestait cette période où il devait attendre. Il n'aimait pas attendre, c'était de la perte de temps pour lui. Il voulait y tourner rapidement. La seule chose dont il se souvenait vraiment, c'était cette impression désagréable de mourir alors qu'il revenait à la vie. En plus, il était persuadé que son nom karmique avait été prononcé mais impossible de s'en souvenir. Et ça le mettait en rage. Une raison de plus, selon Rajiv, pour attendre avant de, de nouveau, envoyer Allan dans l'autre monde. Hors de question de le tuer pour le moment !

Christer était plutôt quelqu'un de discret habituellement. Il parlait peu et à personne. Sa relation avec le monde se faisait à travers les livres. Certains disaient de lui, à part qu'il était asocial, qu'il avait dû lire tous les livres de la bibliothèque universitaire tellement il y passait de temps. Voir même qu'il faisait des choses dégoûtantes avec les ouvrages ! Mais Christer écoutait à peine. Il trouvait méprisable ce genre de personne qui passait son temps à critiquer les autres. Lui, il était ici pour étudier pas pour autre chose. Même pas pour se faire des amis. Les autres étaient trop superficiels selon lui, et ils parlaient souvent pour ne rien dire. Lui, lorsqu'il parlait, on l'entendait à peine. Il aimait le silence.

Mais ce matin, l'étudiant faisait entendre qu'il avait de la voix.

- Tu n'as pas le droit ! hurlait-il à l'encontre d'un étudiant. Rends-le moi !!!

Il se serait bien jeter sur lui pour récupérer son bien. Mais un autre étudiant le tenait pour l'en empêcher tandis que son ami ouvrait un petit cahier.

- Ce que tu peux être coincé, Christer ! Déride-toi un peu !

Il s'arrêta à une page quelconque et il commença la lecture à haute voix, à tout ceux qui voulaient l'entendre, comme s'il était un grand acteur. Mais il n'en avait aucun droit. Dans ce cahier, Christer y notait ces rêves étranges qu'il faisait parfois et d'où il ne voulait jamais repartir. Il les réécrivait régulièrement lorsqu'il y avait trop de ratures parce que Christer rajoutait toujours des détails dont il se souvenait par la suite et qu'il était un maniaque de l'ordre et de la propreté. Donc, deux ratures par page, c'était de trop. Il était d'ailleurs en train de relire lorsque cet imbécile lui avait arraché son précieux cahier des mains.

« Pitoyable prestation » songea Eirik en passant à proximité de l'attroupement qui s'était formé autour du lecteur qui se prenait visiblement pour un grand orateur. Mais dans les faits, il ferait mieux de taire sa voix de crécelle. Il ne comprenait pas comment ça pouvait plaire à la foule. Le jeune homme s'apprêtait à s'éloigner lorsque des détails de la tirade attirèrent son attention. L'étudiant semblait lire une description semblable à celle qu'avait pu donner Allan. Alors Eirik s'arrêta pour écouter un peu plus. Et en effet la description semblait plus détaillée mais c'était bien le même endroit. Il observa la scène avec un peu plus d'attention. Visiblement le cahier qu'il était en train de lire ne lui appartenait pas. À cet autre peut-être qui s'égosillait en lui demandant de se taire et de lui rendre son cahier. Celui-là, Eirik le reconnut sans peine. Il était sur le point de lui demander son téléphone juste avant qu'il ne rencontre Allan et Rajiv.

- Hou !!! Ça devient chaud ! s'exclama le lecteur en commençant une nouvelle page. Écoutez ça : « la colère dans son regard bleu océan me fait chavirer... »

La colère se lut aussi sur le visage et dans la voix de Christer lorsque celui-ci cria une nouvelle fois de lui rendre son cahier. C'était apparemment un passage beaucoup plus... intime. Mais peu importait à Eirik. Tout ce qui l'intéressait pour l'instant, c'était de récupérer ce même cahier et discuter avec Christer pour savoir d'où il tenait toutes ces descriptions que les autres ne prenaient que pour de la fiction. Il se faufila dans la foule de plus en plus dense venue autant pour écouter ce déplorable lecteur que pour se repaître du désarroi de l'un des leurs. C'était vraiment lamentable. Et il ne fallut pas grand-chose à Eirik, juste un petit coup discret, pour déséquilibré un certain étudiant et Christer se libéra de son emprise.

A peine libéré, le jeune homme se jeta sur le lecteur. Il le frappa violemment au visage, à la grande stupéfaction de la foule qui n'osait pas bouger.

Le sourire de KanonWhere stories live. Discover now