Rira bien...

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Perché un peu plus loin, sur un promontoire, Eaque surveillait ce que faisait son nouveau seigneur. Mais celui-ci ne bougeait pas. Il restait assis par terre, adossé à un rocher à regarder ce petit bout de prairie au milieu des Enfers. Toujours près de lui, Cerbère avait posé ses trois têtes sur l'une des jambes tendues du bleuté.

Le Népalais réfléchissait. Ils avaient de moins en moins d'âmes à juger. La salle d'attente se vidait tout doucement mais elle se vidait. Et les juges n'avaient toujours pas trouvé le moyen de faire traverser l'Achéron aux âmes derrière le dos de Kanon. Les juges avaient bien mis au point un petit plan. Mais pas directement avec Charon, celui-ci était un trop mauvais comédien. Alors ils étaient passés par Queen et Sylphide. Ainsi, le passeur finirait par avoir lui-même l'idée de le resservir à Kanon pour lui faire entendre raison. Mais ils avaient oublié un petit détail : le goût immodéré du passeur pour les pièces. Très peu de ses collègues le savait mais Charon était un collectionneur. Il avait des pièces de toutes les époques, de toutes les civilisations, à faire pâlir n'importe quel numismate. Mais c'était aussi ce qui l'avait perdu. Le plan avait échoué.

Pour l'instant, le juge surveillait Kanon. Le bleuté était calme. Trop calme. Ça n'augurait rien de bon. Eaque serra les dents. Kanon était en train de préparer un mauvais coup. Il en était persuadé. Ce n'était pas normal qu'il reste aussi calme. A moins que ce ne soit fait et il attendait la réaction des spectres. C'était ça ! Eaque était trop loin et il ne voyait Kanon que de dos, sinon il le verrait sûrement sourire. Ou alors il avait sur le visage, ce mélange d'impertinence, de provocation, de suffisance, de moquerie et il en passait, et qui caractérisait si bien Kanon. Ou alors il réfléchissait à ce que Charon lui avait dit et avec un peu de chance... Non, impossible !

En tout cas, il était vrai qu'il était plutôt inhabituel de trouver Kanon aussi inactif. Il restait assis par terre, les bras croisés sur la poitrine, le regard vague sur la petite prairie qui s'étendait devant lui. Ce même champ de fleur où reposait Euridyce. Bien sûr, Kanon connaissait l'histoire. Mais personne n'avait précisé qu'Orphée était resté aux Enfers pour demeurer auprès de sa belle. Une histoire magnifique qui ne touchait pas particulièrement Kanon. Bien sûr, il était mort pour Athéna, par rédemption plus que par dévotion. Et il estimait ne plus rien lui devoir. A son frère, par contre... Kanon lui avait fait beaucoup de mal, il l'avait beaucoup déçu. Encore aujourd'hui...

L'une des têtes de Cerbère éternua sortant Kanon de ses pensées. Une fleur était venue lui chatouiller la truffe. Le bleuté le regarda éternuer et secouer la tête tandis que celle d'à côté lui léchait la truffe sous le regard attentif de la dernière. L'ancien chevalier fronça les sourcils. Parce que c'était de vraies fleurs ! Avec du pollen ! Bon, Kanon ne s'était jamais posé la question jusque-là, il n'avait pas expressément choisi cet endroit. Pas qu'il se soit assis n'importe où, sans faire attention... en fait, si. De toute façon, où qu'il aille, il y avait toujours un juge derrière lui. Là, c'était Eaque, le bleuté savait pertinemment que le Garuda se trouvait derrière lui. Il en avait toujours un derrière le cul. Même avec un juge en convalescence, ils parvenaient quand même à le suivre, tout en jugeant les âmes. Parce que le bleuté n'était pas dupe. Il avait beau leur avoir interdit de travailler, il savait pertinemment que certains continuaient comme...

Non ! Il s'était interdit de penser à lui parce que sinon... trop tard, son esprit vagabondait déjà dans les souvenirs de cette nuit-là. Bon d'accord, il avait passé la meilleure nuit de son existence mais c'était avec un spectre ! Il allait déjà passer l'éternité avec eux...

L'éternité avec Rune sans pouvoir y tou... Claque mentale ! Penser à autre chose ! Mais à quoi ? A la prairie. Mais il n'y avait rien à dire de plus sur cette prairie. C'était juste des fleurs au milieu des Enf... Des fleurs en Enfers ? Il n'y en avait nulle part ailleurs de ce côté de l'hyper-dimension. Même autour du magnolier situé au-dessus de cette cascade de sang, il n'y avait pas un brin d'herbe. Il s'était déjà demandé comment cet arbre avait pu pousser. Il savait que la nature était parfois étonnante mais là... si elle n'avait pas été la avant qu'il ne remodèle la paysage d'Elysion, il aurait dit qu'il y avait eu un mélange entre Elysion et les Enfers. Mais non. Là, c'était un peu, comment dire, contrairement à ce qui était écrit à l'entrée de ce monde, il y avait toujours un peu d'espoir. A moins que ce ne soit en fait un enfer. Un enfer de fleur ? Ça paraissait totalement absurde ! Autant que d'être condamner à devenir le dieu de cet endroit comme il l'avait pensé au début. Kanon fronça les sourcils. Plus il y pensait et moins il trouvait que les Enfers ressemblaient à ce qu'il avait appris étant gamin. Hadès aurait-il effectué des modifications avec le temps. Changements qui ne seraient pas parvenus jusqu'à eux, simples mortels.

Le sourire de KanonWhere stories live. Discover now