La liste

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Minos était retourné depuis un moment dans son bureau, laissant son procureur continuer de chercher ses registres manquants. Il était inutile de l'aider. D'abord parce que ce n'était pas dans la nature du juge, des juges, de venir en aide aux autres, ce n'était pas envisageable. Et puis de toute façon, il n'aurait pas aidé Rune comme celui-ci le concevait. En admettant bien sûr, que celui-ci connaissait cette notion. Aux Enfers, c'était plutôt "aide-toi tout seul et nous on profite du spectacle".

Alors le Griffon s'installa à son bureau pour... euh... en tout cas, absolument pas pour étudier quelles âmes il pourrait juger discrètement sans que Kanon ne s'en aperçoive. Tant que celui-ci ne mettait pas les pieds dans la salle d'attente, tout allait bien. Le problème, c'était Charon. On ne dirait pas comme ça, mais le passeur était important. En effet, il était le seul à pouvoir faire traverser l'Achéron aux âmes. C'était sans doute pour s'accorder une reconnaissance qu'il n'avait pas auprès de ses pairs que Charon demandait une pièce d'argent pour la traversée. Enfin, ce n'était qu'une supposition de la part du Griffon qui s'apercevait que les juges des Enfers ne pouvaient pas se passer du travail de ce spectre et lorsque, lui et ses frères auraient jugé toutes les âmes de la salle d'attendre, dans le dos de leur seigneur qui le leur avait interdit, il faudrait qu'ils trouvent une ruse avec Charon pour faire passer les âmes suivantes, toujours dans le dos de Kanon.

Minos sursauta en rangeant précipitamment le registre posé sur son bureau. Oh punaise, si Rune voyait comment il venait de traiter l'ouvrage, le Griffon se ferait certainement découper en morceau par le fouet du Balrog. D'ailleurs, le juge se figea en voyant qui venait d'entrer dans son bureau comme une tornade sur les plaines de la Tornado Alley : Rune.

Deux livres serrés contre sa poitrine, le procureur allait et venait devant le bureau de son supérieur tout en baragouinant des trucs dans un norvégien incompréhensible même pour Minos. Il semblait pourtant à ce dernier qu'ils parlaient tous les deux la même langue. Ils s'en amusaient parfois, à parler en norvégien devant d'autres spectres, uniquement pour voir leurs têtes. On s'amuse comme on peut. Mais pour l'instant, le Griffon ne rigolait pas du tout. Et à ce rythme-là, le Balrog allait lui donner le mal de mer. D'autant plus qu'il ne savait pas si c'était dirigé contre lui pour avoir traité de façon si "monstrueuse" le registre si précieux aux yeux du jeune Norvégien. Que Minos réfléchisse bien... non ça ne pouvait pas être contre lui puisque le Balrog était rentré furax dans son bureau. Donc, ce n'était pas pour la maltraitance qu'il venait de faire subir au livre. Alors il avait dû faire autre chose qu'il ne savait pas. Non, il ne voyait pas. Le mieux était encore de laisser Rune finir de s'énerver tout seul. Il finirait bien par se calmer et s'asseoir dans le fauteuil. A ce moment-là, ils pourraient peut-être parler. Mais pour l'instant, c'était impossible.

Enfin, après une bonne demi-heure, Rune finit effectivement par se calmer. Enfin, calmé était un bien grand mot. Du moins, il avait cessé ses aller-et-venues, le paquet et le tapis ne semblaient pas avoir été trop souffert de ce piétinement. Et le procureur s'était effectivement assis dans le fauteuil, les épaules affaissées et sans pour autant avoir lâcher ses précieux livres. Alors Minos posa enfin sa question :

- Tu peux répéter, s'il te plaît. Je n'ai rien compris.

Rune regarda son supérieur d'un air désespéré. Il n'avait rien écouté ou quoi ? Le Balrog avait horreur de se répéter, Minos le savait pourtant !

Minos laissa son procureur s'agiter jusqu'à ce que ce dernier en ait assez de faire les cents pas et qu'il s'assoie dans un fauteuil en face du bureau du juge

- Alors, tenta Minos, qu'a encore fait Kanon ?

Parce qu'il s'agissait forcément du nouveau seigneur des Enfers pour mettre le Balrog dans cet état d'énervement. En fait, quoi qu'il se passait de pas normal en ces lieux, ces derniers temps était forcément dû aux faits et gestes de leur nouveau seigneur.

Le sourire de KanonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant