Le sourire de Kanon

Mise au point

Dans les faits, Kanon aurait pu s'habiller. Il avait trouvé des vêtements plus à son goût et surtout à l'opposé de la version « popale ». Mais il s'était mis en tête d'utiliser un minimum de choses provenant des Enfers. Ce qui allait être particulièrement difficile vu qu'il dépendait de tout. Et bien qu'il prétende s'en moquer, il préférait quand même être vêtu. Donc maintenant, il attendait de voir ce que lui ramènerait Eaque. En espérant que le Garuda n'ait pas un trop mauvais goût vestimentaire, sinon il devrait se rabattre sur ce qu'il avait trouvé ou alors continuer de jouer au nudiste. Pfou, pourvu qu'Eaque trouve quelque chose de mettable !

Mince, il en était à espérer quelque chose d'un spectre ! Mais ça n'allait pas du tout !

Enfin pour l'instant, il avait concédé aux spectres de ne pas trop se balader sans une tenue descente. Il resterait donc à la Giudecca, à tourner en rond parce que maintenant il connaissait la demeure divine par cœur, enfin, ces ruines. Et elles n'offraient pas grand-chose de plus à l'esprit hyper-actif du second Gémeaux. Vivement qu'il puisse ressortir !

Mais il ne s'était pas non plus cloîtré dans la Giudecca. Il n'était pas idiot ! Plus Eaque mettrait de temps pour lui ramener des vêtements et plus Kanon sortirait, tenue d'Adam ou pas. Sauf que Adam, lui, avait une feuille de vigne et pas Kanon ! Donc, le juge avait une semaine pour faire ses emplettes. Seulement le nouveau dieu n'avait pas du tout la notion du temps depuis qu'il était en Enfers. Il ne saurait même pas dire combien de jours, d'heures ou il ne savait quoi, s'était écoulé depuis son nouveau statut. Alors il devait estimé par rapport à son propre rythme biologique. Pas évident. Tant pis, Kanon sortait en douce. Il était très fort pour ça, question d'habitude au Sanctuaire où il parvenait à circuler sans se faire repérer. Seulement à l'époque, peu de personne connaissait son existence, donc il était souvent pris pour Saga. Mais ici, 108 spectres l'avaient à l'œil et circuler sans se faire repérer par deux cents seize yeux qui vous cherchent, ce n'était pas évident !

Donc, pour l'instant, il errait dans la salle du trône à regarder chacun des surplis. Les spectres les avaient amenés au dernier moment et certainement sur un ordre, restait à savoir auquel des trois juges ils avaient obéi. Parce qu'il doutait que ce soit à lui qu'ils aient obéi !

- Tu es fier de toi !

Ah, cette voix-là, Kanon la connaissait. En même temps, il n'y avait pas beaucoup de femme ici ! Un regret pour le bleuté. Enfin, tant pis. Il tourna à peine la tête vers la déesse et il soupira ouvertement en gonflant les joues, comme un enfant que ses parents énervaient passablement. Et en fait, la déesse le « gonflait ».

- A quel propos ? demanda presqu'innocemment Kanon.

Presque, parce que le bleuté commençait à cumuler les erreurs selon la déesse des Enfers. D'abord, il n'était jamais là lorsque la table était dressée. Il allait toujours piquer quelque chose dans la cuisine, vieille habitude là-aussi. Il était toujours en vadrouille, encore une vieille habitude, même et surtout lorsque Perséphone l'attendait pour ses « cours de divinité ». Les états lamentables dans lesquels il revenait de ses vadrouilles...

- Ce foutoir et ta tenue !

... et à chaque fois, c'était une occasion pour Kanon de rappeler à la déesse qu'elle avait fait brûler ses vêtements.

- Ah, la tenue, c'est de ta faute. J'te rappelle : t'as fait cramer mes fringues. D'ailleurs, puisqu'on en parle, arrête de donner des ordres.

- Tu es un dieu et tu dois le montrer, d'abord dans tes atours. Les frusques que tu portais étaient indignes d'un dieu ! Ensuite, tu dois te comporter comme tel. Ce qui n'est visiblement pas le cas !

D'un geste, elle désigna les surplis qui encombraient la salle du trône. Il y en avait partout, laissant peu de place pour circuler. Kanon survola la pièce d'un coup d'œil avant de porter de nouveau son attention sur Perséphone.

- Et alors ? Ça, c'est ma décision.

- Où veux-tu en venir ?

Kanon n'était pas du genre rancunier. Enfin, si, il l'était. Tout dépendait ce qu'on lui avait fait. Bon d'accord, il l'était beaucoup. Mais il faut dire que se retrouver coincé en Enfers, c'était un peu dur à digérer, même en tant que seigneur ! Du coup, il ne se privait pas pour rappeler pourquoi et comment il en était là et ce à la moindre occasion, que ce soit aux trois juges pour leurs inactions ou à Perséphone pour son refus de prendre sa place de reine des Enfers. Et à ce titre, ou plutôt en l'absence de ce titre, elle n'avait aucun droit de donner des ordres. A plus forte raison si cela pouvait engendrer des représailles, même s'il s'abstint de préciser qu'il n'aurait pas viré Eaque pour si peu. C'était juste une question de principes, parce que oui, le bleuté avait des principes. Perséphone était une déesse, il ne contestait pas ce fait, mais elle n'était plus la reine de ces lieux, elle avait refusé ce droit. Même si pour les spectres, elle le serait toujours. Donc, elle n'avait plus à donner d'ordres.

- Les spectres ne t'obéiront jamais, Kanon, tu en as conscience, répliqua-t-elle avec dédain afin d'expliquer à Kanon que si elle restait, c'était uniquement pour le seconder.

- Tout comme ils ne me seront jamais fidèles. J'suis pas débile et j'en veux pas de toute façon. Ils veulent ma tête et c'est pour ça qu'ils vont tous dégager. De gré ou de force. Mais pas pour des ordres que tu leur aurais donné, comme pour mes fringues. Jusque-là, j'ai prévu que tu partes la dernière, pour pas te taper la honte devant les spectres. Mais je peux très bien changer d'avis. Je suis devenu très rancunier et susceptible ces derniers temps.

Sidérée, la déesse fixait le jeune dieu. Ainsi donc Kanon avait l'intention de chasser tout le monde. Elle comme les spectres. Mais comment ferait-il pour gérer les Enfers s'il se retrouvait seul ? Surtout qu'il ne semblait pas du tout décidé à apprendre quoi que ce soit concernant son nouveau statut. Ou alors, Kanon attendait simplement la prochaine génération de spectres, pour mieux se faire passer pour le seigneur des Enfers, Hadès. Il ne lui serait alors pas difficile de se faire passer pour le dieu. Il l'avait déjà fait, se faire passer pour ce qu'il n'était pas et en l'occurrence un marinas. Mais là, il montait en grade, et sérieusement ! Les spectres penseraient simplement que le bleuté servait de réceptacle pour l'âme du dieu, comme ce dernier l'avait toujours fait. Ses hommes n'avaient que peu de souvenirs de leurs vies passées. Cependant, l'ancienne reine doutait que le bleuté n'entame une guerre contre Athéna. Elle restait tout de même sa déesse. A moins que tout n'est été que du bluff, même sa soi-disant rédemption. Perséphone restait indécise. Peut-être avait-elle fait une erreur en refusant l'héritage de son époux simplement parce qu'elle exécrerait cet endroit. Que deviendraient les Enfers sans un seigneur digne de ce nom ?