Le Seigneur des Enfers

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Une à une, d'un pas lent. Marche après marche, Kanon montait les escaliers menant à la surface. Son pas résonnait sur chacune des dalles. Les pierres grises du mur défilaient près de lui mais il ne les regardait pas. Il tournait en rond. Et pour ne pas avoir le tournis, il regardait droit devant lui, même s'il ne voyait défiler que les marches de l'escalier en colimaçon. C'était tout ce qu'il y avait et rien d'autre. Pas de décor, pas de fenêtre. Une fenêtre ? Mais sur quoi ? Ce puits s'enfonçait dans la terre depuis le monde des humains jusqu'au monde souterrain. Il n'y avait donc pas besoin de fenêtre. Il pourrait peut-être en installer, avec des décors différents, histoire d'indiquer à quelle profondeur il se trouvait. Quelle importance, de toute façon, il n'était pas pressé. Enfin si, il l'était. Mais pas pour les raisons qui le poussait à remonter vers la surface. Ce qu'il voulait, il ne l'aurait pas. Pas pour l'instant.

Bien sûr, il pourrait remonter plus vite. Courir ou sauter d'un bout à l'autre du puits mais il n'en n'avait pas envie. Après tout, il avait le temps. Il releva la tête. Il faisait plus clair. La surface était proche. Son cœur s'accéléra et son pas aussi. Les dix derniers mètres. Les plus importants. Kanon s'y attarda. Le puits avait été déblayé pour permettre de nouveau le passage, les parois avaient été réparées. Sauf là. Les dix mètres depuis la surface. Personne n'y avait touché. Aucune réparation. Cette partie-là était trop importante pour Kanon. C'était Saga qui les avait déblayés pour le rejoindre. Pierre après pierre, pendant des années. Et c'était ce qu'il avait tué. Alors personne n'avait le droit de changer le moindre caillou et tant pis si les marches étaient plus hautes et plus dures à monter ou à descendre !

Il passa la main sur le mur en fermant les yeux. Il avait l'impression de sentir la présence de son frère battre dans la pierre. Il posa sa deuxième main puis, son front. Les yeux toujours clos, il pouvait sans difficulté voir son frère à l'œuvre, à la main sans jamais utiliser son cosmos. Rien que d'y penser, Kanon sentait sa poitrine se serrer et les larmes lui monter aux yeux, son frère était mort en tentant de le rejoindre et lui, il l'avait tout bonnement ignoré, pensant avoir à faire à une hallucination provoquée par son subconscient.

Il reprit son ascension, lentement, une main toujours posée sur le mur. Il parcourut les derniers mètres et les marches trop hautes jusqu'à la porte. Et de l'autre côté, le monde des vivants.

Enfin, pas encore.

Après avoir poussé la porte, le regard de Kanon se posa aussitôt sur un tombeau baigné par la lumière d'une verrière. À l'intérieur reposait le corps de son frère endormi à jamais. Kanon se plaça sur le côté pour poser ses mains sur le bord, il observait le visage de pierre de son frère endormi. Il avait eu un choc en voyant au fond de ce trou le corps de son aîné, ses cheveux blancs se mêlant aux bleus. Et là, il avait bien fallu qu'il se rendre à l'évidence : son frère était mort et ce qu'il avait pris pour une hallucination n'en était pas une. Alors Kanon n'avait pas voulu pour lui un simple trou dans la terre, même avec une belle pierre tombale. Mais un sarcophage en pierre avec un gisant. Mais pas une de ces statues allongées dans une position rigide. Non, la sculpture "dormait" dans la position qu'avait l'habitude de prendre Saga pour dormir, sur le côté, une main sous sa tête.

- Seigneur Kanon.

Soudainement sorti de ses pensées, Kanon tourna la tête pour détailler cette jeune femme aux longs cheveux noirs.

- Comment se porte votre frère ?

Simple question de politesse de sa part. Mais Kanon n'avait pas vu son frère depuis un moment alors il ne pouvait que supposer qu'il allait bien. Saga n'était pas vraiment mort. Hypnos avait à jamais endormi son corps tout en en séparant l'âme. Il suffirait juste que le dieu du sommeil lâche son emprise comme il avait déjà été obligé de le faire pour que Saga reprenne le cours de sa vie. Mais Hypnos n'en avait pas du tout l'intention. Comme pour Thanatos et Kanon, cette situation lui convenait très bien. À la moindre occasion, les jumeaux divins s'accaparaient leur « père » sous prétexte que celui-ci avait encore des choses à leur apprendre, après tant de décennies... Mais dans les faits, Saga restait assis par terre, à Elysion, à faire la lecture aux jumeaux allongés à l'écouter, chacun la tête posée sur l'une des cuisses de l'ancien chevalier. Kanon les avait déjà surpris plus d'une fois.

Le sourire de KanonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant