Chapitre 1; Part 2

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J'arrive non loin de la Draperie: c'est un marché consacré exclusivement aux tissus, vendus en des rouleaux, à la découpe, en chute... On en trouve de toutes les tailles et de toutes les couleurs. Là-bas on peut se fournir en vêtements, en linge de maison. Les plus riches peuvent même s'offrir des tapis pour décorer leur salon. La Draperie est plus au nord de l'école, entre la gare et les marchés des quais. Il est tenu en majorité par des indiens qui représentent à eux seuls la moitié de la population de la ville. Ils vendent aussi des colorants en poudre et des solvants chimiques. 

La plupart des draps sont colorés, des tissus sont accrochés au plafond, d'autres sont au sol tapissant toutes les allées d'un revêtement moelleux. Les couleurs forment un dégradé de voilage, immense qui nous indique le chemin à suivre. Lyra aime beaucoup la Draperie.  Elle m'a confié son souhait d'y ouvrir une échoppe, elle se construirait une arrière boutique où elle vivrait. J'espère pour elle qu'elle y parviendra. Les marchands qui travaillent à la Draperie s'en sortent mieux que nous: tout le monde a besoin de tissu et ce n'est pas la matière qui manque. Avec la récupération, de nouvelles matières émergent pour des tenues toujours plus spectaculaires mais avec nos maigres économies le tissu traditionnel fera l'affaire. 

J'arrive à l'entrée, la foule commence à croître. Même en plein après-midi, le marché reste au frais. Les marchands humidifient les draps qui pendent du plafond et traversent le marché. Ceux-là ne sont pas destinés à la vente, ils protègent l'ancienne canopée mais cachent surtout la misère de sa structure en acier qui rouille un peu plus chaque jour. Avec ce système, même l'étouffante chaleur de la journée ne peut rien contre la fraîcheur qui est emprisonnée ici. 

Les après-midi où il n'y a guère à faire, Lyra et moi y emmenons Caeli pour le garder au frais. Il est plus facile pour lui de se concentrer et de travailler. Nous y passons notre après-midi s'il le faut. Il n'y a rien de plus à faire ici que chez nous mais au moins l'atmosphère y est plus agréable que notre taudis de demeure. Caeli ramène des livres, des craies, il envahit l'espace de ses affaires qu'il éparpille partout. Nous devons veiller à ne rien oublier en partant sous peine de grosses larmes de sa part. 

Contrairement à Caeli, les enfants de la Draperie ne vont pas à l'école. Chacun aide ses parents, prend la place d'un aïeul trop vieux pour tenir la boutique ou livre des commandes à travers la ville... Ils n'ont pas besoin d'école: ils apprennent tout sur le tas, leur travail est assuré. Ce qui je ne donnerai pas pour avoir un poste fixe pour m'assurer des revenus. Passer les après-midi à attendre le lendemain n'est pas un avenir. Je pourrais m'associer avec Lyra, on resterait ensemble et on aurait une indépendance financière. Il y a pire que d'être marchand ici, je me ferait à la vie à la Draperie sans problème et puis en logeant à la boutique, j'économiserai pour m'acheter un pavillon. 

Je regarde les clients défiler, se presser dans les allées, marchander du tissu pour en tirer un bon prix. Les vendeurs déroulent les rouleaux, coupent la longueur souhaitée à la lame avant de plier le tissu en carré. Certains rajoutent des pompons pour des nappes, d'autres décorent leurs marchandises de broderies, de perles ou de bandes de fils tressés. Je m'avance vers l'échoppe de Kachich pour mes achats. Son étal est très impressionnant, il possède un grand panel de tissus. Je lui prends des chutes beige. Une chance qui l'en reste, les chutes partent très vites du fait de leur prix bradé et beige pour ne pas payer la coloration. J'en prends seulement trois mais le tout me revient bien cher malgré leur braderie. 

Je les range dans mon sac usé, troué par endroit et dont la sangle menace de céder. Aujourd'hui Lyra ne me rejoint pas, ma mère était furieuse lorsqu'elle a vu l'état de ses vêtements, elle a décrété qu'elle serait de corvée de ménage pour la journée. Et ce n'est pas plus mal, les fenêtres sont sales et la cuisine a besoin d'être astiquée. Il est encore trop tôt pour que j'aille chercher mon frère, je dois bien attendre encore quatre heures. Je décide de rentrer la rejoindre pour l'aider. Au moins je serai à l'abri du soleil et peut-être un peu de la chaleur.



L'Organisation [ TERMINÉE ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant