L'Organisation [ TERMINÉE ]

Chapitre 24; Part 6

ADE

     Un des natifs est venu nous apporter une tablette dans notre dortoir. Elle était allumée sur les informations qui restaient en boucle sur l'explosion de l'immeuble, on y voit le bâtiment effondré, fumant à certains endroits, des gens essayant de s'extirper des décombres. Le bilan provisoire fait état de cinquante victimes. Mais dans une ville où les soins ne sont abordables que si l'on est riche, les blessés ne vont pas tarder à succomber à leurs blessures. A moins qu'ils aillent au marché noir mais là encore je doute qu'ils aient les moyens. Personne n'a mentionné notre présence sur le site, les zones où l'on était ne sont pas montrées. La présidente a dû placer ses exigences pour éviter que la population ne fasse de raccourcis en pointant du doigt les recrues à l'origine de l'explosion. Même s'ils auraient pu leur montrer que nous aussi nous avons perdu des nôtres dans cet accident.

     Comme tout le monde je m'assois sur le bord d'un lit, là où il y a de la place pour contempler l'écran de la tablette. C'est comme si c'était un besoin, que ce reportage nous permettait de mettre des images sur cette journée mais ça devient vite écœurant. En fait c'est comme si on rejouait la mort de nos amis, bien vite le dortoir se vida pour retourner aux diverses occupations. Je décide d'aller sur les Arceaux, de me promener dessus inlassablement. Loan se joint à moi et nous faisons quelques pas ensemble.

- Je crois que jevais partir, l'informais-je.

- Comment ça ?

- Partir. Quitter l'Organisation. Je ne peux pas rester ici et devenir cette personneque je déteste. Tu vois, j'avais peur de ce que l'on me demanderaitde faire une fois formée, j'avais peur de devenir une personne quime répugnerait, de faire des choses qui seraient complètementcontraires à qui je suis, et c'est exactement ce qui se produit. Jedeviens exactement qui je redoutais.

- Tu partirais où ?Tu es recensée dans les fichiers des personnes marquées, ils ontdéjà ton adresse. Cette ville n'est pas immense pour se cacher,ils te trouveront bien vite.

- Tu crois vraimentque je serais restée dans ce trou ? Je vais partir del'Organisation et de cette ville.

- Et ta grand-mère,qu'est-ce que tu vas faire d'elle ? Tu crois qu'elle est assezforte pour supporter un voyage ? Si tu la laisse ici, ils vontaller l'interroger et qui sait ce qu'ils vont faire pour qu'elleparle...

- Ne t'en fait paspour elle, elle m'a quitté depuis longtemps.

- Quand ça ?

- Je crois depuis queje suis entrée ici. Mais officiellement il y a cinq jours.

- Je suis désolé.

- Ouais moi aussi.Mais c'est mieux ainsi. Imagine l'image que j'ai de moi, alors elle...

     On a continué de marcher un moment sans trop se parler. Loan était dans ses pensées moi dans les miennes. Je ne pense pas être la seule à vouloir partir, loin de là. Je préférerais quitter cet endroit maintenant mais c'est là que nos amis étaient avant de mourir. C'est ici que j'ai tous mes souvenirs avec eux. L'épreuve du camouflage, les premiers combats, la soirée d'intégration ou le saut à l'élastique. On a fait ça ensemble, on a changé ensemble. Et en cours de route certains ont quitté la partie. Peut-être qu'il faudrait que je la quitte moi aussi.