Chapitre 40; Part 1

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ADE

     Nous courons à travers les anciennes lignes de métro. Les troupes ne doivent pas être loin. Nos pas résonnent dans les tunnels, on entend que ça. Pas un bruit, pas un murmure. On est bien loin de l'agitation qui règne dans les galeries. Nous tenons nos fusils bien solidement. Nos sacs nous tapent dans le dos à chaque foulée. Il n'y a personne à part nous.

- T'es sûre qu'ils sont dans cette direction ?

- Oui Jethro est en charge, il sait où aller. On s'est absenté que vingt minutes, ils n'ont pas dû aller bien loin...

     Je l'espère en tout cas. Peut-être que Eileen leur a montré des raccourcis pour gagner du temps, ce qui expliquerait qu'on ne les ait pas encore rejoint. Ou qu'on s'est perdu. Je m'arrête un instant pour vérifier que ce n'est pas le cas mais non nous sommes bien. J'essaye de les contacter grâce à des talkies walkies fabriqués maison mais il n'y a pas de signal. Tout grésille. Je m'immobilise pour me laisser le temps de réfléchir. Loan s'arrête aussi contre un mur d'où il surveille que personne ne nous surprenne.

- Ici Pomys, vous me recevez ?

     Pour éviter que notre position ou notre identité ne soient repérées nous avons choisi des noms de boutiques que l'on trouve un peu partout dans la ville. Ça brouille les cartes et ça permet de mettre à profit notre formation.

- Pomys, à vous.

     Loan garde son canon braqué sur le tunnel. Grâce à quelques fissures on peut avoir un peu de lumière. L'endroit est pas si mal éclairé. Et au sec. Certes il sent aussi fort que le reste des galeries mais on sera bientôt dehors. Je réitère mon appel. Le grésillement me sert de réponse.

- Merde.

- Comment ça se fait qu'on ait pas de signal ?

- J'en sais rien...

     Est-ce qu'il serait possible que les natifs nous aient piraté ? J'espère pas, vu le matériel que c'est ça serait un miracle. Je veux réessayer une nouvelle fois mais quelqu'un me répond enfin.

- Koho. Nous vous recevons.

     Ha Eileen ! Enfin ! Le contact est rétablit.

- L'embouchure est éclairée mais on ne trouve aucune plante. Les fleurs bourgeonnent ?

     Dit comme ça ça n'a aucun sens, et si les natifs nous écoutent j'espère qu'ils ne comprennent pas. L'embouchure est tout simplement les égouts, les galeries, les anciennes lignes de métro. Tout ce qui est sous terre en somme. Et éclairée signifie que la voix est libre. Les plantes sont les différents groupes que nous avons constitués et qui sont en chemin pour la ville. Et le code « les fleurs bourgeonnent » veut juste demander s'ils sont en mouvement. C'est assez conceptuel comme code mais Bajra a tenu à ce que nous l'utilisions. Après tout : si ça permet de se faire comprendre sans se faire repérer...

- Elles ne vont pas tarder à éclore, est-ce que de votre côté c'est similaire ?

- La floraison approche.

- Entendu, le printemps ne va pas tarder alors.

- Exact. On se verra pour les récoltes. Terminé.

- Terminé.

      Je raccroche le talki et le range dans mon sac. Loan est resté en position à guetter l'avant et l'arrière. Nous récupérons nos affaires avant de reprendre la route vers l'Organisation. Les troupes de Jethro vont se diriger vers les gares tandis qu'Eileen va -à son désespoir- devoir se séparer au niveau du centre-ville. Un dernier groupe court vers le port et un autre vers la principale entrée de la ville. Si tout se passe bien il ne devrait pas y avoir de grosses pertes de nos côtés.

- C'est vraiment idiot comme code.

- Peut-être mais si ça nous permet de passer inaperçu.

     Nous avançons au plus vite tout en étant en alerte à n'importe quel bruit qui pourrait se faire entendre. J'ouvre la marche, Loan s'occupe de surveiller nos arrières. Nous ne sommes plus qu'à deux stations de la tour. Mon cœur palpite de plus en plus vite. Une forte pression envahit mon corps. Je me concentre sur ma respiration pour m'éviter un point de côté et penser à autre chose. Tout va bien se passer. On est bon. Peut-être meilleur dans la précipitation. De toute façon on a pas le choix.

     Nous ralentissons avant d'arriver à la dernière station de métro. La luminosité dans cette partie du tunnel est bien plus conséquente que ce à quoi nous avons eut droit jusqu'à présent. On peut entendre les gens marcher au-dessus de nous, entendre un brouhaha de paroles. Il y a des grilles métalliques par endroit qui nous laissent voir la vie au-dessus de nous. Le soleil y passe en masse et nous voyons les ombres des gens. Nous passons dans l'ombre pour éviter au maximum d'être vu, surtout aussi prêt du but. Nous ralentissons le pas et prenons toutes les précautions nécessaires pour être invisibles. Loan reste à mes côtés dans cette partie de la ville. Nous nous gênons presque. A quelques reprises il marche sur mes semelles et manque de me faire trébucher. Ça y est. Nous y voilà. Le passage que nous devons emprunter est juste sur notre gauche. Je me retourne une dernière fois vers Loan pour me donner du courage. Il me fait signe de la tête et nous y allons.

*

     Nous rampons dans une canalisation qui normalement se termine en « L ». Je suis devant tandis que Loan persiste à vouloir surveiller nos arrières. J'arrive au bout du conduit. Comme prévu il remonte jusqu'à la surface. Il me faut me courber dans tous les sens pour passer de la position couchée à debout. Une fois que j'arrive à me dépatouiller pour me relever dans ce maudit tuyau qui doit faire au bas mot cinquante centimètres de large, j'essaye au maximum  de me faire petite pour que Loan puisse me rejoindre. Avec nos sacs, nos fusils et nous, on est vraiment à l'étroit. Je me retrouve plaquée contre lui. Nos mouvements se font difficilement, on essaye d'avoir un semblant de position confortable mais on est vraiment trop à l'étroit. La grille qui nous permet de sortir est à trente centimètres de nous. Loan m'aide à me hisser pour que je puisse analyser le terrain. Faute de pouvoir me faire la courte-échelle, il me soulève par la taille en croisant ses bras sous mes fesses. Je me tient en équilibre grâce aux parois et aux épaules de Loan. Un peu de vent. Cette sortie d'air amène toute une brise sèche sur mon visage. Même pas un peu d'air frais. Merde on y voit rien. Je peux apercevoir l'immeuble d'en face, son toit -vu sa hauteur- et un peu les rues adjacentes. Mais s'il y a des natifs qui font des rondes dans le quartier je ne les vois même pas. Il fait une chaleur dans ce conduit, des gouttes perlent sur mon visage, quelques unes arrivent à ma bouche, elles sont salées. Personne sur le toit, personne dans la rue. Sur ce point les éclaireurs n'ont pas menti : les rues proches de l'Organisation sont désertes. C'est à croire que personne ne vit par ici. Je baisse la tête pour faire signe à Loan de me redescendre. On retourne dans notre sauna. L'endroit est décidément bien trop petit pour deux. Je constate que le visage de Loan est rosé par l'effort et la chaleur, il est humidifié par l'étouffante moiteur qui règne. Je passe la manche de ma veste dessus pour lui enlever. Même les racines de ses cheveux sont mouillées. Plus vite on finit et plus vite on se sort de cette situation.

- Ça semble dégagé mais on a pas une superbe vue d'ici.

     Il hoche la tête et m'aide à nouveau à me hisser jusqu'à la grille. Je la déboîte sans trop de problème. L'avantage avec une ville en déclin c'est qu'on ne s'embête pas à injecter beaucoup d'argent dans les infrastructures, on se contente du minimum. Je la laisse tomber sur le trottoir avant de le rejoindre à mon tour. Je passe mon corps et vérifie tout de suite la rue. Ça semble dégagée.Loan me rejoint en vitesse et nous partons nous abriter dans un immeuble voisin. Normalement ils communiquent entre eux, donc on va rentrer dans un et sortir dans un autre. Nous ne nous attardons pas. Une fois à l'intérieur on effectue un rapide contrôle et nous traçons. La tour est à seulement deux rues d'ici. Il va falloir faire très attention aux patrouilles de natifs. Tout ceci ne me rassure pas mais ce n'est pas le moment de reculer.



L'Organisation [ TERMINÉE ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant