Chapitre 28; Part 2

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     On arrive vers une sortie d'eau. C'est mon point d'observation pour ma ronde. Nous débouchons sur la fin d'un tuyau plus haut que nous, nous marchons dans de l'eau croupie où des restes de papiers finissent de se désintégrer. D'autres déchets prennent la rouille avec l'eau et l'humidité. Il n'est pas rare de croiser quelques rats qui viennent se nourrir ici. Quand j'étais petite je leur lançais des cailloux pour les faire fuir et maintenant je ne peux m'empêcher de les plaindre. Ils sont coincés ici avec nous. Ils auraient pu avoir mieux comme compagnie. Je marche devant, je regarde par dessus mon épaule pour voir s'il suit toujours. Loan sert les dents. Je souris en regardant devant moi : l'endroit le dégoûte. Quelle chochotte il fait.

- T'as jamais vu de rats ?

- On était du genre à voir d'autres choses à...

- L'Organisation. Je sais t'arrêtes pas de t'en vanter. T'es un vrai dur en somme.

     Je lève mes mains en disant ça. Je serais curieuse de savoir ce qu'ils faisaient de si « dangereux » ou émotionnellement difficile dans cette tour. Lui et ses amis sont d'un cynisme déprimant. Nos chaussures claquent sur l'eau qui se projette sur les côtés. Des fuites font tomber des gouttelettes qui n'attendent pas de faire des flaques où nous mettons les pieds. Les deux gars postés au bout de la sortie d'eau nous donnent leurs armes. Je vérifie qu'elles sont chargées et hésite à en tendre une à Loan. Il reste à l'écart. Je préfère la poser au sol : s'il veut la prendre qu'il se serve. Un des gardes me passe les consignes avant de rejoindre son ami pour quitter le poste.

- Bien. Maintenant c'est toi et moi pour trois heures.

     Je lui lance l'arme qu'il attrape au vol. Il la saisit bien fermement et se met à fixer l'horizon. Je me mets en position et examine le périmètre à surveiller. Nous sommes quatre groupes à surveiller ce site, quatre autres vers les gares, le centre-ville et le port. Chacun tourne à tour de rôle pour ne pas avoir tout le temps le même paysage. Histoire de ne pas s'habituer, être toujours à l'affût. Loan examine la ville depuis sa lentille. Il surveille le même point, me laissant tout le reste.

- Tu peux regarder le reste tu sais ? Si je t'ai emmené c'est pour que tu m'aide.

- Et que je fasse quelque chose de mes journées.

- Que tu t'intègre. On vous accueille et vous n'avez pas l'air concerné. Il faut que chacun y mette du sien.

- Dans la mesure où l'on a perdu plusieurs amis lors d'une de vos attaques on a pas forcément envie d'y mettre du nôtre.

- C'est malheureux pour vous, mais nous avons connu des jours meilleurs nous aussi. Vous n'êtes pas les seuls concernés. Le monde ne tourne pas qu'autour de vous. Et ça va, vous vous connaissiez à peine.

     Loan bondit d'un coup. Armant son arme contre moi. Je pointe mon fusil sur lui.

- Tu vas faire quoi ? Me descendre ? Repose ton arme Loan. Tout de suite !

     Il continue de me tenir en joug. Je ne desserre pas mon emprise sur ma détente.

- Ne me fais pas répéter.

     Il persiste à me viser. Très bien. Je pose mon arme au sol. Je donne un petit coup de pied pour l'éloigner.

- Quoi, tu vas tirer sur quelqu'un de désarmé ?

     Il se résout après un instant à baisser son fusil. Je récupère le mien et le prends en joug pour le désarmer. Je m'approche de lui pour lui saisir son arme, toujours dans sa main. Je passe la bandoulière du fusil sous mon bras et sur mon épaule. A mon plus grand étonnement Loan me bafouille des excuses.

- C'est sensible comme sujet. Ils sont où tes autres potes de l'Organisation ?

- Certains ont prit le large, d'autres sont retournés à l'Orsath Enterprise, j'ignore ce qu'ils font, et le reste est considéré comme des traîtres.

- Ouais ça j'avais vu. Y paraît que vos têtes sont affichées de partout mais si tu veux mon avis : tout le monde a récupéré les affiches pour recycler le papier. Donc là dessus tu peux être tranquille.

     Je continue d'observer la ville. Elle est plutôt calme, comme d'habitude. Les habitants ne sont pas dangereux, ils restent tranquilles dans leurs quartiers. C'est sûr que c'est plus la tour qui nous menace et dont nous devons nous méfier.

- Tu es de ronde demain ? Me demande Loan.

- Non, ravitaillement.

     Les missions de ravitaillement sont bien plus passionnantes que les rondes. On sort pour chercher de la nourriture au marché noir. Des vivres pour la vie sous terre. C'est bien mieux que de rester planté pendant trois heures à attendre que quelque chose se passe.

- Je viens avec toi.

- Alors là hors de question. Tu m'as pointé ton arme dessus, vas savoir ce que tu feras une fois dehors.

- Laisse-moi venir.

- Non ! Tu es trop sanguin comme mec. Je sais que l'enfermement sous terre est long, dur moralement, mais tu n'es pas prêt. On ne sait pas quoi faire de toi. Bajra te protège comme il peut mais fais attention.

- Ouais c'est ça. Bajra est devenu complètement mégalo avec son pouvoir.

- C'est possible. Mais en attendant il prend soin de toi. Tu devrais te méfier de Bélem. Lui par contre n'attend qu'une chose : que toi ou un de tes petits amis fassent un pas de travers pour vous exclure. Loan, c'est sérieux. Fais attention à toi, ici même ton ombre pourrait te trahir.



L'Organisation [ TERMINÉE ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant