Chapitre 22; Part 3

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     Nous sommes rentrés au pas de course au siège de l'Organisation. Les gens du marché étaient affolés, tout le monde courait dans tous les sens, des enfants pleuraient au milieu de la panique générale, certaines personnes ont profité de l'agitation ambiante pour dérober des produits sur les étalages. Le corps de la femme est resté au sol, son sang mouillant la poussière et ses vêtements. Nous avons prit la fuite dans les blindés pour se mettre à couvert. Un natif était au volant. Il n'a pas hésité à renverser des étalages, a faillit renversé des passants aussi. Je pense que tout le monde nous a vu mais j'ignore s'ils connaissent l'existence des recrues. J'ignorais qu'elles existaient moi-même, que l'on existait. Je connaissais uniquement l'Organisation, du moins la tour immense qui s'élève dans la ville, mais j'ignorais -et c'est sûrement toujours le cas- qu'elle était son activité. Il y eut un silence de mort dans les voitures. Bajra n'est pas monté avec nous, préférant se tenir à l'écart. Born est resté assit, le visage grave, fixant ses pieds. On n'osait pas bouger ou se regarder. Le trajet me parut sans fin jusqu'à ce que l'on nous ouvrit les portes arrières. Chacun s'est dispersé dans le centre-ville. Je ne savais pas trop où aller. Je n'ai plus de maison désormais et le dortoir et beaucoup trop impersonnel pour réfléchir. J'ai aperçu du coin de l'œil Bajra se précipiter à l'intérieur de la tour. Je l'ai suivit pour le rattraper mais il s'engouffra dans un ascenseur. J'entendis le prochain mais je ne savais pas à quel étage il allait. J'attendais de voir le numéro s'afficher sur le cadran, il va au dernier étage. Je loupe l'ascenseur d'à côté qui referme ses portes. J'attends impatiemment le prochain qui met beaucoup de temps à arriver. Une fois dedans, la montée me semble plus longue qu'à la normale, j'essaye de savoir ce que peut bien faire Bajra là-bas même si je me doute de ce qui peut l'amener. Une fois en haut, je prends la direction du bureau de la Présidente bien qu'ignorant où il se trouve puisque je n'ai jamais eu besoin d'y aller. La réceptionniste me stoppe dans ma progression. Je ne l'avais même pas entendu m'appeler les premières fois, c'est lorsqu'un vigile vint à ma rencontre que je détourna mon attention vers la femme.

- Vous ne pouvez pas aller plus loin, la Présidente ne souhaite recevoir personne.

- Est-elle avec une Recrue ?

- Je ne suis pas autorisé à vous le dire mademoiselle.

- Je comprends, mais pouvez-vous juste me dire si elle est en rendez-vous avec quelqu'un ?

- Je suis navrée, je ne peux rien vous dire.

     Voyant que je n'obtiendrais pas de réponse et vu l'agacement du vigile, je rebrousse chemin pour aller traîner au Prétoire. Je n'ai rien à faire et j'ignore dans combien de temps la Présidente serait disposée à recevoir du monde. En flânant dans les couloirs je tombe sur Born quittant le dortoir. Il m'interpelle en me prenant le bras.

- Tu devrais discuter avec Bajra, je crois qu'il veut abandonner. On est dans une merde t'as pas idée.

- Quoi ? Tu l'as vu ?

     Born me fait un signe de tête en direction du dortoir. Je me précipite à l'intérieur pour constater que Bajra est bien là, à ranger ses affaires. Je suppose qu'il ne souhaite pas plus que ça d'avoir une discussion avec moi mais je prends mon courage à deux mains pour aller lui parler. Après tout c'était les ordres, nous sommes tous dans la même galère. Et Bajra est mon ami. Il ne pourrait pas m'en vouloir ?

- Je suis désolée.

     Je déglutis avec peine. Bajra ne relève pas la tête et continue de fourrer ses affaires dans le sac de linge sale.

- Je suis désolée qu'on soit devenus des Recrues. Désolée que nous soyons des tueurs à gages. Désolée d'avoir tuer ton amie. Je suis désolée de tout ce qui nous arrive depuis que l'on a reçu ces cartes. Désolée des derniers mois que l'on vient de passer. Désolée que l'on se soit lié d'amitié et d'être à l'origine de ta peine. Je suis désolée de tout ce qui a pu nous détruire.

- Pourquoi tu t'excuse de tout ? T'es pas la fille qui manie les ficelles de ce jeu. Je t'en veux uniquement pour mon amie. Là tu peux être désolée. Je le suis tout autant.

- Je sais. Mais je le suis. Je suis désolée de qui nous sommes devenus. Égoïstement je suis désolée de voir la personne que je suis aujourd'hui, et ce que je fais pour rester en vie.

- « Rester en vie » ? Non mais tu crois que si nous n'obéissons pas, ces gens ont le droit de vie ou de mort sur nous ?

- Dans le doute je préfère m'abstenir. Lorsque je vois que les contrats que l'on a fait ces dernières semaines restent impunis, je me dis que si nous devions être amenés à mourir à notre tour, personne ne s'en rendrait compte.

- Bien sûr que ça se verrait. Ta grand-mère s'en apercevrait crois-moi.

     Je retiens mes larmes et m'éclaircie la voix.

- Plus maintenant.

     Bajra se tourne vers moi, lâchant son sac et me regardant enfin.

- Je ne veux pas perdre ton amitié, je peux t'assurer que je suis profondément navrée d'avoir eu à faire ce qu'il s'est passé tout à l'heure. Je te présente toutes mes excuses Bajra.

- C'est gentil. J'accepte mais, il me faut un peu de temps tu comprends ? Juste... j'ai besoin...

- Je comprends.

     Je me résigne à faire demi-tour pour aller voir ailleurs lorsqu'il me rappelle.

- Ade. Je suis désolé moi aussi. Et navré pour ta grand-mère.

     J'acquiesce un semblant de sourire avant de quitter le dortoir. Dans le couloir je m'appuie contre le mur, les mains sur mes genoux pour faire le point. Born vient me tirer de mes pensées pour savoir si j'ai dissuadé Bajra de quitter les lieux. A vrai dire j'ai oublié à la seconde où il m'a informé que Bajra était dans le dortoir. Born me tire vers les rembarres d'où il observe que personne ne puisse nous entendre ou venir nous déranger.

- Je crois qu'il ne joue pas franc-jeu.

- Quoi ?

- Je pense que Bajra est avec eux.

- Avec qui ? L'Organisation ? Arrête de penser alors.

- Mais non avec les opposants. Un groupe s'est formé depuis plusieurs années maintenant, ils opèrent dans l'ombre pour descendre les recrues. La femme que tu as abattu fait partie du mouvement. Elle rallie des personnes à leur cause en leur expliquant ce que nous faisons.

- Tu es sûr ? Pourquoi ils voudraient nous éliminer ? On a jusqu'à présent exécuté que des hommes fortunés, c'est la première marchande.

- Non tu comprends pas. Nos contrats contre des personnalités riches font parties des premiers. Dans les années antérieures, c'était des marchands ou de modestes vendeurs qui disparaissaient. Le mouvement existe depuis plusieurs années, certaines recrues ont disparu avant que leurs corps ne soit retrouvés.

- Mais pourquoi ils feraient ça ? La plupart d'entre nous sommes issu de ces gens là, pourquoi tueraient-ils leur enfant ?

- Ce sont des gens qui ont déjà perdu les leurs. Ils s'en prennent à ceux des autres pour se venger. Crois-moi nous ne sommes pas plus en sécurité entre ces murs que dehors.

- Et tu penses que Bajra est avec eux ? Ça pourrait dire qu'il pourrait nous tuer...

- C'est là où il y a un hic. Bajra ne pourrait pas s'en prendre à nous. Enfin toi peut-être désormais, mais heureusement pour moi je n'ai pas assassiné une de ses connaissances. Connaissance qui fait partie du mouvement qui plus est. Pourquoi tu crois que Caden insistait tellement pour que tu la descende ?

- Parce qu'ils sont menacés. 

L'Organisation [ TERMINÉE ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant