Chapitre 15; Part 2

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     ADE

      Le repas est terminé. On n'a pas vu Loan de la journée, depuis que l'on a quitté la simulation. Je me demande ce qu'il a pu faire avec son frère. S'ils sont restés à discuter de leur famille, de leur vie. Peut-être qu'ils sont encore en train de discuter à l'heure qu'il est. Quoi qu'il en soit j'aimerais bien qu'il soit là. Born et Cirkel veulent absolument aller, encore, au bar. Bajra et moi sommes contre mais nous sommes ex æquo, avec Loan pour nous départager, on ne serait pas en route vers ce fichu bar pour la énième fois de la semaine. On tourne en rond dans le Prétoire. Il n'y a rien d'autre le soir hormis ce putain de bar. J'ai du mal à me mettre dans l'ambiance, je n'ai pas particulièrement envie de danser ou de boire, j'ai plutôt sommeil. Mes muscles sont encore endoloris et courbaturés. Born ramène des verres que nous buvons cul sec. Leur alcool est si mauvais. Je ne sais pas qui les fournit mais c'est pas une réussite.

     Pendant la soirée, Born me colle pour ne pas danser seul. Je reste avec lui mais Bajra vient me tirer vers une table où Cirkel est couché dessus.

- C'est quoi ce plan ?

- Je crois qu'elle s'est endormie mais j'arrive pas à la lever.

- Bon viens m'aider on va s'y mettre à deux.

     Bajra agrippe un de ses bras et moi l'autre. Nous la tirons pour la faire basculer sur le côté et ainsi pouvoir l'attraper. Elle se laisse lourdement retomber au sol. Born vient nous aider à la relever et nous partons au dortoir. Elle n'a pas l'air consciente qu'elle descend les escaliers. Je crois qu'elle dort à moitié. Arrivé dans le couloir elle commence à renifler. On s'arrête pour constater qu'elle pleure.

- Qu'est-ce qui ne va pas ?

- Je déteste être ici. Je veux retrouver ma vie. Celle que j'étais... Elle me manque...

- Elle est toujours là. Tu es toujours là. On est là pour se soutenir, on... on est pas seul.

     Gros mensonge. Cirkel continue de pleurer, Bajra lui tend un bout de tissu pour qu'elle s'essuie mais elle ne l'a pas remarqué. Il lui passe sur son nez, lui recoiffe ses cheveux avant de nous regarder. Je ne sais pas quoi faire de plus et fixe à mon tour Born. Il se penche rapidement vers Cirkel lorsque je tourne mon regard vers lui.

- Ok Cirkel. On va se coucher maintenant. Le bar nous réussit pas trop.

     Il s'essuie d'un revers de la manche. Je suis étonnée autant que Bajra, et je suis sûre que si Cirkel était sobre elle le serrait tout autant. Nous regagnons le dortoir avec peine. Cirkel n'a pas arrêté de s'asseoir, de trébucher et avec Born à moitié soûl on a eu du mal à avancer. Bajra et lui s'occupent de la coucher, je viens rabattre la couette sur ses épaules. Bajra nous salue et part se coucher épuisé. Born fixe péniblement le sol en vacillant.

- Je vais t'aider à te coucher, proposais-je.

- J'en suis capable seul. J'suis bien.

- Bien sûr.

     Il se traîne jusqu'à son lit où il heurte son cadran. Je reste derrière au cas où mais s'il tombe je pourrais juste limiter sa chute et pas l'empêcher. Il s'arrête un moment devant son lit. Je pose une main sur son épaule. Il ne réagit pas. Je le tourne vers moi pour voir son visage. Il n'a aucune expression. Il ne regarde rien. Sa tristesse m'interpelle. Personne ne vit bien cette formation, elle est aussi dure physiquement que psychologiquement. Sans y réfléchir et vu son état, j'enlace Born. Il serre ma taille et m'embrasse avant de tourner les talons vers son lit. Il se laisse littéralement tomber dessus. Il essaie tant bien que mal d'enlever ses chaussures, d'ôter la couette de sous ses fesses...

- Laisse, je vais le faire.

     Je saisis ses pieds pour défaire les lacets avant de poser ses chaussures au sol. Je tire violemment sur la couette en suppliant Born de lever ses fesses histoire de m'aider un peu. La couverture sur lui, je quitte le dortoir. Je me réfugie dans le couloir complètement non-éclairé. J'y suis bien, personne pour me voir. Je fais quelques pas pour me calmer mais je craque. Je commence à pleurer. J'essaye de ne pas être trop bruyante. J'expire par fréquence pour cesser les pleurs mais ça ne marche pas. Ma main sur ma hanche et l'autre sur ma bouche je fais les cents pas. Des natifs passent, je me cache face au mur pour sécher mes joues. En me tournant je tombe sur Loan qui rentre enfin de sa superbe après-midi familiale. Il ralentit le pas en me voyant, veste à la main.

- Tout va bien ?

     J'aurais voulu lui lancer une réplique du genre « parfaitement bien » tout en lui montrant mes larmes et mon agacement face à cette question mais là encore je craque. Je retrousse mes lèvres en pleurant, les mains sur mes hanches.

- Il y a rien de bien. Cet endroit. Ces gens. Notre formation. Rien. Et on est obligé de subir ça.

- Calme-toi. On est obligé de rien.

- A ton avis les contrats servent à quoi ? On veut nous garder comme des prisonniers. On est lié à cette Organisation jusqu'à ce qu'elle en ait marre.

- On est ensemble, les quinze.

- Ouais bien sûr. Et certains ont leur frère en prime.

     Je lui lance un sourire amer avant de laisser apparaître un sourire faussement heureux sur mon visage. C'est sûr que ce n'est pas juste pour lui. Mais c'est la vérité.

- C'est tellement dur. L'entraînement, ça, ça va, mais être coupé de tout c'est le plus insupportable. On n'a plus aucun contact avec l'extérieur, ils nous gardent enfermés ici. Je te jure que je vais devenir folle. Et le pire c'est que je me rends compte que personne ne va bien.

- Qui ?

- Tout le monde. Tu demanderas à Bajra ce que l'on vient de faire ce soir. On a passé la meilleure soirée de notre vie, je peux te l'assurer...

     Je cesse de pleurer mais je renifle donc est-ce mieux ? Je fais les cents pas indéfiniment en tournant en rond. Loan cramponne sa veste en fixant le sol. Je m'arrête face à lui. Je suis à la fois triste et en colère. Il a un proche avec lui ici, ça devrait être une bonne chose mais au lieu de ça, je m'en sers comme reproche. Je l'envie pour ça. J'aimerais avoir quelqu'un à mes côtés pour me réconforter. Je fixe Loan dans les yeux, il ne bouge pas. Je le bouscule aussi fort que je peux pour le secouer. Il chancelle un peu.J'aimerais qu'il réagisse mais rien. Il encaisse et ne dit rien.J'en profite pour me plaquer contre son torse. Il pose sa tête contre la mienne. Après tout, ça peut être lui mon proche. Il m'a déjà réconforté et réciproquement. On a les quinze, ça devrait nous suffire, pourquoi ça marche pas ?

- Je ne t'ai même pas demandé comment était ton après-midi avec ton frère.

- Bien. On en parlera demain, on devrait se coucher.





L'Organisation [ TERMINÉE ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant