5 - De l'effet

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Je me tourne encore une fois dans mon lit, me mettant cette fois-ci sur le dos. Je glisse les bras sous ma nuque et laisse mon regard fixer l'obscurité de la pièce. Le sommeil me fuit. J'ai tout essayé pourtant. J'ai pris ma position favorite. J'ai compté les moutons. Mais arrivé à sept cent quarante-quatre ovins, j'en ai eu marre et abandonné l'idée que ces bestioles puissent m'être d'une utilité quelconque. J'ai enlevé, remis puis retiré à nouveau mon T-shirt qui me sert de pyjama. J'ai fredonné quelques chansons qui trottaient dans ma tête jusqu'à ce que je m'énerve moi-même. Je me suis repassé à plusieurs reprises les recettes des plats du lendemain pour me rassurer. J'ai tenté de vider mon esprit de toute pensée.

Mais rien n'a marché. Tout me ramenait inlassablement à Dorian et à sa stupide crise de jalousie. Mais à moi aussi et à mon incapacité à lui dire les choses, toutes ces choses que je ressens.

Je soupire pour la énième fois quand j'entends ma porte grincer sur ses gonds. Un mélange assez improbable de sentiments s'empare de moi. De la joie, de l'étonnement, de l'énervement, avec une pointe d'insécurité. Je ne sais pas pourquoi j'ai cette dernière sensation, parce qu'avec Dorian, c'est le contraire. Il a toujours été là pour m'aider et même me protéger. Mais depuis quelque temps, j'ai l'impression que tout va changer, que tout ce que nous avons construit, aussi profond et sincère que ce soit, est trop bancal pour tenir le coup...

Le matelas bouge au moment où il grimpe dessus depuis le pied du lit. Il crapahute jusqu'à moi, doucement, pensant sûrement que je me suis endormi, mais j'en suis incapable. Je ne peux pas trouver le sommeil quand je me suis pris la tête avec quelqu'un que j'aime juste avant de me coucher. Même lorsque je suis éreinté comme aujourd'hui parce que j'ai bossé, puis fait les courses pour le réveillon et Noël et pour finir la soirée chez Gareth.

Il s'étend, posant son crâne sur mon bras laissé libre par ma posture. Tout son corps est tourné vers moi. Je le sais, je le sens. Je le connais par cœur. À présent, il a dû remarquer grâce à la lumière du couloir que je ne dormais pas, mais il ne dit rien et il est hors de question que je parle en premier.

Nous restons ainsi un long moment avant qu'il ne dépose un baiser sur le haut de mon torse. Je ferme les yeux pour ne pas réagir, mais je ne peux pas m'empêcher de frissonner. Il est rare que Dorian ait ce genre de gestes pour moi, alors forcément, le peu dont j'ai le droit a toujours un énorme effet sur moi. Si les premiers qu'il a eus, au début de notre relation, m'ont fait presque croire aux contes de fées, aujourd'hui, je sais qu'il ne faut pas que je me fasse de films, mais c'est dur...

— Je suis désolé, me chuchote-t-il.

Et son souffle caresse avec douceur ma peau nue.

— Je suis vraiment, vraiment désolé. J'aime pas quand on se prend la tête.

Je grogne avant d'ouvrir les yeux et de lui déclarer :

— Tu t'es pris la tête tout seul.

Il glisse sa main sur mon ventre et la cale sur ma hanche. Ma langue passe sur mes lèvres, unique moyen que j'ai trouvé jusqu'ici pour ne jamais lui sauter dessus.

— Je sais. Tu me pardonnes ?

— Tu me fais chier à être jaloux et... désagréable qu'avec moi.

— C'est parce que tu comptes plus que n'importe qui...

Je soupire. J'ai l'habitude de cette phrase, il me la sort à chaque fois qu'il me blesse.

— Tu sais... Un jour, ça ne suffira plus...

J'ignore s'il a compris et je m'en fiche. Je m'apprête à lui tourner le dos quand il m'enjambe et se retrouve à califourchon au-dessus de moi. Il pose ses mains de chaque côté de mon visage. OK, ça, c'est nouveau... Mon cœur tambourine à n'en plus pouvoir parce que lui non plus, n'arrive pas à déterminer ce qui se passe dans cette chambre.

— Tu ne peux pas me laisser, tu ne peux pas m'abandonner alors que tu sais que...

— Que quoi ? le pressé-je voyant qu'il ne dit plus rien.

— Tout. Tu sais tout de moi. Je n'ai pas besoin de parler, de dire quoique ce soit, tu le sais déjà et c'est ce qui me plaît.

— Je ne sais pas tout, Dorian. Je ne sais pas ce que tu fous assis sur mon bassin par exemple. Je ne sais pas pourquoi tu es si possessif avec moi alors que tu ne supportes pas me toucher. En fait, je sais rien.

— Blaise...

Sa voix ressemble à une supplication va me faire craquer.

— C'est compliqué pour moi...

— Parce que pour moi, c'est simple peut-être ? craché-je, nous surprenant au passage. Tu te sers de moi et je devrais dire amen à chacun de tes...

Je n'ai pas l'occasion de finir ma phrase qu'il a fondu sur mes lèvres pour les embrasser avec gravité et il a raison. Il y a urgence. Comme chaque année, pour les fêtes, je suis plus fragile que d'habitude. Ma famille me manque et cette période de l'année me rappelle qu'encore une fois, mes parents ou mon frère n'ont pas fait l'effort d'essayer de se réconcilier avec moi. Mais surtout, je me demande ce que je fais toujours dans cette relation sordide avec Dorian.

Je lève les mains et les pose sur les joues de Dorian comme pour le retenir plus longtemps. J'ai besoin de ce baiser. J'ai besoin de sa chaleur, de sa présence et de son amour. Pour une fois, il semble enclin à tout me donner. Ses doigts glissent le long de mes flans et je frissonne. J'adore sa douceur et les callosités de sa peau.

Je me redresse un peu pour approfondir notre baiser. Nos langues se retrouvent et comme à chaque fois, se réapprivoisent lentement. Une de mes mains en profite pour descendre jusqu'à son bas ventre et passe sous son pantalon de pyjama. Je n'ai pas de mal pour prendre sa virilité qui est déjà bien tendue pour moi.

À peine l'ai-je touché qu'il s'arrête quelques secondes pour fermer les yeux et se mordre la lèvre de plaisir. Il apprécie quand je fais ça et je ne vais pas mentir, j'aime le voir comme ça. J'aime le mettre dans cet état. Pendant que je commence à le masturber, il revient vers ma bouche, m'en quémandant encore plus.

J'ai envie de lui.

Ma main libre va chercher une place dans son dos et l'attire malgré moi, un peu plus contre mon corps. Il se laisse aller un court instant, juste le temps qu'il comprenne l'effet qu'il me fait et il se détache de moi.

Nous sommes à bout de souffle et moi, je suis déçu. À chaque fois, ma désillusion est de plus en plus grande. Je ne suis pas quelqu'un d'obsédé par le sexe. La preuve, je n'ai pas couché avec un mec depuis trois ans et je ne suis pas au bout de ma vie. Mais quand Dorian commence à me chauffer comme il vient de le faire et qu'il arrête tout d'un coup... J'ai presque envie de le frapper.

J'ai bien compris quel était le problème, mais je pensais naïvement que plus les jours, les mois passeraient, plus il se ferait à cette idée. Celle que je suis un homme...

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