35 - De l'autoroute

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Sans faire attention aux limitations de vitesse, je mets mon clignotant et double un camion. C'est le premier véhicule que je croise depuis des dizaines de kilomètres. Je suis étonné. Malgré l'heure, il devrait y avoir plus de monde sur l'autoroute. Je jette un coup d'œil sur le tableau de bord :

— Ah ouais quand même ! Cinq heures dix !

Je soupire, me frotte les yeux qui me piquent à cause de la fatigue et repose ma main sur le volant de la voiture. Je l'ai louée à l'hôtel, il y a trois heures quand, après avoir passé un long moment dans mon lit froid, à fixer le plafond au-dessus de moi, j'ai compris que je n'avais plus rien à faire à Londres. Qu'il fallait que je rentre à la maison. Que je retrouve Dorian.

Le GPS me signale la sortie prochaine et je la prends sans même réfléchir. Je rétrograde tandis que mes paupières papillonnent un peu. Si je n'étais pas épuisé après ce moment irréel avec Zain, à présent, je dormirais bien. Cependant, Barnard Castle est encore à une vingtaine de minutes de moi. Je monte le son de la radio. Une chanson va commencer. This Town, semble-t-il.

Un léger sourire se dessine sur mes lèvres. Je compte les minutes, les kilomètres, les battements de cœur qui me séparent de chez moi, des bras de Dorian. Ce qui s'est arrivé avec le brun n'aurait jamais dû se passer. J'ai été embarqué dans l'action, dans l'excitation, parce que pour une raison ou un autre, mon corps en avait envie.

Je m'en veux. Énormément et c'est sûrement pour ça que j'ai pris la route sans prévenir les gars, à deux heures du matin alors que nous devions visiter Londres ensemble. Je connais tous les efforts, tous les combats intérieurs que Dorian doit faire chaque jour et pour le remercier, j'accepte, presque avec le sourire, que Zain me touche.

J'ai honte, mais au moins, ça aura eu l'effet d'un bon électrochoc. Je me fiche de tout sauf de Dorian et j'ai déjà perdu trop de temps. C'est le moment que je revienne à la maison. Je ne sais même plus pourquoi j'en étais parti, mais surtout pourquoi je n'y suis toujours pas retourné.

Je vais rejoindre Dorian et tout lui dire. Lui avouer mes fautes. Lui demander pardon. Faire amende honorable. Et par-dessus tout, prier pour qu'il accepte de me laisser une chance. Parce que je l'aime. Je l'aime plus que tout.

Quand je me gare devant notre immeuble, je respire un grand coup. Mon cœur va bientôt rendre l'âme, mais je ne ferai pas demi-tour. Je dois assumer. Aucun secret dans un couple. Il faut tout se dire. Les bonnes comme les mauvaises choses. Je me passe les mains sur le visage à plusieurs reprises, chassant un peu ma fatigue.

Je prends mon courage à deux mains, avant de changer d'avis. Je monte les marches deux par deux et arrive à l'appartement bien trop vite. Je ferme les yeux et quand je les ouvre à nouveau, je me jette dans la gueule du loup.

Contrairement à ce que je m'attendais, l'endroit n'est pas plongé dans le noir. La lampe de la hotte est allumée, laissant une faible lumière jaune éclairer la pièce, mais aussi l'entrée et une partie du salon. Mais il n'y a aucune trace de Dorian par ici. Je referme la porte derrière moi et perçois sa voix :

— Balcon...

Elle me surprend. Je ne m'attendais pas à ce qu'il m'ait entendu et encore moins à ce qu'il soit réveillé. Je traverse la salle à manger en me triturant les doigts, croise des cadavres de bouteilles de bières sur les meubles et m'arrête à la porte-fenêtre ouverte. Il est bien là, accoudé à la balustrade.

— Je t'ai vu descendre de cette voiture. Joli modèle !

Il est fatigué. Non éreinté. Et peut-être même un peu soûl. Il a bu en mon absence. Il porte une cigarette à sa bouche et tire dessus. Je baisse les yeux et remarque un cendrier plein, à ses pieds. Il a fumé parce qu'il angoissait et moi... Moi, je lui donne toutes les raisons du monde de s'inquiéter.

— Je l'ai louée, lui dis-je alors que nous nous en foutons.

Il se passe une main sur le visage.

— Tu ne dors pas ? lui demandé-je.

— Tu n'es pas à Londres ? réplique-t-il aussitôt.

Il fait volte-face et s'appuie contre la rambarde. Il me détaille et son expression se durcit instantanément. Décidément, cette nuit, j'aurais eu le droit à tous les pires regards au monde.

— Je... J'avais besoin d'être avec toi, lui avoué-je.

Il tire une longue latte et fait tomber sa clope à terre avant de l'écraser. Je fronce les sourcils en voyant qu'il porte sa paire de baskets alors qu'il est à la maison.

— Je me suis imaginé des centaines de fois prendre la voiture et te rejoindre à Londres. Des dizaines de fois, j'ai eu envie de t'appeler pour te supplier de revenir. J'ai regardé deux fois ton foutu tournoi de golf à la télé. Juste... Juste pour avoir l'impression que tu étais là. Avec moi.

Je fais un pas vers lui pour l'enlacer. Je l'aime. Il m'aime. Le reste n'a pas d'importance. Il tremble dans mes bras et cela n'est pas étonnant, il ne porte qu'un T-shirt dehors alors que nous sommes début février. Je lui frotte un peu le dos pour le réchauffer puis l'entraîne avec moi à l'intérieur. Je l'aide à s'asseoir sur le canapé et vais dans la cuisine pour lui préparer une boisson chaude.

Tandis que je m'active autour de la cafetière, ses mots me poignardent :

— Je sais ce qu'il s'est passé...

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