31 - De l'énervement

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Je me passe les mains sur le visage, n'arrivant pas à digérer ce que Olly vient de dire.

— Tu vas pas me faire croire que je t'apprends quelque chose là ? lâche-t-il, désespéré. Il te fait constamment des avances. Tu ne peux pas ne pas les avoir comprises.

— J'avais... Je les avais comprises, mais je croyais qu'il... Plaisantait ou... Je sais pas. J'espérais que ce soit un jeu. Sa manière d'être avec moi puisque je suis gay, mais je...

— Mais tu as fermé les yeux parce que ça t'arrangeait.

Il se penche vers moi et enchaîne, tout bas :

— Maintenant ils sont grands ouverts.

Ouais. J'ai ouvert les yeux ou plutôt il m'a forcé à les ouvrir, mais ça ne me dit pas ce que je dois faire. Je jette un coup d'œil à Zain qui continue de se déhancher sur la piste, les mains posées sur les hanches d'une fille. À le voir ainsi, je pourrais croire qu'il est heureux. On a assisté à un match de rugby du Tournoi des Six Nations. Son équipe a gagné. Il fait la fête. Il drague une jolie blonde.

Est-ce que Olly a réellement raison ? Est-ce que je suis néfaste pour Zain ? Est-ce que je lui fais du mal en restant à ses côtés ? Est-ce que je lui fais espérer quelque chose que je ne pourrais jamais lui donner ? Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ? Est-ce qu'il craque tant que ça pour moi ? Je n'ai aucune réponse. Je grimace légèrement, le cœur serré parce qu'il est clair que je ne veux pas faire souffrir Zain.

— Tu as besoin de l'amitié de Zain, je comprends, mais tu dois...

— Je crois que j'ai pigé, le coupé-je sèchement. Je suis qu'un gros con égoïste qui fait souffrir ton pote. C'est clair. Limpide. Maintenant tu veux quoi au juste ?

Ma question le laisse sans voix. Ou alors c'est le ton sec que j'ai utilisé. Mais j'ai l'impression d'être au pied d'un mur et qu'Olly se fait un malin plaisir de m'acculer un peu plus.

— Je me barre tout de suite ou tu m'autorises à rester à l'hôtel cette nuit ?

— Blaise...

— Il n'y a pas de Blaise. Dis-moi, Olly ! Toi qui vois tout et qui sait tout ! Je fais quoi ? Je coupe les ponts à quel moment ? Maintenant, juste avant qu'on dorme ce soir ou demain dans le train ? Peut-être la semaine prochaine juste après qu'il m'ait présenté ses petites sœurs ?

— Arrête Blaise ! Ne le prends pas comme ça !

Il pose une main sur mon épaule comme pour m'apaiser, mais je me dégage aussitôt en soufflant un « Merde » inutile.

— Je le prends comme le veux, marmonné-je.

Je relève le visage vers lui et continue :

— Ou pour ça aussi, tu veux donner ton avis ?

Je suis énervé. Après Olly pour me faire la morale comme si j'avais fait exprès de rendre Zain malheureux. Après moi pour avoir accepté de venir à ce stupide match. Même après Zain... Les sentiments, les attirances, foutent toujours la merde dans une amitié. La preuve avec Dorian.

Merde Dorian ! Je me prends la tête entre les mains. Même s'il tente de le cacher pour ne pas me faire de mal, je sais qu'il est jaloux de Zain et maintenant, je me dis qu'il a toutes les raisons de l'être. Je grogne, les larmes aux yeux.

— Je ne donne pas mon avis.

Je lève les yeux au ciel.

— Non, je le donne pas parce que sérieusement, ce que vous faîtes de vos culs me regarde pas. J'essaie juste de protéger mon meilleur pote. Tu ferais pas la même chose si les rôles étaient inversés ?

J'en sais rien. Et je m'en fous de savoir si je ferais comme lui ou pas. Tout ce que je vois, c'est que je passais une excellente soirée, un fantastique weekend et qu'il a tout détruit.

— Je veux pas couper les ponts avec Zain, murmuré-je, au bout d'un moment.

— C'est pas ce que je te demande.

— Réellement ? Parce que de là où je me trouve, ça y ressemblait fortement.

— Non, je veux que... Je sais pas. Je veux seulement qu'il arrête de souffrir.

— Je n'ai rien fait pour qu'il...

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase que Zain s'accoude à la table devant nous, un grand sourire aux lèvres et une légère sueur parsemant son front. Je détourne immédiatement le regard et déglutis, mal à l'aise. Les mots d'Olly passent en boucle dans mon esprit. Ne me le détruis pas. En étant juste toi-même. Il craque complètement pour toi. Ta présence auprès de Zain est néfaste pour lui.

Et s'il avait raison ? Une boule se forme dans ma gorge tandis que mon estomac se tord dans tous les sens. Je ne sais plus ce que je peux faire ou pas. Je ne sais plus ce que je peux dire ou pas. Je n'ose même plus regarder Zain de peur de lire quelque chose sur son visage ou pire que je fasse quelque chose qui lui enverrait un mauvais signal.

— Qu'est-ce que vous arrive les gars ?

— Rien, on admire ton talent douteux pour la danse, répond Olly parce que moi, j'en suis incapable, à cette seconde.

— C'est ta jalousie qui parle...

Sur ces mots, je le vois du coin de l'œil bouger à nouveau son bassin dans un mouvement indécent et je suis gêné. Il craque complètement pour toi. Ta présence auprès de Zain est néfaste pour lui.

— Ça va pas ? me demande Zain en pliant les genoux pour que son visage entre dans mon champ de vision. Dorian t'a fait une scène au téléphone ?

Je secoue la tête de droite à gauche. J'ai bien eu Dorian au téléphone tout à l'heure, au moment où Zain est parti danser, mais il a été adorable. Il m'a même souhaité une bonne fin de soirée avec Olly et Zain.

— Oula, il faut fêter ça ! Je t'offre un verre. Et ne fais pas cette tête !

Il tapote le haut de mon dos, juste entre mes omoplates avant de glisser sa main dans ma nuque et je réagis dans la seconde. Dès que je sens ses doigts sur ma peau, je me lève brusquement de mon tabouret, donnant un coup de genou dans le pied de la table. J'évite de peu de renverser la fin de ma bière. Mortifié, je déclare :

— Je vais rentrer à l'hôtel.

— Mais on vient à peine d'arriver ! se plaint Zain en croisant ses bras devant lui.

Je tourne la tête vers Olly et le fusille du regard. S'il ne m'avait rien dit. S'il ne m'avait pas fait la morale. S'il ne jouait pas les grands seigneurs. Je n'aurais pas conscience du regard de Zain sur moi. Je ne poserais aucune question sur ma manière d'agir. Je ne décortiquerai pas chaque geste de mon ami.

Non, on aurait commandé un nouveau verre et on trinquerait à la victoire de l'Angleterre. Oui, c'est ça qu'on devrait être en train de faire.

— Je suis désolé. Je suis... Désolé.

Je ne lui laisse pas le temps de répliquer. J'attrape ma veste et l'enfile tout en traversant la pièce. Je sors du pub et quand l'air frais fouette mon visage, je me dis que j'ai pris la meilleure décision. J'ai besoin de m'éloigner d'ici, de ce bar, d'Olly et surtout de Zain. Il faut que je réfléchisse. Que je trouve ce que je dois faire à présent.

J'enfonce les mains dans les poches de ma veste et marche rapidement en direction de la bouche de métro qui est au coin de la rue. Je vais rentrer à l'hôtel et profiter du fait que je sois seul pour faire le tri dans mes pensées, mais je suis arrêté dans mon élan quand j'entends mon prénom être hurlé dans la rue. Je sursaute et fais un brusque demi-tour.

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