15 - Du renouveau

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Sa question ne devrait pas m'étonner parce que Dorian a toujours été ainsi. À estomper de son existence tout ce qui ne lui convient pas. Mais comment peut-il croire que notre relation peut survivre à cette soirée ? Moi, je n'en suis pas certain. J'ai souffert, souffre encore et ne peux pas effacer d'un claquement de doigts tous les mots qu'il a dits sans la moindre hésitation, mais surtout tous les mois qui viennent de s'écouler.

— Je... Tu te rends compte que...

Je me recule et m'assieds sur mes talons. Je me passe une main sur la bouche, le temps de trouver la bonne manière de présenter les choses.

— Je ne peux pas continuer, Dorian. Je ne peux pas revenir à notre vie comme si cette soirée n'avait jamais existé. Pour moi, elle est réelle tout comme tous les mots que tu as dits et les sentiments qui les ont accompagnés.

— Je comprends. Je suis désolé, répète-t-il encore une fois. Et je vais changer. Je te le jure.

Je soupire. Il est possible qu'il ne puisse pas changer du jour au lendemain. Personne ne peut. Surtout si nous nous retrouvons dans le même appartement, dans le même quotidien, dans la même vie. Il reprendra ses vieilles habitudes et il en est hors de question.

— S'il te plaît, Blaise, reviens à la maison. Reviens chez nous.

Il attrape mes mains et les serre. Son regard est désespéré. Sa peur de me perdre n'est pas feinte. Je sens dans chacun de mes muscles que je pourrais le réduire en miettes avec un mot, un seul. Je suis celui qui maîtrise notre relation, comme dans ma chambre, un peu plus tôt dans la soirée. Mais ça ne me ressemblerait pas, nous avons déjà trop souffert des deux côtés.

Mais je ne vais pas lui faciliter les choses non plus. Ses supplications n'y feront rien. Je me mords la lèvre. Il faut que notre vie change, que nous évoluions tous les deux. Je secoue la tête de droite à gauche. Lui, il ne comprend pas ça. Je renifle et lui réponds :

— Je ne reviendrai pas.

J'ai l'impression de lui avoir planté un couteau dans le cœur. Et dans le mien par la même occasion quand je vois ses yeux s'emplir de larmes. Mais je dois être fort.

— Pas tout de suite en tout cas.

— Tu vas... vraiment partir ?

Je hausse les épaules. Je n'ai pas réfléchi à tout ça.

— Je ne sais pas encore. Je...

Je déglutis avant de continuer :

— Peut-être quelques jours au moins. Je pense qu'il faut que... J'existe par moi-même. Qu'on existe tous les deux, en tant que personne et plus comme un...

Couple ?

— Un duo ! terminé-je.

— Mais je ne veux pas. Je ne veux pas exister par moi-même. J'ai besoin de toi !

Je suis soufflé par les déclarations de Dorian. J'ai l'impression que maintenant qu'il a tout laissé sortir, il est libre. Il n'y a plus de barrières et de non-dits entre nous. En tout cas, pour les sentiments. Pour l'intimité... Je baisse les yeux et secoue la tête pour me retirer toutes ces idées.

— Tu as besoin de moi en tant que quoi, Dorian ? Un ami ? Un homme à tout faire ? Un confident ? Un...

— Petit-ami, murmure-t-il avec moins de force que précédemment.

Sa phrase résonne comme un questionnement, mais il l'a dit et c'est déjà un pas de géant que nous venons de faire. La tête baissée, il se met à jouer avec mes doigts. Je le laisse faire et en profite pour détailler son visage. Je me délecte de chacune des imperfections de sa peau. Je me régale de ses petites rougeurs sur les pommettes dues au froid et à sa gêne. Je suis charmé par ses lèvres gercées.

— Tu es prêt à assumer tout ce qui va avec ? Parce que moi, je ne me cacherai pas.

— Je... oui.

— Tu me présenterais à ta famille et à tes potes comme ton petit-ami ? Tu me tiendrais la main dans les lieux publics ? À partager la même chambre tous les soirs avec moi ?

Il hoche la tête alors je poursuis :

— Tu es prêt à accepter que je sois un homme ?

— Je l'accepte...

— Avec tout ce que ça signifie ? précisé-je.

Je vois sa pomme d'Adam bouger quand il déglutit. Il continue de jouer avec mes doigts, les caresse délicatement puis il les serre légèrement et relève le visage vers moi :

— Je veux pas te perdre. Je... Si l'on y va... progressivement... Il n'y aura pas de problème, je pense.

Je sens l'effort que ça lui demande de me dire ça. Est-ce que ça doit se passer ainsi ? Non, ça ne devrait pas. Ça devrait être simple, naturel, normal. Il m'aime, j'en suis persuadé, mais alors pourquoi il a si peur de mon corps ? Il faudrait que nous y réfléchissions, que nous nous posions des milliers de questions, que nous suivions peut-être une thérapie pour comprendre tout ça. Mais je n'en ai pas le courage. En tout cas, pas maintenant.

— OK... On va y aller doucement, lui affirmé-je.

Il me sourit et je me sens revivre. Nous restons à genoux, l'un en face de l'autre. Longtemps, mais je m'en fiche d'avoir froid, ou mal aux jambes à cause du sol du practice. Je me fiche de tout parce qu'il y a un espoir.

— Tu vas me manquer, m'avoue-t-il tout bas. À la maison.

Je suis heureux qu'il accepte le fait que je parte de chez nous au moins temporairement. Ça me prouve qu'il respecte mon avis, mes envies et ça me fait du bien. Mais lui aussi va me manquer. Plus qu'il le croit. Je ne pars pas de gaieté de cœur, mais je pense que nous avons besoin de ce recul pour mieux nous retrouver.

— Tu... Tu serais libre samedi prochain ? m'interroge-t-il.

— Samedi ? Pour quoi faire ?

— Pour un rendez-vous amoureux. Un vrai ! Tous les deux.

Accept us - BLT 2Where stories live. Discover now