6 - De la tristesse

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Après que Dorian soit retourné dans sa chambre, je n'ai pas plus réussi à trouver le sommeil. Mon cerveau réfléchissait trop et malheureusement, il revenait toujours sur la même pensée : je dois quitter Dorian. Le quitter pour mon bien, mais aussi le sien. Entre sa jalousie et son blocage sur le fait que je sois un homme, aucun de nous n'est heureux dans cette stupide relation. Alors, à quoi bon continuer ?

Je me verse du lait dans mon bol, par-dessus mes céréales, attrape ma cuiller et entame mon petit-déjeuner sans entrain, debout au milieu de la cuisine, le regard dans le vide. J'ai envie de pleurer, j'en ai déjà les larmes aux yeux en prenant conscience que c'est terminé. Lui et moi, c'est terminé avant que ça n'ait eu la chance de commencer.

Ça me fait mal. Mon cœur se brise. Encore. Je n'ai que vingt-quatre ans et pourtant, il a été piétiné à plusieurs reprises, mais celle-ci sera la dernière. Je ne peux plus faire face à ça, à cette souffrance. Je l'aime, Dorian, de tout mon cœur, mais ça ne suffit pas. Je n'étais pas assez bien pour ma famille et je me rends compte que je ne le suis pas non plus pour Dorian. Sinon il aurait accepté tout ça au bout de trois ans.

Je tourne la tête et regarde la pluie tomber. Je me demande alors quelle sera ma prochaine ville. Glasgow peut-être. Ou Édimbourg. Non, elles sont trop grandes pour moi. Il me faut un village ou même une maison à l'écart, au milieu de nulle part, mais avec un bon club de golf pas très loin. C'est tout ce que je désire. Je n'ai besoin de rien d'autre à présent. Juste mon golf et moi.

Je m'apprête à mettre une nouvelle cuillérée dans ma bouche quand je sens les lèvres de Dorian se poser sur ma tempe. Je frissonne. Mon cœur se déchire un peu plus. Il me salue et je devrais lui répondre, mais je me contente de continuer de manger sans un mot. Je l'observe du coin de l'œil se servir un café – café que je lui ai préparé – dans son mug Batman que je lui ai lavé hier. Comme tous les matins.

Je soupire parce que j'en ai ras le bol. J'ai la sensation d'être son employé. Un mix entre homme à tout faire et femme de ménage. Je fais les courses, la lessive, la cuisine, les papiers administratifs... Marre ! Je balance presque mon bol dans l'évier, faisant un bruit impressionnant.

— Ça va, Blaise ?

Si je vais bien ? Non. Je le fixe de longues secondes, déguster à petites gorgées sa boisson chaude comme si rien ne s'était passé cette nuit. Comme s'il ne m'avait jamais fait de crise de jalousie. Comme s'il ne m'avait pas rejeté dans un moment intime.

Rien n'est normal ici et surtout pas nous. Pourtant il semble s'amuser à vouloir le faire croire. À qui ? Il n'y a que nous dans la pièce. Sûrement à lui-même. Je hoche la tête, n'ayant pas le courage de régler nos comptes maintenant et lui tourne le dos en rassemblant des ingrédients pour faire les plats pour le réveillon.

— J'appelle Gareth, me prévient-il.

Le silence se fait dans la cuisine, seulement coupé par le bruit des placards que j'ouvre et referme à intervalles irréguliers pendant qu'il va chercher le téléphone de l'appartement.

— Ça sonne !

Je prends une grande respiration et me tourne vers lui. Son sourire le fait ressembler à un gamin préparant une surprise à un copain. Je m'approche et me positionne de manière à ce que le combiné soit entre nos oreilles.

— Allo ?

— Joyeux anniversaire ! crions-nous en chœur, habitués à le faire.

— Vous êtes des malades ! s'écrie Gareth, mais je sais qu'il est content. Mais merci, les gars !

Je me demande alors comment je ferai l'année prochaine. Est-ce que Gareth voudra garder contact avec moi ? Je l'espère. En dehors de Dorian et Gareth, je n'ai personne dans ma vie. Absolument personne. Je baisse les yeux et renifle en m'éloignant. Je ne peux pas rester trop près de Dorian, c'est trop dur.

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