9 - De la peine

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— Si, à l'instant...

Mes mots ont au moins le mérite de le surprendre et de le laisser sans voix. Je secoue la tête, désespéré par toute cette histoire. Je suis entré dans cette pièce, mais j'ignore quoi dire, quoi faire. Qu'est-ce qu'on doit faire quand on vous brise le cœur ? Je ne sais pas. La dernière fois que ça m'est arrivé, j'ai perdu ma famille et mon petit-ami. Et sans trop m'avancer, je pense que ça va se passer de la même manière aujourd'hui.

— Blaise, je...

Je déglutis tandis que Nicola se sent mal à l'aise. Elle a compris que j'avais écouté leur conversation et que je suis encore plus malheureux qu'avant. Chose qu'elle voulait éviter.

— Euh... Je... Je vais vous laisser parler.

Je hoche la tête et quand elle passe à côté de moi, elle me caresse le bras pour me réconforter et me donner un peu de courage sans grand résultat. J'entends la porte se refermer derrière moi m'indiquant que je suis à présent seul avec un Dorian qui se contente de baisser les yeux vers le sol.

Je suis au bord de l'évanouissement. Ça fait trop d'émotions négatives pour moi depuis hier. Je ramène mes cheveux en arrière et souffle pour m'éviter de pleurer encore plus. Mes jambes flageolent alors je me dirige vers mon lit et m'assieds dessus.

Le haut de mon corps est basculé vers l'avant, les avant-bras posés sur mes cuisses. Cette position m'empêche de voir que Dorian n'a toujours pas bougé et qu'il ne semble pas sur le point de faire le moindre geste ou de dire la moindre parole. Je renifle mécontent et ferme les yeux tout en déclarant :

— C'est drôle, je trouve.

J'ai un petit rire jaune avant de me mordiller la lèvre pour chercher mes mots.

— Avant d'écouter cette conversation, j'avais déjà pris ma décision. Elle a été difficile, j'ai mis des mois à comprendre que c'était la meilleure solution, sans doute la seule. C'était compliqué parce que pour moi, tout ça, toute notre vie, ça avait un sens, mais à présent... Tu me prouves que j'avais tort et tu me simplifies presque les choses.

Mes doigts se lient, se tordent pour me faire penser à autre chose qu'à mon cœur qui me hurle de passer encore l'éponge, de me jeter sur lui pour le prendre dans mes bras, de lui demander pardon d'être un homme. Je ne dois pas craquer. Je n'ai rien fait de mal. N'ai pas à rougir de rien et surtout pas de qui je suis.

— Quelle décision ? me demande-t-il, tout bas.

Je me redresse un peu pour lui montrer que je suis, aujourd'hui, plus fort. Il peut être jaloux, possessif, larmoyant, égaré, méchant... Il peut être ce Dorian insupportable que je suis le seul à connaître, je n'ai pas peur, je n'ai plus envie de jouer. Il m'a perdu.

— Celle de partir d'ici.

Son visage se relève vers moi. Terrifié, blessé, au bord du gouffre... Voilà comment il est à cet instant et c'est peut-être mesquin de ma part, mais ça me fait du bien de le voir comme ça. J'ai l'impression de l'avoir au creux de ma main et que je peux le briser d'un battement de cils. Je me sens tout puissant, je me sens maître de la situation. Pour la première fois depuis le début de notre relation.

— Partir où ?

— Je ne sais pas. Édimbourg. Cardiff. Belfast. Peut-être Cambridge, énuméré-je. Peu importe tant que je ne suis plus là.

— Quoi ? s'écrie-t-il, surpris.

Il s'attendait sûrement à ce que je change de quartier, mais comme dirait mon père, je ne suis qu'un lâche. Je ne peux pas rester ici, à travailler dans la même entreprise que Dorian, être dans la même ville que lui, avec cet espoir et cette peur mêlés, de le croiser à chaque couloir ou coin de rue. Pour ma santé mentale et mon cœur, je dois partir. Partir loin, le plus tôt possible.

— Tu... Tu peux pas faire ça !

Je ris. Je crois que je craque.

— Bien sûr que je peux. Et je vais le faire. Je l'ai déjà fait. Plus... Plus rien ne me retient là.

— Et moi ?

Il fait un pas vers moi, hésitant.

— Toi ? Mais Dorian...

Je me lève et me plante à quelques centimètres de lui. Je plonge mon regard dans le sien. Affolé. Effrayé.

— Tu n'as aucun putain de sentiment pour moi alors qu'est-ce que tu en as à foutre franchement que je sois à Cardiff ou dans la chambre d'à côté ?

Il déglutit après ma réplique. Il ne sait pas quoi me répondre et j'aime le voir si mal à l'aise. Le jeu se referme sur lui.

— Hein ? Dis-moi !

Bien entendu, il ne me contredit pas. Ne se défend pas. Juste le silence...

— C'est bien ce qui me semblait...

Je soupire et continue :

— Je voulais rester à Noël, pour tes parents, ta famille, mais je pense que dans ces conditions, il vaut mieux que je parte maintenant.

— Non, murmure-t-il.

— Si, si. Nicola a tort. J'avais tort.

Je retire mon tablier et le jette sur mon lit qui se trouve derrière moi. Je lève les yeux tandis qu'une larme se fait la malle et coule sur ma joue.

— Je ne fais pas partie de cette famille. Je n'y ai jamais eu ma place.

— Si, tu...

— Je ne suis rien, ni personne pour toi alors comment je pourrais être un membre de ta famille, Dorian ? C'est pas grave, je comprends. La mienne n'a pas voulu de moi, c'est logique qu'un inconnu refuse de partager la sienne avec moi.

Je baisse les yeux un court instant, le temps de renifler et m'essuyer le nez d'un revers de la main.

— Je récupèrerai mes affaires mardi quand tu seras au travail. Je...

Je fais un pas et Dorian m'arrête en m'attrapant le poignet. Mon cœur loupe un battement. Je me tourne vers lui et attends qu'il me parle. Qu'il me retienne. Qu'il m'aime. Mais rien ne vient.

— Je te souhaite d'être heureux, lui déclaré-je. Avec quelqu'un que tu aimeras.

Je me défais de sa légère emprise et sors de la pièce. Je n'ai pas mis un pied dans le couloir que je suis à nouveau en larmes.

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