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26 - De la bière

— Allez une dernière ! s'écrie-t-il brusquement.

Il se lève et titube jusqu'au comptoir du pub dans lequel nous avons atterri ce soir-là. Je ris quand il se prend un pilier et qu'il s'excuse en faisant une petite révérence.

— On aurait dû l'empêcher de boire, déclare une voix sérieuse à ma gauche.

Je me tourne et souris à Zain qui est assis au fond de la banquette, les bras croisés devant lui. C'est sûr que ça ne risque pas de lui arriver à lui. Il n'a pas touché à l'alcool. Je n'ai pas très bien compris si c'est parce qu'il n'aimait pas, ou par religion, ou si c'est juste un principe de vie qu'il s'est imposé. En réalité, je m'en fiche, ça ne change rien au fait qu'il a tourné au soda toute la soirée pendant que Olly et moi avons dépensé une belle somme en bière dans le pub.

— Je t'ai connu plus rebelle...

Il se penche, s'accoude à la table et affirme, toujours avec gravité :

— Jamais quand il s'agit d'alcool.

Son souffle chatouille ma joue avant qu'il ajoute :

— Puis je ne le suis qu'avec toi !

Il m'adresse un sourire taquin qui contraste avec mon précédent sérieux. Il reprend sa place contre le dossier de la banquette. Je soupire à sa déclaration.

— Zain, tu...

— Ouais, je sais, me coupe-t-il. Ton petit hétéro a enfin compris que tu étais baisable.

Je déteste quand il parle ainsi. Je fronce les sourcils et il lève les yeux au ciel. Je n'ai pas encore l'habitude de son honnêteté de ses mots. Je dis ce que je pense et pense ce que je dis. Je ne suis pas un menteur, mais j'essaie toujours d'être diplomate et surtout de ne pas blesser ou mettre mal à l'aise mon entourage. Ce n'est pas quelque chose qui perturbe Zain.

— Arrête ça ! le supplié-je presque.

— Je ne comprends pas comment tu peux espérer qu'il règle tous vos problèmes maintenant alors qu'il a pas réussi à le faire en trois ans. Tu vis sur quelle planète, blondinet ?

Je hausse les épaules. J'ai tout raconté à Zain et Olly quand on s'est fait notre première soirée quelques jours après le Nouvel An, il y a un mois. Je les ai revus au golf et leur ai proposé de leur offrir une bière pour les remercier de m'avoir aidé au réveillon. Depuis, nous nous sommes rapprochés et c'est agréable même si de temps en temps, j'ai l'impression que Zain espère plus, bien qu'il sache que je suis avec Dorian.

— Il a déjà fait des efforts !

— Oh oui j'oubliais ! Vous êtes allés au restaurant. Deux fois. Et il t'a embrassé devant vos amis. Combien de fois ? Une... deux ? Super avancée ! ironise-t-il. À cette vitesse, il te prendra quand vous aurez soixante-dix ans !

— Je m'en fous du cul !

— C'est que tu n'as jamais été dans mon lit, tu dirais pas ça sinon.

À mon tour, je me penche vers lui et lui chuchote :

— Mais il y a un truc qu'il manquera toujours entre nous, Zain. Même dans ton lit.

Il s'avance vers moi, nos visages sont bien trop proches l'un de l'autre, mais je ne bouge pas.

— Ah ouais ? Quoi ?

— L'amour.

Je lui fais un sourire exagéré, content de moi.

— Parce qu'il ne me prend peut-être pas comme tu dis, mais il tient à moi et me respecte.

Il ouvre la bouche, mais la referme très vite avant de se reculer. Il termine d'une traite son soda et croise à nouveau ses bras devant son torse. Il me semble mal à l'aise.

— Je sais, je sais... Je ne peux pas lutter contre ton bel hétéro.

— Il a un prénom !

Je secoue la tête, en me replaçant. Je jette un coup d'œil à Olly qui tarde à revenir. Il parle à présent à une jolie rousse au bar, son nouveau verre entre ses doigts.

— Tu... tu penses réellement qu'il...

Zain cherche ses mots, ce qui ne lui ressemble pas, je trouve. Il se passe une main sur le visage avant de détourner son regard.

— Tu penses qu'il peut vraiment changer pour toi ?

Il se pince les lèvres en attendant ma réponse.

— Je ne veux pas qu'il change, déclaré-je, sincère. Je souhaite juste qu'il soit heureux. Qu'il comprenne que nous aimer ne fait pas de nous de mauvaises personnes. Qu'il a le droit d'être celui qu'il désire !

Zain ouvre la bouche, étonné par mes mots.

— Et tu penses qu'il va y arriver ? Qu'il pourra t'apporter... tout ce que tu veux ?

Sa question me prend par surprise. Par son sérieux. Je le fixe un long moment, ne sachant pas quoi répondre.

— J'ai un numéro ! Un numéro ! hurle Olly en nous rejoignant.

Il a les bras en l'air, sa pinte dans une main et un bout de papier dans l'autre. Ses yeux sont plissés à cause du sourire qui lui barre le visage. Il se réinstalle en face de moi, mais au lieu de rebondir sur ce que vient de nous annoncer Olly, je préfère revenir sur ce que Zain m'a demandé :

— Oui, je le crois parce que je l'aime. J'ai confiance en lui et en nous.

Zain déglutit et se met à fixer le plafond tandis qu'Olly semble perdu ce qui n'est pas étonnant.

— Si tu as confiance...

Il éloigne son verre vide en le glissant sur la table et se tourne vers Olly en retrouvant sa bonne humeur :

— Alors t'as eu un numéro ? La petite rousse ?

Olly hoche la tête et commence à raconter son approche qu'il veut subtile, mais qui ne l'est pas du tout. Après tout, il a descendu cinq pintes depuis le début de la soirée. Cela ne fait qu'un peu plus d'un mois que je les connais, mais je les considère déjà comme mes amis. Les miens, sans lien avec Dorian ou Gareth. J'ai l'impression d'avancer par moi-même et ça fait du bien. Je m'accoude à la table. Un sourire aux lèvres, j'écoute Olly comme il l'a fait avec moi quand il s'agissait de mes problèmes avec Dorian, sans faire attention au regard appuyé que Zain pose sur moi.