21 - Des soeurs

1.1K 149 120
                                    

La sonnette retentit pour la énième fois de la soirée et je me décide à sortir de la cuisine où je préparais le dîner. Je m'essuie les mains sur le torchon que j'ai attaché à mon jean et remets correctement ma chemise noire. J'entre dans le salon, fais quelques sourires aux sœurs de Gareth et me tourne vers le hall.

Elle n'a pas fait deux pas dans la maison qu'elle pose déjà ses yeux sur moi. Je n'ai pas le temps de dire « Ouf » qu'elle se jette sur moi. Je me suis toujours bien entendu avec Nicola, mais elle n'a jamais eu ce genre de réactions avant. Ce qui s'est passé le jour du réveillon de Noël a dû la marquer.

— Tu ne peux pas savoir comme je suis heureuse de te revoir, me lance-t-elle en serrant un peu plus ses bras autour de mon cou.

— Mais si tu continues, tu vas m'étouffer sur place !

Elle relâche aussitôt son étreinte et se recule en s'excusant, confuse. Je souris, lui embrasse la joue et lui assure :

— Moi aussi je suis content de te voir.

Elle m'effleure la joue comme a l'habitude de le faire sa mère, avec le même regard inquiet qui accompagne son geste.

— Comment tu te sens ?

J'attrape sa main qui me caressait et la serre tendrement.

— Tout va bien, Nicola.

— Je suis assez... surprise de te trouver là. J'ai eu peur que tu aies quitté de Barnard Castle.

— Sans te dire au revoir ? Nicola ! Je croyais que tu me connaissais mieux que ça !

— Oui, c'est vrai, mais avec Dorian... Il peut être si dur que...

— Mais... il ne vous a rien raconté en rentrant ?

— Je ne sais pas du tout ce qui s'est passé après que Dorian soit parti de votre appartement dimanche dernier. Quand il est revenu, il a refusé de nous parler et il s'est enfermé dans ta chambre.

Je baisse les yeux un instant sur le torchon que je tiens à présent entre mes mains. Dorian ne m'a pas raconté tout ça, hier à notre rendez-vous. En même temps, lui comme moi, nous avons fait en sorte d'éviter de mentionner le soir où tout a basculé. Mais qu'il se soit enfermé dans ma chambre ce soir-là, je trouve que c'est à la fois, beau et triste. Ça me touche, mais je ne peux pas m'empêcher de l'imaginer allongé dans mon lit, mon oreiller entre les bras, contre son torse, pleurant et ça me brise le cœur.

— Ça s'est arrangé entre vous, hein ? me sort de mes pensées Nicola en posant une main sur les miennes qui continuent de maltraiter le torchon. Je veux dire... Si tu es là, c'est que ça s'est arrangé, non ?

— Il... il m'a retrouvé et on a discuté. Longuement. On s'est enfin dit tout ce qu'on aurait dû se dire depuis des années. Tous les problèmes ne sont pas réglés, mais on a fait un bond en avant ! affirmé-je, un grand sourire aux lèvres. On repart de zéro.

— C'est... Incroyable ! Je suis contente pour toi, tu ne méritais pas ce qu'il te faisait subir.

— Tu sais, finalement, il souffrait autant que moi. Il ne le montrait juste pas...

Nicola penche la tête sur le côté, attendant sûrement que je lui en dise plus pour comprendre de quoi je parle, mais je n'en ferai rien. Alors je lui souris avant de me rapprocher un peu d'elle et ajoute, tout bas pour qu'elle soit la seule à écouter mes mots :

— Je souhaite te remercier. Si tu n'étais pas intervenue, j'aurais en effet quitté définitivement Barnard Castle.

— Ça aurait été du gâchis. Vous vous aimez.

— Je pense.

Elle me fait un clin d'œil complice avant de retirer son manteau que je me dépêche de prendre. Elle m'apprend qu'elle va quand même aller saluer l'organisateur de la soirée, Gareth. Elle s'éloigne pour rejoindre Gareth et Sybel, l'une de ses petites sœurs. J'accroche l'habit de Nicola sur le porte-manteau de l'entrée.

En revenant dans le salon, je réalise qu'Hayden est seul, debout devant une fenêtre à observer le jardin, un verre à la main. Je le détaille et souris en me rendant compte qu'il a tenté d'être soft dans sa tenue. Il a misé sur un costume basique de couleur bordeaux ce qui est clairement plus passe-partout que le bleu électrique de la semaine dernière. Je ne sais pas s'il comprend l'importance d'être ici, ce que ça représente pour Gareth et tout le monde. En tout cas, il semble assez mal à l'aise.

D'une manière ou d'une autre, nous essayons tous les ans de faire une petite soirée pour le réveillon du Nouvel An entre nous. Gareth, Dorian, leurs sœurs respectives et moi. J'ai toujours trouvé cette idée géniale, sûrement parce que je n'ai plus mon frère dans ma vie. Nous ne sommes pas tous du même sang, mais ça n'a pas du tout d'importance pour les Smith et les Moore. Pour eux, quand ils nous inventent à cette fête, c'est que nous sommes de la famille !

Je me dirige vers lui, attrape un verre sur la table basse au passage et le rejoins. Pendant de longues secondes, nous restons silencieux, nous délectant de nos boissons et de la vue sur la rue déserte.

— Ne t'inquiète pas, les filles sont vraiment cools ! lui dis-je finalement.

Il jette un coup d'œil derrière nous, tandis que les voix de Sybel et Gareth résonnent dans la pièce. Ils semblent être encore une fois dans une querelle fraternelle. Sybel est adorable, mais c'est le portrait craché de Gareth. Quand elle a quelque chose à dire à quelqu'un et principalement à son frère, elle ne se retient pas. Pour pimenter le tout, elle est extravertie. Elle n'est pas vraiment le genre de personne qu'il faut aller voir lorsqu'on est intimidé ou mal à l'aise comme Hayden l'est à cet instant.

— C'est ce que Gareth m'a dit.

Il fait bouger le contenu de son verre pendant quelques secondes avant de hausser les épaules. Il s'appuie au mur, perpendiculaire à la fenêtre, de manière à être tourné vers moi. Il tient fermement son cocktail, comme s'il avait peur qu'il s'enfuie.

— Mais c'est un peu flippant, me murmure-t-il. De rencontrer ses sœurs alors qu'on est ensemble depuis une semaine. C'est...

— Rapide ? proposé-je.

Il hoche la tête et lance un regard en direction de Gareth.

— Tu sais, commencé-je en me rapprochant de Hayden. Gareth est extrêmement complice avec sa famille. Tu as dû le remarquer, il a des nouvelles de ses sœurs et sa mère tous les jours. SMS, appels, mails tout y passe ! Ils sont très fusionnels.

Hayden semble prendre conscience de ce que je lui dis et je regrette aussitôt mes paroles. Au lieu de le rassurer, tout ce que je vais réussir à faire, c'est lui faire un peu plus peur.

— C'est pas... habituel que Gareth ait quelqu'un dans sa vie. Surtout depuis que Charlie est né.

— Ouais, je suis différent, chuchote-t-il plus pour lui-même que pour moi, avec un petit sourire aux lèvres.

Je prends le parti de ne pas rebondir sur ce qu'il vient de murmurer et poursuis sur mon idée :

— Même si c'est rapide comme tu le dis, il tient vraiment à toi. Il le sait très bien et il a déjà dû le dire aux filles. Alors il a juste besoin de te présenter à elles pour qu'elles comprennent que tu es quelqu'un de bien et que ça devienne encore plus réel pour lui. Pour vous.

Il se passe une main sur le visage tout en réfléchissant à ce que je viens de lui annoncer.

— Mais si j'étais toi, j'irais voir Hope en premier. C'est la plus calme et la plus objective aussi, lui soufflé-je tel un secret, en lui montrant d'un mouvement du menton, la jolie brune qui est assise sur le canapé.

Il respire à fond comme pour se donner du courage et me dit :

— Et vous, ça devient plus réel quand ?

Il me fait un geste de la main pour me désigner quelque chose derrière moi avant de partir. Ou plutôt quelqu'un. Quand je fais demi-tour, je vois Dorian retirer son manteau à l'entrée du salon. Son regard se pose sur moi et un sourire naît sur ses lèvres.

Oui, à quel moment ça devient plus réel ?

Accept us - BLT 2Waar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu