24 - Du tabac

1K 144 135
                                    

Un frisson s'empare de mon corps quand je pose un pied dehors, refermant la porte-fenêtre derrière moi. Même si je ne suis pas frileux, je dois bien admettre qu'il fait froid. En même temps, en décembre à presque minuit et en chemise, ce n'est pas étonnant. Je tends le bras sur ma gauche et allume la lampe extérieure que Gareth a installée l'été dernier pour pouvoir faire nos barbecues à n'importe quelle heure.

Mon regard se pose sur Dorian, assis sur la table du salon de jardin. Les pieds sur le banc. La tête baissée. Les yeux fixés sur une cigarette qu'il tourne entre ses doigts. Je fronce les sourcils et lui lance :

— Qu'est-ce que tu fais avec ça ?

Dorian ne fume pas. Je ne l'ai jamais vu avec une clope à la main alors je suis plus que surpris de le trouver dans cette situation. Je viens me mettre à côté de lui, de manière à pouvoir lui frôler innocemment le bras.

— Je fume, m'avoue-t-il.

— Quoi ? Mais tu... C'est quoi cette histoire ?

Je vérifie la cigarette qu'il tient. Elle est éteinte. Il secoue la tête avant de la redresser. Il cale la clope non entamée sur son oreille gauche et enfouit ses mains dans les poches d'un gilet qui ne lui appartient pas.

— Quand j'étais au lycée, je traînais avec des gars. Ils n'étaient pas très recommandables. Le genre cancre et fier de l'être. Ils passaient leur temps à fumer et boire alors pour... ne pas ressembler à un gamin et surtout avoir des amis, j'ai commencé à faire comme eux. D'abord qu'en soirée. Puis de plus en plus. Avant de te rencontrer, je fumais peut-être une dizaine de cigarettes par jour.

— Mais ce n'est pas possible ! Je ne t'ai jamais vu fumer ! m'exclamé-je, abasourdi.

— J'ai vite compris que ce n'était pas quelque chose que tu appréciais alors je me suis caché au début puis j'ai diminué jusqu'à pratiquement arrêter. Maintenant, c'est rare que je m'en grille une. Je le faisais quand on s'engueulait.

— Ah ! Ça explique pourquoi tu me disais à chaque fois que tu préférais prendre l'air !

Il hausse les épaules.

— C'était aussi un moyen pour mettre fin à la dispute...

— J'avais bien compris, mais ça nous empêchait surtout de régler les problèmes.

Une altercation n'est jamais vaine si elle permet de mettre les choses à plat et de trouver un compromis, mais pour ça, il ne faut pas fuir... Je frissonne et jette un coup d'œil à la clope qui agrémente toujours l'oreille de Dorian.

— Pourquoi tu en as une maintenant ? m'intéressé-je.

— J'étais en retard parce que je ne savais pas comment m'habiller. D'habitude, tu t'en occupes ou au moins tu me donnes ton avis, mais ce soir, j'étais tout seul.

Il se lève et se retrouve debout sur le banc qui se révèle un peu plus bancal que je ne l'imaginais. Il fournit une petite impulsion et atterrit sur le plancher des vaches, l'air de rien. Il fait quelques pas et sans me regarder, poursuit son explication :

— Mais j'ai été en retard parce que j'ai fait une crise d'angoisse ou de panique... Ou de stupidité. Je ne sais pas. Alors j'ai fumé. Plusieurs cigarettes d'un vieux paquet. Puis j'ai dû reprendre une douche et de me changer pour la énième fois. Je ne voulais pas que tu sentes l'odeur de fumée ou de tabac sur moi. Avant de partir, j'en ai gardé une... comme une... bouée de secours.

— Tu vas la fumer alors ?

— Non, soupire-t-il en la reprenant.

Il recommence à la tourner entre ses doigts. J'en profite pour l'interroger :

— Elle... Elle était due à quoi, ta crise ?

Je vois un triste sourire apparaître sur ses lèvres.

— Toi, murmure-t-il en levant enfin les yeux vers moi.

— Moi ? Parce que j'étais pas là pour préparer tes affaires ?

— Quoi ? Mais non pas du tout ! C'est juste que l'appart est tellement vide et silencieux sans toi.

— Dis que je suis bruyant pendant que tu y es, râlé-je en croisant les bras.

— Non, mais... Putain, si ! se corrige-t-il en mettant la clope dans la poche arrière de son jean. Il n'y a plus ta musique, ta guitare. Je regrette même tes rediffusions de tournois de golf à la télé. Ou rien que toi ! Tu parles constamment et là, il n'y a plus un seul bruit et... je te jure que c'est flippant. Et forcément, j'en viens à me poser des millions de questions. Qu'est-ce que tu fais ? Est-ce que je te manque ? Et si tu ne revenais jamais à la maison ? Comment je ferai ? Est-ce que...

Il se met devant moi, les mains sur mes genoux et me demande :

— Tu rentreras un jour, n'est-ce pas ?

Je déglutis.

— Tu veux revenir au moins ? Je veux dire... Tu ne me fais pas tourner en bourrique juste pour te venger et...

— Mais pas du tout ! m'écrié-je. Je ne te ferai jamais ça. J'ai envie de retourner à la maison et quand je vois tous les efforts que tu fais, je me dis que ça arrivera plus tôt qu'on ne le pense.

— Mais tout à l'heure, j'ai pas pu... Je n'ai pas pu t'embrasser devant tout le monde.

— Tu ne peux pas changer du jour au lendemain, je le sais, mais il y a du mieux et j'aime ça.

— Tu aimes ça ? répète-t-il en s'approchant.

— Oh oui !

Il pose ses genoux sur le banc, se calant confortablement entre mes jambes. Il fait glisser ses mains sur mes cuisses et les laisse négligemment un peu trop près de mes parties intimes. Je sens déjà mes joues chauffer à cette proximité.

— J'adore ça, rectifié-je.

Dorian rit en enfouissant son visage dans mon cou et son souffle se répercute sur ma peau nue. Je frissonne.

— T'es un idiot de sortir comme ça.

Je hausse les épaules et pose mes mains dans son dos. Je l'enlace contre moi et lui chuchote :

— Tu vas devoir réchauffer l'idiot que je suis alors...

Dorian relève la tête brusquement et plonge son regard dans le mien. Un sourire naît sur mes lèvres qu'il imite aussitôt :

— J'adore ça aussi, murmure-t-il.

Il resserre légèrement ses mains sur mes cuisses,efface l'espace qui nous sépare et m'embrasse doucement...

Accept us - BLT 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant