8 - Des sentiments

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Mes mains se crispent sur les manteaux des parents de Dorian et mes yeux s'ouvrent en grand, sous la surprise.

— Ne t'occupe pas de ça ! Il me semble que je te dis rien sur le fait que tu sois célibataire et que tu couches à droite ou à gauche.

Je fais instinctivement un pas vers ma chambre. Je déteste quand Dorian parle ainsi et encore plus à sa sœur. Cependant, Nicola n'est pas le genre à se laisser marcher sur les pieds, pas même par sa famille.

— Premièrement, je ne couche pas à droite ou à gauche. Deuxièmement, je ne suis pas célibataire par choix contrairement à d'autres. Et troisièmement, je ne brise le cœur de personne, moi.

— Moi non plus ! rétorque Dorian.

Je ricane.

— Et celui de Blaise ?

— Ça ne te regarde pas ! répète-t-il simplement.

— Putain, Do, tu vois rien ? Tu comprends rien ? Ou alors pire, tu le fais exprès ?

— Nicola, je ne veux pas avoir cette conversation avec toi, siffle Dorian en articulant bien chaque mot pour signifier à sa sœur qu'il est agacé.

Ils ne sont pas visibles, pourtant j'imagine facilement Dorian fermer son poing sous l'énervement. La veine habituelle de son cou doit avoir triplé de taille. Ses yeux ne doivent plus être que deux fentes noires. Mais ce n'est pas cette vision qui va faire peur à Nicola.

— Et avec Blaise, tu l'as eue ? Ou avec lui aussi, tu veux pas ?

— Tu me fais chier !

— Ouais, je sais. Je te fais chier parce que je te mets le nez dans ta merde !

Il soupire.

— Non, reste là ! s'écrie Nicola. Je suis désolée. Vraiment.

Dorian fait un drôle de bruit, l'air de dire qu'il ne la croit pas quand elle affirme ça.

— Je te jure que je ne suis pas venue ici avec l'idée de te faire chier comme tu dis. Mais... Do, ouvre les yeux, putain !

Il doit faire les cent pas parce qu'il apparaît dans la fente entre le mur et la porte, dos à moi. Il s'arrête et croise les bras devant lui.

— Je t'ai toujours laissé faire ce que tu voulais. Je crois même que je ne t'ai jamais donné mon avis sur ta vie. C'est comme ça dans la famille. Tout le monde fait ses propres choix et on est là pour le soutenir ou l'aider à réparer les erreurs.

Dorian grogne en disparaissant de mon champ de vision restreint.

— C'est pas vrai ? le presse-t-elle.

— Si, si...

— Tu as pris tes décisions depuis trois ans sans nous consulter. Tu as aidé Blaise, tu vis avec lui et votre relation a évolué, on l'a tous vu. On t'a encore une fois laissé faire.

Ma respiration se coupe, ne sachant pas à quoi m'attendre.

— Nous l'avons accueilli à bras ouverts et nous l'avons fait avec grand plaisir parce que c'est un mec bien. Mais aujourd'hui, je ne peux plus continuer ainsi. J'ai toujours été là pour te soutenir, mais je ne peux plus.

— Et pourquoi ? Pourquoi tu devrais l'ouvrir sur un truc qui ne te concerne pas ?

— Mais parce que je suis là aussi pour Blaise. Que tu le veuilles ou non, il fait partie de cette famille et je dois le protéger.

Les habits que je tenais tombent au sol tandis que je pose une main devant ma bouche, estomaqué par la déclaration de Nicola. Ça me touche tellement. Entendre ces mots me bouleverse, les larmes me montent aux yeux.

— Le protéger de quoi ? se moque Dorian.

— De toi !

— Hein ? Quoi ? Mais qu'est-ce que tu me racontes comme connerie ? crie-t-il, hors de lui. Je ne vais pas le frapper ou le brûler vif. Il faut que tu calmes ma pauvre fille !

Il est à un stade de rage où il ne se rend plus compte de ce qu'il dit et surtout de la manière dont il le fait. Il n'a plus conscience que toutes les personnes présentes dans l'appartement peuvent l'entendre.

— C'est toi qui vas te calmer, Dorian ! Et tu vas me parler mieux ! Tu sais très bien que je veux dire. Tu ne seras jamais violent avec lui, mais tu lui fais du mal. Chaque jour. Il est trop amoureux de toi pour te dire stop lui-même alors je le fais pour lui. J'ai déjà trop attendu. Je dois le protéger maintenant.

— Il n'y a pas d'amour, murmure-t-il.

Nicola a un petit rire.

— Vous êtes un putain de couple.

— Non.

— Oh si ! Si tu n'en as pas conscience, ce n'est pas ma faute, mais vous êtes un couple. Depuis qu'il est dans ta vie, tu n'as plus eu de copine. Vous ne faites rien l'un sans l'autre. Tu l'embrasses dès que tu sors de la pièce. Il faut toujours que tu sois à côté de lui à table ou dans les canapés, pour pouvoir le toucher. Quand vous êtes à proximité, tu as un geste pour lui. Tu es jaloux dès que quelqu'un l'approche...

— Non... non, bafouille Dorian.

— Dès qu'il y a un repas ou une fête, vous venez tous les deux. Toute la famille pense que Blaise est ton mec.

— Quoi ?

— Mais tout le monde s'en fout. Si tu es heureux, nous...

— Je... Quoi ? Non ! Tout le monde croit...

Il panique. J'aimerais le prendre dans mes bras et le rassurer, mais ça me fait trop mal. J'ai la preuve qu'il ne me considérera jamais comme autre chose qu'un ami avec quelques avantages... Mais seulement dans un sens, les avantages, hein !

— Mais mamie, elle...

— Elle s'en fout, le coupe Nicola. Elle adore Blaise. Je me demande même si elle ne le préfère pas à moi, mais c'est pas la question. Il y a que toi qui ne comprends pas ce qui se passe entre vous.

— Non, Blaise sait...

— Il ne sait rien ! Il t'aime comme un fou depuis trois ans et tu le fais espérer avec tous tes petits gestes.

Et elle n'est pas au courant de tout. Si elle connaissait le nombre de fois où il se faufile dans ma chambre pour dormir avec moi. Ces baisers enfiévrés que nous nous sommes échangés. Ces orgasmes que je lui ai donnés dans toutes les pièces de cet appartement. Si elle savait tout ça, elle comprendrait encore plus pourquoi je suis au bout du rouleau.

— Non, il...

— J'ai vu ses yeux rouges, Dorian ! Merde ! Dès qu'on vient ici ces derniers temps, on voit bien qu'il a pleuré. Il est malheureux. Réellement ! Et par ta faute.

Je n'aurais pas mieux dit, je crois.

— Vous vous aimez et tu ne veux même pas partager sa chambre, déclare plus doucement Nicola.

— Et alors ? Tu dormais dans la même chambre que tes colocataires, toi, à la fac ?

— Mais moi je n'étais pas amoureuse d'eux.

— Je ne le suis pas non plus.

— Dorian, s'il te plaît.

— Je n'ai aucun putain de sentiment pour Blaise, Nic, c'est clair ?

Le silence qui suit les paroles de Dorian est presque assourdissant. J'appuie la tête contre le mur, les larmes dévalant mes joues sans un bruit. Je ne peux plus les retenir, je n'en ai plus la force, pas après ce que je viens d'entendre, pas après avoir reçu le coup de grâce.

— Tu vas le perdre, assène-t-elle, sûre d'elle.

— Non. Jamais !

J'ai un hoquet de surprise à son affirmation. Il est sérieux ? Il pense que je peux encore vivre longtemps comme ça ? Je m'essuie le visage grossièrement, avec le poing, fais deux pas et pousse la porte de la chambre en lui annonçant :

— Si, à l'instant...

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