36 - De la vérité

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La boîte de café en poudre m'échappe des mains, rebondit sur le plan de travail avant d'aller exploser sur le carrelage de la cuisine. À mes pieds.

— Tu n'avais pas encore quitté de Barnard Castle que je savais déjà ce qu'il allait se passer...

Je déglutis à l'écoute de ses paroles qui me brisent le cœur. Je baisse les yeux sur la faïence, mais je ne distingue pas les tuiles, je suis trop mal pour ça.

— Et pourtant, je t'ai laissé partir. Je ne t'ai pas retenu comme j'en rêvais...

Je m'agrippe au rebord du plan de travail et serre de toutes mes forces, tandis que les larmes coulent sur mes joues en silence. Dire que j'ai honte ne serait pas assez fort. C'est au-delà de ça. Au-delà de la culpabilité. Au-delà de tout.

— J'aurais dû te dire quelque chose...

— Arrête, murmuré-je.

À chacun de ses mots, mes entrailles se contractent, me donnant envie de vomir le peu que j'ai ingurgité ces dernières heures.

— J'aurais pu empêcher ça...

— Arrête, s'il te plaît, répété-je plus fort.

— Dès que je l'ai aperçu, les mains sur toi, j'ai su que ce jour arriverait...

— Arrête ! crié-je.

Je m'accroupis prêt à régurgiter mes bières et mes nachos, mais heureusement, je réussis à me retenir. Mes sanglots me brouillent la vue. Leurs bruits m'empêchent de distinguer ce que Dorian fait derrière moi. Pleure-t-il aussi ? Hurle-t-il ? Casse-t-il quelque chose ? Ou m'a-t-il abandonné ?

Je me laisse choir en arrière et me retrouve dos au plan de travail central. Je plie les genoux, les ramenant contre ma poitrine, mes bras croisés dessus. J'enfouis mon visage dedans et tout en chialant, me traite de toutes les insultes que je connais.

Des mains atterrissent sur mes coudes et glissent jusqu'à atteindre mes épaules. Le front de Dorian s'appuie sur le haut de mon crâne avant que ses propres larmes ne mouillent mes cheveux. Je serre les poings, énervé après moi.

— Je suis désolé, désolé, désolé, dis-je dans une sorte de litanie désespérée. Désolé, désolé...

Au bout de quelques secondes – ou minutes, il dépose des baisers, à l'endroit même où ses pleurs ont coulé. À nouveau un peu plus bas. Lentement. Le long de ma nuque alors que l'une de ses mains me caresse les cheveux. Je hoquette, surpris par les gestes tendres que Dorian a envers moi bien que je l'aie trompé. Doucement, il embrasse chaque centimètre de peau de mon cou, allant jusqu'à décaler le col de mon pull.

— Je te l'ai dit, je savais ce qui se passerait.

— Tu aurais dû me retenir, lui approché-je, malgré moi.

— Oui, j'aurais dû. Ou pas. Ça n'a pas d'importance.

Mes pleurs continuent de couler, mais leur intensité a diminué. Soudain, ses doigts et sa bouche quittent mon corps et j'ai l'impression d'être seul au milieu d'un désert glacé. Cependant, je garde le visage baissé, trop effrayé de croiser son regard et d'y voir la peine que je lui cause. Je ne suis pas assez fort pour ça.

— Blaise...

Il m'appelle à plusieurs reprises et finalement, je craque. Je relève les yeux et tombe sur la main qu'il me tend. Je fronce les sourcils tandis que mon cœur s'emballe. Je ne souhaite pas partir, je ne veux pas qu'il me laisse derrière lui. Il me manque déjà. Je ne peux pas vivre sans lui. Je ne désire pas que nous nous quittions comme ça, à cause d'un baiser. À cause de moi.

Il fait bouger ses doigts avec lenteur, pour m'inciter à m'emparer de sa main et quand je l'accepte enfin, mon cœur se brise avec fracas dans ma poitrine. Il m'aide à me relever et je me retrouve debout, devant lui. À sa merci. Je ne sais pas comment il s'y prend, mais il réussit à me retirer ma veste qui tombe à nos pieds, rejoignant le café éparpillé par terre.

— Regarde-moi, me souffle-t-il gentiment.

Mais j'ai l'impression d'entendre encore la voix de Zain me demandant de le regarder pour que je lui dise que je ne suis pas attiré par lui. Je ne peux m'empêcher de grimacer à ce souvenir.

— Pardonne-moi, Dorian. Je suis tellement désolé. Je ne voulais pas te faire de mal...

— Mais tu l'as fait.

Je n'ai jamais autant pleuré de ma vie et je crois que ça ne s'arrêtera jamais. Il passe son pouce sur mes joues pour les essuyer.

— Savoir... Savoir que ce mec t'a...

Il laisse tomber son bras, et je vois d'un coin de l'œil son poing se serrer à la pensée de Zain.

— Qu'il a posé ses mains sur toi, reprend-il, d'une voix plus sèche qu'auparavant. Savoir ça et l'imaginer, ça me fait du mal. Beaucoup. Mais...

Je relève le regard, surpris qu'il y ait un mais dans cette discussion et le plonge dans le sien. Ce dernier n'est plus aussi dur que lorsqu'il s'est tourné vers moi quand je suis arrivé. Il est embué comme sur le point d'éclater en sanglots, mais Dorian est fort et garde ses pleurs pour lui. Mais cela semble lui demander des efforts.

— Il ne compte pas, il n'a jamais compté, lui affirmé-je voyant qu'il ne pourrait rien ajouter pour le moment. Il n'y a que toi, je te le jure.

Je prends sa main dans la mienne et la serre fort. Il esquisse un léger sourire qui me réchauffe le cœur. Je ne sais pas ce qui se passe dans sa tête, mais j'aime son sourire. J'aime ses yeux qui se plissent quand il apparaît.

— Mais... je t'ai fait souffrir aussi, termine-t-il. Tellement.

Je fronce les sourcils, ne comprenant pas où il veut en venir.

— Tu... Tu pourrais me pardonner ?

J'ai presque envie de me gifler d'avoir osé poser cette question. Tais-toi, Blaise et écoute-le.

— Oui...

Je ferme les yeux un court instant, comme délivré d'un poids.

— La vérité, c'est que je t'aime...

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