7 - Des invités

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Je m'essuie sur mon tablier et soupire tout en lançant un regard circulaire à la pièce. Prenant appui contre le plan de travail derrière moi, je réfléchis mentalement au dîner pour être sûr de n'avoir rien oublié. Je me passe les mains sur le visage quand j'ai terminé. Tout est en ordre et heureusement, parce que j'ai cuisiné toute la journée, prenant mon temps pour que tout soit parfait, mais à présent, la fatigue s'abat sur moi.

Mon regard accroche Dorian en train de finir de mettre la table dans notre salle à manger. Je déglutis et baisse rapidement les yeux. J'ai fait tout mon possible pour l'éviter ce qui n'est pas facile quand on est que deux dans un 50 m². Mais je pense qu'il a compris que j'avais besoin que nous nous éloignions en apercevant mes larmes. Depuis notre appel à Gareth pour son anniversaire, il n'a rien tenté.

Sans même le voir, je suis capable de l'imaginer évoluer dans la pièce à côté d'où me proviennent ses bruits. Je me sens triste, au bout du rouleau. Il vient de mettre les serviettes et positionne les chaises correctement, toutes à la même distance de la table – il a des petits TOC. Il se recoiffe d'un geste instinctif puis allume le sapin que nous avons changé de place cette année pour que sa mère ne se prenne pas les pieds dedans comme l'année dernière.

Il a peut-être raison, je connais tout de lui. Je le reconnaitrais entre mille. Mais j'ignore encore certaines choses et ce sont malheureusement les plus importantes : m'aime-t-il comme je l'aime ? Acceptera-t-il un jour ce qu'il y a indéniablement entre nous ?

Je soupire, sachant que je me cache la vérité. Il n'y arrivera jamais. Mes mains sur le plan de travail, de chaque côté de mon corps, m'empêchent de m'effondrer. Je dois être fort. Pour sa famille.

En pensant à eux, la sonnette de l'appartement résonne et je sursaute. Je me redresse et jette un regard au hall qui est à ma gauche. Je pourrais les accueillir, mais j'en suis incapable. Dorian n'aura qu'à y aller. Je ferme les paupières un court instant comme pour rassembler le peu de courage qu'il me reste. Je respire à fond et entends le verrou de la porte tourner.

J'ouvre les yeux, plaque un sourire sur mes lèvres et fais un pas vers l'entrée au moment où Judith, la mère de Dorian, le prend dans ses bras en le saluant joyeusement. Sous son imperméable, elle a mis la robe que nous lui avons offerte pour son anniversaire. Je l'avais repérée dans une petite boutique et elle m'avait tout de suite plu. Maintenant qu'elle la porte, j'ai la confirmation que j'avais raison. Elle lui va à la perfection.

Dès qu'elle me voit, j'ai l'impression que son visage rayonne et ça me fait chaud au cœur. Judith est devenue ces dernières années, cette mère que je n'ai plus. Elle contourne son fils et vient me prendre dans ses bras et me le délecte de ce geste, de cet amour maternel qu'elle m'offre sans rien attendre en échange.

— Bonjour Judith !

— Comment vas-tu mon grand ?

— Très bien et vous ?

Elle se recule, caresse ma joue et me sourit tendrement. Elle résiste à l'envie de me dire pour la énième fois de la tutoyer et hoche la tête.

— Vous êtes sublime.

Elle fait un vague mouvement de la main comme pour balayer le compliment que je viens de lui faire.

— Blaise a raison, maman, intervient Nicola, une des sœurs de Dorian, juste avant de me faire un bisou pour me saluer. Je peux mettre ça où ?

Elle me montre deux sacs de course qui doivent contenir les cadeaux de Noël.

—  Dans ma chambre, si tu veux.

Je la vois froncer les sourcils avant de soupirer puis elle disparaît dans le couloir.

— Ça sent drôlement bon, mon grand !

Judith entre dans la cuisine et va soulever le couvercle d'une des casseroles.

— On va se régaler, ajoute-t-elle. Comme à chaque fois que tu es aux fourneaux.

Elle se tourne vers moi.

— Tu devrais manger ce que tu prépares de temps en temps !

J'éclate de rire comme à chaque fois. Elle ne cesse de me dire que je suis trop maigre et même si elle a totalement tort, j'aime bien qu'elle me dise ça.

— Pour cela, il faudrait que Dorian lui en laisse, plaisante le mari de Judith en nous rejoignant.

Nous nous serrons les mains et même si je n'ai jamais été très proche de lui, je l'apprécie vraiment, mais je ne sais jamais quoi lui dire quand je me retrouve seul avec lui. Il est discret et observateur.

— Je lui en laisse, p'pa ! intervient Dorian en tapotant l'épaule de son père. Il mange tout le temps et bien plus que moi, mais il ne prend jamais un gramme.

Je lève les yeux au ciel. Dans deux minutes, je suis boulimique !

— Do ! nous coupe la voix de Nicola. Tu peux venir m'aider s'il te plaît.

Il nous fait un sourire et s'engouffre dans le couloir. Je leur propose de les débarrasser de leur manteau. Ils s'exécutent aussitôt et je les invite à aller s'asseoir dans le salon en attendant. Je jette un œil à ma viande qui se trouve dans le four et me dirige vers les chambres pour mettre les habits sur mon lit.

Mais je me fige quand j'arrive devant la porte alors que j'entends la voix sèche de Dorian dire :

— Il me semble pas que cela te regarde !

— Ça me regarde parce que tu es mon frère et que tu fais n'importe quoi depuis trop longtemps, lui répond Nicola, d'un ton froid.

Je me colle un peu au mur et continue d'espionner leur conversation pour savoir de quoi ils parlent. Même si j'ai conscience que c'est mal, c'est tellement rare qu'ils se disputent dans cette famille que ça m'inquiète.

— Je ne fais pas n'importe quoi.

— Si ! s'exclame-t-elle. Tu ne vois pas que tu détruis tout ?

— Je ne détruis rien. C'est ma vie, mon choix ! déclare Dorian, sûr de lui.

— Et tu penses à Blaise et à sa vie à lui ?

Mon rythme cardiaque s'accélère à l'écoute de monprénom. Qu'est-ce que je viens faire là ? De quoi ils parlent-ils, putain ?

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