LIV. Apo' : Dire au revoir

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Du haut de mon perchoir je peux observer l'hécatombe qui règne en bas avec satisfaction. Tout ce chaos créé simplement de par ma tendre créature... Tant pis pour ce céleste qui s'est échappé. Il mourra bientôt de toute manière. Je me penche jusqu'à déposer un baiser sur ses écailles et murmure :

« Bien joué Deamlasair. C'était parfait. »

Un étrange grondement me répond tandis que le dragon entame se descente, ses grandes ailes démoniaques déchirées mais pas abîmées provoquant de puissantes bourrasques qui agitent les vêtements de mes cavaliers au sol.

Lorsqu'il se pose au sol, j'observe à la dérobée mes compagnons avant de me mettre à murmurer une litanie de mot à l'oreille de Deamlasair. Comme s'il me comprenait, il ouvre grand les yeux et pousse un cri désarticulé comme empli de douleurs. Les cavaliers semblent comprendre ce qu'il se passe car ils lèvent leurs regards plein d'incompréhension vers moi. Tinneas s'enquiert alors que je me relève :

« Apocalypse que fais tu ?

Je glisse au bas de mon démon de feu pour atterrir agilement sur le sol recouvert de cendre et mon regard se pose sur les restes du champs de batailles. D'ici le point de vue est différent mais pas moins exaltant. Me tournant vers mon cavalier, je lève les yeux au ciel et lâche :

- Je ne suis pas folle ni même sotte. Je ne prendrai pas le risque que l'on me reprenne Deamlasair, peu importe ce qu'il m'en coûte.

Bhàs fronce des sourcils en entendant la réponse que je sers au cavalier de la maladie. Il hésite un instant, tentant de deviner ce que je compte faire.

- Tu vas l'envoyer ailleurs ?

- Pour consolider mon pouvoir, en effet. Et dans quelques jours, peut être quelques heures, lorsque je régnerai, je le ferai revenir.

- Mais il peut encore t'être utile !

- Bhàs, le bouquet final approche. Le reste ne me sert plus à rien. Pas même vous mes pauvres agneaux. Pour détruire le monde, je n'ai qu'à claquer des doigts. Un dragon ne me sera d'aucune utilité, aussi puissant soit-il.

Son expression s'assombrit mais il ne réplique pas. Dainn' grommelle dans sa barbe quelques mots. Je me tourne vers lui et hausse les sourcils, l'encourageant à s'exprimer. Ses yeux d'or plongent dans les miens et il lance d'un ton exaspéré :

- Dire que j'ai gardé cette bête dans ma caverne pendant des millénaires pour qu'au final elle se fasse la malle avant même que le grand final n'ait lieu. C'en est presque frustrant.

Comme s'il comprenait qu'on parle de lui, mon bébé se redresse et darde son regard flamboyant sur le cavalier de la misère. Dainn soutient le regard de la "bête", selon ses propres dires, pas le moins du monde effrayé. La longue queue couverte d'épines de Deamlasair vient se balancer au dessus de nos têtes. Je me contente de flatter son immense thorax. Ses écailles sont rugueuses sous mes doigts et pourtant je frissons d'aise à ce contacte. Mon bébé me manquera, c'est certain. Je prolonge mes caresses tandis que Cogadh s'approche pour interroger :

- Comment comptes-tu faire ?

Sans le regarder, je réponds :

- Un portail intra-monde. Ça ne me sera pas bien compliqué d'en créer un. Et je n'ai pas besoin de points de conjecture pour ma part.

- Tu vas en créer un ici ?

Son regard se ballade sur la cendre que le vent soulève. Je souris, et me moque :

- Tu crains les fantômes des célestes ?

- N'importe quoi !

- Très bien. Dans ce cas je vous laisse dire au revoir à votre frère.

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