L. Dainn : La corde sensible.

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Ma faim ne s'est toujours pas calmée. Et je suppose que ça ne sera pas le cas tant qu'Apocalypse ne reprendra pas le pouvoir sur Terre.
J'ai bien l'impression que plus l'échéance approche, plus nos travers sont exacerbés. J'ai toujours plus faim, toujours plus envie de dérober. Quand à Cogadh, il est de plus en plus intenable. Il me traîne partout derrière lui pour rejoindre Apo et il ne s'exprime plus que par grognements. Je ne sais même pas ce qu'on fabrique au Brésil. Il est pourtant clair qu'Apo n'y est plus.

Le cavalier de la guerre semble être sur le point d'exploser et de tout casser. Ses muscles sont crispés, ses veines palpitent et il ne cesse de jouer avec ses armes. Il a besoins de détruire, de réduire en cendre. C'est si drôle à regarder. J'ai l'impression qu'un rien pourrait lui faire péter les plombs.
J'ai presque envie de le titiller, de le charrier.

D'ailleurs ça me couperait peut-être ma faim terrible ?
J'en ai réellement assez des gargouillements de mon ventre qui semblent répondre aux grognements de mon frère. D'ailleurs ce dernier paraît s'agacer et se tourne vers moi d'un geste impulsif.

<< C'est pas bientôt finit ce boucan ?

- Quel boucan ?

Aussitôt mon ventre gronde encore plus fort, comme pour se faire remarquer. Un sourire narquois étire mes lèvres.

- Ah, tu parles de ce boucan là ?

Ses yeux virent aux rouges tandis qu'une lueur sanguinaire s'y allume. Je jurerai même voir un tic agiter sa pommette droite. Incroyable comme de si simples paroles peuvent l'enflammer à ce point. Je pourrais presque le craindre. Je ne sais ce qu'Apocalypse a fait, mais Cogadh tient plus de l'arme de destruction massive que de celui qui la manipulerai.

- Dis moi cher frère, tu sembles souffrir d'un soudain acces de colère... Ton ancienne amante serait-elle venue te souffler ses doux mots d'amour empoisonné ?

- Ne joue pas à ça Bochdainn.

- J'ai si peur, je ricane ironiquement avant de reprendre : et dire qu'il suffirait juste que tu cèdes à Colère. Peut être cela te rendra-t-il moins emmerdeur !

Cogadh lève alors son poing prêt à abattre son épée de toute sa puissance sur moi et je souris en anticipant le coup que je lui rendrai. Enfin un peu d'action.

Soudain un claquement de talons attire notre attention, figeant le mouvement de mon frère dans les airs, et la voix impériale d'Apocalypse retentit en un ordre sec :

- Ça suffit !

Un violent courant d'air expulse nos armes loin de nous. Nous nous tournons automatiquement vers l'impératrice du chaos. Son sévère regard argenté est posé sur nous et ses lèvres écarlates sont pincées en une moue réprobatrice. Et même ainsi, elle allie la beauté et l'effrayant sans soucis.
Perchée sur un petit talus, elle nous toise, l'air de se demander ce qu'elle pourrait bien faire de nous. Je distingue derrière elle la silhouette de Bhàs, son éternelle ombre, et un peu plus en retrait, Tinneas qui regarde silencieusement la scène.

Un vent léger agite la chevelure sanguinaire d'Apo, comme pour annoncer le chaos qui arrive. Elle descend alors de son petit talus pour nous rejoindre, d'un pas léger mais déterminé.

Vu son air agacé, je sens qu'il vaudrait mieux se plier à ses moindres désirs. Comme en chacun de nous, l'impatience brûle dans ses mouvements ensorceleurs. Oubliant notre tout récent différent, Cogadh et moi nous inclinons devant elle, ployant le genou.
Ainsi positionné, l'échine courbé, lorsqu'elle arrive face à nous, mes yeux arrivent tout juste au niveau de son ventre. Elle est si petite dans ce corps. Un étrange sentiment s'empare de moi. Malgré moi, notre créatrice m'étonnera toujours.

- Toujours toi Dainn'. Chaque fois qu'il doit y avoir un problème, tu es mêlé mon petit. Tu aimes bien trop les problèmes.

Je me contente de m'incliner plus bas encore, évitant de trop laisser entrevoir mon sourire. La magnifique entité secoue la tête. Son être transpire l'amusement. Elle me délaisse pour se diriger vers le cavalier de la guerre. Un regard dans sa direction me suffit pour constater qu'il boue encore malgré l'intervention d'Apo'. Elle aussi l'a remarqué. Elle saisit son visage en coupe et plonge ses yeux dans ceux de Cogadh. Aussitôt un silence de plomb s'abaisse sur nous. Plus personne n'ose bouger. Ni moi, ni mes frères. Quelque chose est en train de se passer entre Apo' et Guerre. Quelque chose que nous ne comprenons pas.

C'est étrange, très étrange. Je vois dans le regard de Cogadh une étincelle s'allumer tandis que la stupéfaction se peint sur les visages de Bhàs et Tinneas. Jamais nous n'avions vu ça.

Apocalypse approche encore plus son visage du sien et souffle, à mi-voix, autoritaire :

- Pas maintenant.

Il hoche la tête raidement tandis qu'elle lui sourit presque tendrement, presque comme une mère. Puis elle se détache.

Apo' nous fait alors signe de nous relever. Cette fois-ci, totalement neutre, elle s'adresse à tous :

- Je sais ce que vous ressentez. Croyez moi, l'impatience gronde en moi comme elle ne l'a jamais fais. Comme un démon, comme un monstre, comme un dragon. Deamlasair lui même n'a pas tant hurler sa rage au monde que cette impatience. Pourtant, ce n'est pas le moment. Gardez votre calme quoiqu'il en coûte. Ne vous laissez pas emporter. Ou vous le regretterez.

Sa dernière phrase, une menace, ne nous laisse pas indifférent. La menace est terrifiante car nous ne comprenons que trop bien ce qu'elle sous-entend. Celui qui sera responsable du moindre échec se verrait immédiatement... Pulvérisé. Détruit. Réduit à néant.

J'ai déjà fauté une fois. Je ne recommencerai pas.

Soudain un vent furieux se lève et un nuage de poussière assombri l'atmosphère. Tout ça n'a rien de naturel, je le sais. D'ailleurs Apocalypse se met à sourire, l'air satisfaite, oubliant toute menace, et elle murmure :

- Ah, les voilà enfin.

Des silhouette se découpent dans le tourbillon de sable qui nous entoure. Sept silhouettes toutes en courbes dont les yeux surnaturels scintillent parmi la tempête, comme sept fantômes venus semer le malheur. Elles s'inclinent devant l'impératrice du néant avant de se relever.

Mon regard accroche automatiquement celui, doré, d'une femme aux longs cheveux coulant comme une rivière de pétrole parsemée de pépites d'or, aux traits divins, et aux courbes appelant à la volupté.
M'appercevant, son sourire se fait langoureux et elle m'adresse un clin d'œil tandis que je relève le menton, un sourire narquois aux lèvres et lâche :

- Mais qui voilà ? Luxure ma chère, je suis bien ravis de te voir !

- Me voir moi ou mon corps tentateur, cavalier ? >>

Je hausse des épaules, bien trop occupé à l'admirer et à caresser son corps du regard. Mon ventre ne gargouille plus. Une autre faim d'un nouveau genre s'est éveillée. Le pêcher capital semble tirer sur ma propre corde sensible.

Je me ferai un plaisir de tout lui dérober.

Bonsoir !

Petit retour auprès de nos chers cavaliers ^^

J'espère que cette partie vous a plu et merci pour votre lecture !

À bientôt,
Dredre.

8 mai 2019

ApocalypseWhere stories live. Discover now