15 _ Double câlin

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Cela fait trois jours que j'ai pris une certaine routine. Mes doutes s'estompent peu à peu, je me sens plus à l'aise. En observant un calendrier usé et datant de quelques années dans la cuisine, je perds mon sourire. Trois jours. C'est tout ce qu'il me reste ici avant de devoir rentrer à la grosse pomme. Même après avoir fait un brin de ménage, bouquiné un peu, joué sur mon téléphone, mon moral ne revient pas. Eliott termine dans vingt petites minutes. Je ne sais pas s'il se situe sur un chantier ou dans la petite boutique du centre ville. Il doit me rejoindre ici puisqu'il veut me montrer un coin qu'il apprécie.

Fin prête dans mes baskets lacées et mon jean foncé, je sors pour jeter un coup d'œil dans la boîte aux lettres, au cas où. Déçue, j'entre à nouveau. J'aime recevoir des courriers d'Eliott. Il s'y livre beaucoup plus que par la parole. Je crois que ça lui fait du bien.

Je perçois un crissement de pneu devant chez moi. Ni une, ni deux, je sors immédiatement un sourire aux lèvres. Après avoir verrouillé ma porte, je grimpe dans la voiture.

— Salut, me dit-il.

En guise de réponse, je l'embrasse doucement. Lexie ne se doute toujours de rien. Enfin, je crois... Nous avons été prudents alors normalement, elle ne devrait pas l'avoir deviné. Chester m'accueille d'un aboiement. Je me tourne et lui offre une caresse sur la tête.

— Où nous emmènes-tu? m'enquiers-je.

— Un petit coin de paradis, répond-il en s'engageant sur la route droite.

— Ce n'est pas chez toi, ça?

Il sourit simplement. Eliott a décidé de laisser Lexie à l'école jusqu'à 18 heures. Elle ne s'y est pas opposée, contente de passer du temps avec ses copines.

Le trajet est simplement rythmé par les respirations de Chester, à l'arrière. Finalement, son maître bifurque dans un petit chemin terreux. Le véhicule arrêté, nous sortons tous les trois. Le chien saute de sa place tandis qu'Eliott me rejoint à l'avant de l'automobile. Je m'empare rapidement de sa main tandis que nous nous enfonçons dans les arbres épais.

— Tu cherches vraiment à me tuer dans la forêt? Si tu en as marre de moi, il suffit de le dire, plaisanté-je.

Ses sourcils se froncent. Cela ne le fait pas vraiment rire, au contraire. Son visage se ferme en même temps qu'il me dévisage intensément. Mon sourire s'évapore face à tant de sérieux.

— Ce n'est pas vrai du tout, réplique-t-il en serrant ma main.

Étonnamment, un souffle de soulagement s'abat sur moi. Il ne s'est toujours pas lassé de mon caractère parfois exubérant. Plutôt bon signe...

Regardant droit devant lui, nous continuons d'avancer, enjambant des racines, surplombant un filet d'eau. Je ne dis plus rien, ne voulant pas faire de gaffe. Au fur et à mesure, je sens Eliott se détendre, jusqu'à ce que nous contournions un gros rocher.

— C'est là, murmure-t-il.

D'une main, il baisse une branche qui nous barrait le passage puis fait attention à ce que je ne me la prenne pas. Lorsque je redresse le regard, je reste subjuguée. Une clairière dont la lumière est filtrée par les feuilles des arbres accueillent une petite cascade. Certes, c'est magnifique. Sauf qu'Eliott s'arrête en même temps que moi.

Une biche se trouve là, à quelques mètres seulement de nous. Son pelage marron me semble si doux. Majestueuse. Ses pas ont laissé des traces dans le peu de neige qu'il reste. Ses yeux nous observent curieusement. Elle paraît briller de milles feux avec ses poils brillants. Comme si la lumière des arbres n'éclairaient qu'elle. Ses grands yeux nous fixent alors que ses oreilles frétillent. Elle reste immobile quelques instants avant de s'enfuir en apercevant Chester à nos pieds. En même pas une seconde, elle a disparu de notre champ de vision.

MiroirWhere stories live. Discover now