Miroir

41 _ Prends soin de toi

Je crois que le vert est devenue ma nouvelle couleur préférée. Je n'ai jamais été aussi heureuse d'en apercevoir toutes les nuances possibles. Le soulagement ne m'a jamais paru aussi violent. Eliott se trouvait à mes côtés, il allait s'en sortir. Alors, j'ai permis à l'ambulancier de m'emporter avec lui dans le véhicule. À cet instant, je me fichais complètement du sort d'Esteban.

L'homme aux yeux vairons est sauvé.

Présentement, je me trouve dans une chambre d'hôpital, seule. J'attends les résultats d'une batterie d'examen avant de partir. La fumée inhalée a rendu ma voix rocailleuse. Ma peau a subi la chaleur des flammes. Pour autant, elle ne restera pas marquée. Ou superficiellement.

J'ai contacté Amaury en lui expliquant les évènements. Pour l'instant, nous ne pouvons pas voir Eliott. Alors, il m'a promis qu'il ferait son possible afin de me rejoindre rapidement. Quant à Lexie, elle est restée avec lui au bar, sans être au courant de tout ce qu'il s'est passé.

En réalité, je ne comprends toujours pas comment ils en sont arrivés à ce stade. Probablement qu'ils se sont disputés. Mais, au point de causer un incendie? Est-ce accidentel? En sont-ils venus aux mains? Je me souviens qu'Esteban paraissait alcoolisé. Sûrement que ce détail entre en ligne de compte.

J'observe mes bras nus, ma peau devenue rouge est recouverte de bandages. La pulpe de mes doigts la frôle. Je me sens complètement perdue. Même si l'infirmière m'a affirmé que mon compagnon va mieux, je ne serais tranquille qu'une fois que je l'aurais vu. Comment réagira-t-il à son réveil? Serais-je à la hauteur? Tout devait rentrer dans l'ordre la semaine prochaine. Qu'adviendra-t-il à présent?

Je discerne des petits coups donnés sur ma porte. D'une voix sourde, j'autorise la personne à entrer. Amaury se présente à moi, l'air torturé. Il s'avance vers moi à pas feutrés, les poings enfoncés dans les poches.

— Salut, murmure-t-il.

Je réponds d'un simple hochement de tête tant je suis éreinté. Seulement, je refuse de dormir. Au cas où Eliott aurait besoin de moi.

Le barman approche une chaise de mon lit afin de s'y installer. Ses avant-bras reposent sur ses cuisses.

— Comment te sens-tu? s'informe-t-il maladroitement.

— Fatiguée, soufflé-je.

Il acquiesce, emmêlant ses cheveux d'un geste nerveux. Alors, il m'explique que Mary garde Lexie en ce moment. Depuis l'incident, la journée a eu le temps de s'écouler : la nuit est tombée.

— Tu as eu des nouvelles d'Eliott? questionné-je, espérant qu'il ait croisé quelqu'un en venant à ma rencontre.

— Oui. Il s'en sort bien : quelques brûlures ainsi qu'une inhalation un peu trop importante de fumée. Apparemment, il s'est réveillé tout à l'heure. Tu pourras le voir demain.

J'acquiesce, ayant déjà hâte de passer du temps avec mon compagnon.

— J'ai fait un détour par votre maison, annonce sombrement Amaury.

Malgré moi, je détourne le regard, ne souhaitant pas me remémorer cet épisode effroyable. Un frisson me parcourt de pied en cap.

— La moitié est partie en fumée. Je ne comprends pas comment elle peut encore tenir debout. Les pompiers sont parvenus à éteindre les flammes mais, je n'ai pas osé monter.

Il continue de me raconter l'étendue des dégâts sauf que je ne l'écoute plus. Cela ne m'intéresse pas, actuellement. Tout ce qui m'importe est ma famille. Ni plus, ni moins.

— Arrête, chuchoté-je, toujours sans l'observer.

Subitement, il se tait, à bout de souffle. Il se racle la gorge, comme pour retrouver une contenance. Manifestement, il n'est pas à l'aise.