24 _ Ça tombe bien, moi aussi

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Amaury nous a rejoint depuis une petite heure. Dès qu'il a passé la porte, j'ai vérifié ses mains. Elles sont intactes, ce n'est pas lui qui s'en est pris à son frère. Lorsqu'il a posé les yeux sur Eliott, ils se sont écarquillés avant de se rétrécir de colère. Les deux hommes se sont échangés un regard. Ainsi, le barman a semblé comprendre qui était le responsable. Par la suite, il a fait mine de rien en me saluant gaiement.

Depuis, nous partageons une bouteille de vin tandis qu'Eliott reste au jus de fruits. Lexie joue dans le salon seulement, depuis cette nuit, Chester refuse de quitter son maître. Couché à ses pieds, il reste attentif au moindre bruit.

J'observe malencontreusement l'horloge : je dois partir dans moins de deux heures. Je refuse de quitter cet endroit sans être certaine qu'Eliott soit en sécurité. Fronçant les sourcils, je prends une décision :

— Je dois passer un coup de téléphone, je reviens.

M'éclipsant rapidement, je me réfugie à l'étage dans la chambre. C'est simple : je ne peux pas rentrer. Je n'ai même pas préparé mes affaires. Composant le numéro de ma meilleure amie, elle me répond au bout de trois sonneries :

— Hey! Alors, comment ça va, dans les arbres?

— Je ne vais pas travailler demain, Liv. Il faut que je reste ici, annoncé-je de but en blanc.

— Oh mais, Aux', que vas-tu dire à Adrien? demande-t-elle, surprise.

— Tu n'as qu'à lui expliquer que je suis malade. Je ne peux pas partir, il s'est passé quelque chose. Je me sens incapable de le laisser maintenant, insisté-je, soucieuse.

— Tu m'effraies un peu...

— S'il te plaît, fais ça pour moi. J'essaierai de revenir dans la semaine, c'est promis, m'obstiné-je.

Fourrageant ma chevelure brune, j'espère sincèrement qu'elle va accepter sans me demander d'explications.

— Je peux essayer mais, que se passe-t-il Auxanne?, s'inquiète-t-elle.

— Je n'en sais rien. Tout ce dont je suis certaine, c'est que je dois demeurer ici. Je parviendrai peut être à tout tirer au clair.

Faisant les cent pas dans la pièce, je finis par m'arrêter face à la grande fenêtre donnant sur le lac. S'il se passait quelque chose de vraiment grave, Eliott ne laisserait jamais sa nièce au sein de cette maison. Cette pensée me rassure un minimum. Puis, je me remémore l'état dans lequel j'ai retrouvé son oncle et un frisson me parcourt l'échine.

— Je te tiens au courant. Merci, je t'aime, promets-je.

Je raccroche sans lui laisser le temps de répliquer. Lâchant un gros soupir, je m'assois sur le fauteuil face au panorama. La nature paraît calme, les feuilles bougent peu, l'étendue d'eau reflète sans imperfection le ciel. Tout semble parfait.

Oui, je vais subsister ici. Eliott ne me parlera probablement pas. Pour autant, je me trouverai à ses côtés. Cet élément peut l'amener à me faire entièrement confiance puis à m'avouer ce qui a l'air de le torturer. Mon regard embrasse le mobilier de la chambre. Tout en bois et en élégance, rien de réellement personnel excepté des photographies de Lexie et d'Amaury. Mes doigts frôlent les draps où se mélangent nos deux odeurs. Un peu de sang a tâché la taie d'oreiller. Prenant le temps de la changer pour lui, je n'entends pas la personne qui me rejoint dans la pièce. Ce n'est que lorsque je me retourne avec le drap sale dans les mains que je sursaute en trouvant Amaury face à moi.

— Que s'est-il passé? questionne-t-il directement, les bras croisés sur son torse.

— Si je le savais, ça m'arrangerait, rétorqué-je en le contournant.

MiroirWhere stories live. Discover now