I- La fin du monde ?

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Angélique


Je connais Gaby depuis toujours. Vraiment, je n'ai aucun souvenir duquel il soit absent. Depuis mes premiers pas jusqu'à aujourd'hui, mon premier jour à la fac, mon meilleur ami a toujours été à mes côtés pour me soutenir. Il n'a jamais flanché, jamais douté de moi ou de nous, jamais même tenté de transformer cette belle amitié en quelque chose de plus profond... Non, objectivement, il est tout simplement parfait.

Lui et moi, nous sommes comme les doigts de la main : inséparables. S'il y a une fête, nous y allons ensemble, si l'un de nous deux décommande, ce sont deux invités qui seront à rayer de la liste. Là où ça commence à se corser, c'est quand des filles un peu trop belles ou savantes se mettent à tourner autour de lui. Pas que je sois jalouse ou amoureuse, loin de là, mais voir un autre membre se greffer à notre duo me fait mal au cœur. En même temps, je peux comprendre qu'il fasse chavirer les cœurs des jeunes filles, il est loin d'être repoussant ! Ses yeux aussi bleus qu'un ciel d'été s'accordent à la perfection avec son teint légèrement mate, et ses petites boucles blondes parfont l'harmonie de ses traits. J'entends que son caractère des plus aimable et serviable soit agréable, mais il reste mon seul et unique ami, alors quand on essaye de me le piquer, je trouve normal de montrer un peu les crocs, non ? Après tout, même s'il tente de me rassurer en m'expliquant par A + B qu'il n'est pas intéressé par aucune de ces filles un peu trop collantes, il ne m'enlèvera pas de la tête qu'il est et restera un homme, rien de plus, rien de moins.

Mais bon, j'essaye d'éviter de l'ennuyer avec ça, surtout en ce moment. En effet, il semble soucieux depuis quelques temps. Je veux dire, il n'a jamais été un grand bavard ou un fêtard invétéré, mais ces derniers jours, il semble morose, inquiet et sur ses gardes, ce qui n'est pas courant, surtout en ma présence. Je décide de profiter de l'heure à venir pour l'interroger sur ce qui le préoccupe. Après tout, nous sommes amis depuis l'aube de nos âges et je n'ai aucun secret pour lui. J'ose espérer qu'il en va de même pour lui.

Alors que le professeur nous invite à sortir une fois la fin du cours annoncée, j'emboîte le pas à mon ami et nous nous retrouvons dehors, sur notre banc habituel, le plus proche possible de la petite zone boisée qui offre une ombre réconfortante les jours de grande chaleur comme aujourd'hui. Le gazouillement des oiseaux se mélange aux bavardages des étudiants dans une cacophonie habituelle et rassurante.

Je reste un moment à écouter les sons environnant, me demandant comment aborder le sujet de façon délicate. La délicatesse n'a jamais été ma spécialité malgré ce que mon apparente faiblesse pourrait laisser penser. Une petite blonde aux yeux bleus, ça n'impressionne pas grand monde. Mais j'ai une tendance assez prononcé à dire ce qui me vient en tête sans réfléchir aux conséquences pour moi-même ou pour mon entourage.

Bon, on ne va pas y aller par quatre chemins. Je pose ma main sur son épaule pour attirer son attention. Il semble absent, comme si son esprit était ailleurs, loin, très loin d'ici. Mon geste semble néanmoins le sortir de sa torpeur et il me fixe, un instant perdu, sans doute encore aux prises avec ce qui tourmente son esprit.

- Gaby, dis-moi ce qui te préoccupe autant, dis-je doucement, accrochant son regard pour bien lui signifier que je ne le forcerai pas à parler, même si je souhaite qu'il le fasse. Je vois bien que tu n'es pas dans ton assiettes ces jours-ci et je me fais du soucis pour toi. C'est encore une histoire avec tes frères ?

Il secoue la tête doucement, un sourire en coin illuminant les traits de son visage familier.

- Ne t'en fais pas, Angi, tout va bien. Mes frères sont retournés chez eux pour leurs études et je me sens un peu seul, voilà tout.

Je fais la moue et lui lance un regard désabusé.

-Tu fais un menteur pitoyable, c'en est presque risible. Je te connais depuis toujours, tu sais que tu ne peux rien me cacher.

Il affiche à nouveau ce sourire que je n'ai jamais réussi à décrypter malgré nos années d'amitié au compteur. Un savant mélange entre regret, amusement et doute. Il est, à ce jour, le seul que j'ai vu réussir l'exploit de mêler autant de sentiments en un seul geste...

-Tu ne pourrais pas comprendre, ajoute-t-il finalement.

-Dis-moi que je suis trop stupide pour comprendre, ça ira plus vite, dis-je, un peu vexée.

Il soupire et lève les yeux au ciel.

- Angélique, tu sais très bien que ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. C'est simplement... compliqué à expliquer.

Je hausse un sourcil, intriguée.

-Est-ce que tes tourments auraient un lien avec les infos d'hier soir ?

Il finit par hocher gravement la tête. Je dois avouer que ce qu'ont dit les chaînes d'informations la veille ne m'a pas laissée indifférente moi non plus. Selon les spécialistes, la Terre serait en train de mourir, littéralement. L'eau semble s'échapper dans les profondeurs de la terre, l'air est plus pollué que jamais, les records de température explosent partout autour du globe et les catastrophes naturelles se multiplient. Tsunamis, tremblements de terre, sècheresses, inondations, pandémies, rien ni personne n'est épargné. Le monde semble à bout de souffle et les spécialistes de la questions paraissent aussi démunis que le reste de la population. Même ici, au beau milieu de la France, perdu entre deux massifs montagneux, les avalanches se déclarent à la chaîne après que de mini séismes ne fassent trembler cette région qui n'a jamais connu un seul tremblement de terre depuis des centaines, sinon des milliers d'années. Je peux comprendre que la fin annoncée de notre monde fasse flipper pas mal de gens, mais Gaby n'a jamais été du genre à s'effrayer pour quoi que ce soit. Il est plutôt de ce type de personne qui cherche une solution jusqu'à trouver la bonne et montrer l'exemple à suivre pour sauver le plus grand nombre. Il peut paraître timide et réservé, mais au fond de lui se cache un leader qui sait donner des directives claires en cas d'urgence. Je l'ai déjà vu à l'œuvre plusieurs fois lors de soirées qui auraient pu tourner au drame s'il n'avait pas été là pour orchestrer correctement une bande de jeunes alcoolisés.

Le silence s'installe entre nous, seulement brisé par le chant des oiseaux et les bavardages des étudiants qui passent devant nous.

-Je suis sûre que des professionnels trouveront des réponses à nos questions et que des solutions seront mises en place pour éviter que l'apocalypse qu'ont prédit les journaux ne se réalise.

Il m'offre un pauvre sourire, l'air de dire "si seulement c'était aussi simple" avant de se détourner pour observer les arbres au-dessus de nous. Je déteste quand il fait ça. Je déteste qu'il m'ignore et qu'il se foute de moi.

-Gaby, tu sais que je suis toujours là ?

Ses beaux yeux azurés quittent la canopée pour revenir vers moi, rieurs.

-Oui, Angi, je sais que tu es là, pas la peine de faire autant de bruit. Mais ne t'en fais pas pour ces histoires de fin du monde, je suis sûr que nos chers journaux nationaux ont encore dramatisés. Imagine, la fin du monde, carrément ? Si c'était le cas, les gens auraient paniqués, auraient creusé des bunkers dans leurs jardins et dévalisé les centres commerciaux, ils ne seraient pas là à trimer dans des salles de classes ou à suffoquer dans les bouchons interminables pour remonter vers Paris. Je suis sûr que tout ça, c'est du flan pour secouer un peu les gens et leur faire comprendre que notre planète est au plus mal. Bon, c'est vrai que tout ce qui se passe n'est pas forcément rassurant, mais il est certain que la fin qu'ils nous annonce n'arrivera pas avant un long moment.

Ai-je déjà dit que cet idiot est le pire menteur que la Terre ait connu ?

Ex Nihilo -1- Homo homini lupus est [Wattys 2020 - Paranormal]Onde histórias criam vida. Descubra agora