XXVIII- Vivre dans le passé

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Fenris -flashback-


Mon nom est Fenris, principale calamité de ce monde, immortel à la tête d'une armée de démons, héritier des Enfers et Prince démoniaque, incube et doué de magie. Mes ennemis tremblent rien qu'à l'évocation de mon nom.

Depuis des millénaires, je cause sur cette Terre nombre de dommages irréparables et de catastrophes fatales. Je suis la Maladie, je suis la Guerre, je suis la Mort. Je suis la petite voix qui chuchote à l'oreille des psychopathes, je suis la petite voix qui s'impose aux pires monarques. Je suis la Destruction.

Toutes ces exactions me valent une quantité astronomique d'ennemis, et au moins autant d'adorateurs. Mais en vérité, les seuls personnes que je veuille rendre fières, ce sont mes démons de parents. Plus je détruis, plus je massacre, plus ils m'offrent leur considération. Ne nous fourvoyons pas, je n'aime pas mes géniteurs. Ils m'empêchent d'atteindre mon but ultime : le trône. Alors je tente par tous les moyens de les impressionner pour les pousser à m'abandonner le pouvoir. Entreprise désespérément sans lendemain.

Toutefois, j'avais réussi à gagner leur confiance, tant et si bien qu'ils m'avaient désigné pour escorter une Fille de la Terre jusqu'au Sanctuaire, avec pour mission de la manipuler assez subtilement pour qu'elle pense s'être donnée à nous de son plein gré. Cette mission ne devait poser aucun problème.

Seulement, personne ne m'avait prévenu que je devrais partager la place avec l'un de ces insupportables archanges. Je compris immédiatement pourquoi Lilith et Lucifer m'avaient confié cette mission. Ils avaient comprit que je ferais tout pour atteindre le trône et se sentaient désormais en danger. Ils espéraient sans doute secrètement que la collaboration avec l'archange échoue et que je me retrouve malencontreusement à me vider de mon éternité dans une fosse commune.

Ils ont dû être profondément déçus.

En effet, et à mon plus grand étonnement, je nouais des liens assez forts avec ce Gabriel. Si au début je voulais simplement assurer ma sécurité en le manipulant en le faisant croire à une amitié naissante, je me laissais désormais prendre au jeu.

Mais cette amitié n'était pas destinée à survivre à ce qui suivrait.

Nous finîmes par rencontrer la fameuse Fille de la Terre qui se présenta à nous sous le nom d'Eden. Le prénom me fit sourire, de même que mon compagnon de voyage. Mais mon sourire disparu lorsque ses yeux d'émeraude croisèrent les miens.

Je suis un démon, jamais je n'ai ressenti quoi que ce soit d'autre que la haine, le désir et la jalousie. Mais face à cette femme, cette humaine, cette mortelle, je me retrouvais totalement démuni, le souffle coupé. Ce n'était plus la gravité qui me maintenait au sol, c'était ses yeux, sa simple présence. Au premier regard, je sus que jamais plus je ne serais libre. Elle pouvait me demander la Lune, je déploierai tout ce qui est en mon pouvoir pour la lui offrir. En la voyant, je découvris pour la première fois un sentiment humain que je ne pouvais décrire qu'ainsi : l'amour.

La plupart des gens pensent qu'un démon ne peut rien ressentir, en dehors d'une joie sans nom face à l'horreur. Tous se trompent. Une fois au cours de son existence, un démon peut tomber amoureux. C'est là la seule et unique fois qu'il se laisse aller à la faiblesse. Face à cet état de fait, deux choix s'offrent à lui. Ou il s'abandonne à la faiblesse et est chassé du royaume, renié par les siens, perd son immortalité, ses pouvoirs et ses privilèges, ou il se refuse à plier devant ces sentiments parasites et tue sa moitié, se débarrassant ainsi du problème.

Notre voyage fut long et j'apprenais à la connaître, tout comme j'apprenais à connaître celui que je considérais la veille encore comme mon ennemi mortel. Eden occupait toutes mes pensées. Son rire me faisait vivre, ses regards me faisaient avancer et sa voix me faisait rêver. Petit à petit, sans même que nous ne nous en rendîmes réellement compte, nous nous rapprochions et finîmes par nous rendre à la providence : après tout, l'amour véritable n'a pas de frontière à ce qu'il parait.

Ex Nihilo -1- Homo homini lupus est [Wattys 2020 - Paranormal]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant