XXXVI- Un combat fratricide (Partie 2)

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Nota Bene : Désolée, pour celle-ci, il y a des paroles, mais elles ne devraient pas être trop gênantes ^^

Gabriel


La faux trace un sillon sanglant sur le torse découvert du démon pâle qui plante profondément l'une de ses lames dans l'épaule gauche de Fenris. Même épuisés, leurs forces se valent. Les coups qu'ils s'échangent manquent désormais de puissance, mais ne perdent rien de leur précision. Ils ne s'arrêteront qu'en confirmant leur statut d'assassin.

Soudain, Angi se recroqueville à mes côtés en grimaçant de douleur, son poignet serré contre sa poitrine.

- Angi, qu'est-ce qu'il se passe ? demande-je en m'accroupissant à ses côtés.

- Ce n'est rien, la douleur se réveille, rien de bien grave.

Elle a beau dire, elle tremble de tout son corps sous le coup de la souffrance qui semble irradier dans tout son être. Le fracas des lames et les grognements de rage habillent la nuit qui tombe doucement. La voix de Jormungand me fait recentrer mon attention sur le combat qui se déroule au-dessus de nous.

- Vois, mon frère, ta très chère Eden va mourir pour la deuxième fois, lance le démon pâle, un sourire narquois déformant les traits harmonieux de son visage.

Fenris ne répond pas à la provocation et ne détourne même pas le regard. Bien. Qu'il reste concentré autant qu'il le pourra. Les renforts ne devraient plus tarder. Redoublant d'ardeur, le démon brun lance sa faux à toute vitesse en direction de son frère et laisse une plaie béante en travers du torse du démon aux cheveux blancs. Ce dernier, abasourdit par cet état de fait, reste un court instant pantois, ne sachant comment réagir.

Finalement, sa haine se déverse sur son aîné. Faisant appel à toute la puissance qu'il lui reste, il propulse sur son adversaire un étrange brouillard noir qui, une fois à proximité de Fenris, prend la forme de multitude de petits aiguillons à la pointe acérée.

D'un coup de faux, le démon brun écarte la plupart des aiguilles mortelles. Cependant, l'une d'entre elles traverse son abdomen de part en part. Un sang rouge vif coule abondamment de la petite plaie. Une main plaquée sur sa blessure, Fenris tente de repousser la seconde vague de piques acérés. Cette fois, aucune d'entre elles ne parviennent à le transpercer, mais je comprends que le combat est désormais inégal. Le démon-loup n'a plus accès à sa puissance et le venin du serpent géant doit brûler ses veines comme un torrent de lave depuis des heures déjà.

Alors qu'il rassemble douloureusement ses forces et s'apprête à retourner au combat, je perçois la puissance des Hordes Démoniaques gagner le démon-serpent. Toute la force des démons qui le suivent lui parvient et lui permet de reprendre forme animale, enroulant ses immenses anneaux mortels autour du corps de son frère.

- Angi, libère la puissance de Fenris, maintenant !

Je me retourne vers ma meilleure amie qui avait récupéré le pendentif, mais elle ne réagit pas. Elle semble plongée dans une sorte de transe profonde et répond à ses propres questions.

Un craquement sinistre suivit d'un cri de douleur me fait tourner la tête vers les deux démons. Jormungand vient de briser nette l'aile droite de son aîné. Puis sans ménagement, il le jette violemment contre une parois rocheuse qui se fend sous la force de l'impact. Fenris se redresse avec difficulté, une main plaquée contre son abdomen ensanglanté, la sueur perlant sur sa tempe, son aile droite brisée traînant piteusement au sol, le noir s'entachant de boue, le souffle court.

"- Te voilà dans un triste état, mon cher frère", persiffle la voix du serpent géant qui domine la scène de son immensité. "Peut-être serait-il plus charitable de mettre fin à ton agonie dès maintenant, tu ne crois pas ?"

Fenris sert les dents tout en récupérant sa faux qu'il tient d'une main mal assurée, sa vue étant sans doute brouillée par la fatigue, le poison et la pluie qui recommence à tomber en fines gouttelettes argentées par cette nuit de pleine lune.

- Tu crois réellement qu'un démon digne de ce nom peut se permettre d'être charitable ? lance le démon brun en lançant un regard provocateur à son ennemi gigantesque, tentant vainement de maîtriser les tremblements dus à l'empoisonnement.

Celui-ci laisse échapper un son qui s'apparente à un rire. Mais un rire si mauvais qu'il m'est difficile d'appeler cela un "rire".

"- Ah, mon cher frère, j'aimerais te dire que tu vas me manquer, mais la vérité, c'est que tu ne manques plus à personne depuis bien longtemps. Ton peuple t'exècre pour ta faiblesse, nos parents te renient pour ta chute pitoyable et ton héritage me revient."

- Et qu'est-ce que tu veux que ça me fasse ?

Le démon pâle penche la tête sur le côté, ne comprenant pas la réaction de son aîné.

- Je me fous pas mal de ce que pensent les autres, imbécile de serpent. Pour ma part, je serai bientôt libre, que ce soit ici-bas ou dans les limbes. Toi, tu ne connaîtras jamais le goût de la liberté. Tu resteras esclave de Lilith, héritier constamment dans l'ombre. Puis un jour, tu te lasseras d'attendre et tu commettras la même erreur que moi jadis. Elle te détruiras et engendreras un nouvel héritier plus docile que les deux premiers.

Le serpent sourit en secouant doucement la tête.

"- Tss, je vois que tu connais notre mère adorée sur le bout des doigts. Mais permets-moi de douter de tes capacités de divination, cher frère."

Puis, sans crier gare, le serpent géant se propulse droit sur Fenris qui n'échappe à la mort que d'un cheveux. Acculé contre la parois où se dessinent les fissures récentes de sa dernière chute, il est condamné à faire face seul. Sa faux à la main, il lance un regard de braise à son frère cadet qui se lance à nouveau à l'assaut, entamant sa transformation en plein élan. Fenris est de nouveau projeté contre la pierre tandis que la lame de Jormungand plonge profondément dans la jambe du démon brun qui s'effondre, privé de son appui majeur en l'absence de ses ailes.

- Te voilà à ma merci, Fenris. C'est ainsi que se termine ta légende, loup.

Le démon-serpent attrape son frère par le cou et plonge jusqu'à la garde la large lame de son épée dans les entrailles de son frère.

- NON !

Ce cri du cœur m'échappe. J'ai eu beau haïr cet être de toute mon âme pendant des centaines d'années et plus encore le siècle révolu, désormais, je ne peux le voir que comme un jouet du destin. Tout compte fait, il semblerait que notre avenir soit écrit également, à nous autres, immortels. Écrit à l'encre rouge. Écrit en lettres de sang.

Angélique, quant à elle, tombe à genoux, les yeux écarquillés d'horreur, une main plaquée sur sa bouche muette, incapable de produire le moindre son, figée dans un cri d'horreur silencieux. Je sens la douleur d'Eden dans la posture d'Angi. C'est l'amante de Fenris qui souffre à travers mon amie.

Un flot de sang s'échappe de la bouche de Fenris qui, le souffle coupé, ne parvient plus à dire ou faire quoi que ce soit. Il tombe à genoux, les yeux vides, son sang quittant son corps en cascades rouges sombres. Cette lame qui le transperce n'est pas une arme comme les autres. C'est une relique. Elle peut voler la vie d'un immortel sans problème.

Jormungand, un sourire victorieux aux lèvres, s'empare de la faux de son frère et s'approche de ce dernier à pas comptés. Arrivé à sa hauteur, il pose tranquillement la lame courbe sur le cou du démon brun agenouillé, vaincu, et arme son coup.

Je perçois un mouvement rapide sur ma gauche et tourne vivement la tête.

- Angi, non ! crie-je alors que mon amie se précipite, sans doute poussée par Eden, à la rescousse du démon à terre.

Je me précipite à sa suite, tentant de l'arrêter avant qu'elle ne s'interpose et ne reçoive le coup mortel à la place de Fenris.

C'est alors qu'une incroyable onde de puissance nous frappe tous.

Ex Nihilo -1- Homo homini lupus est [Wattys 2020 - Paranormal]Where stories live. Discover now