XXVII- Eden

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Angélique


Gabriel et moi sommes immédiatement sur le pied de guerre.

- Il n'a pas pu aller bien loin, commence mon ami, il était à bout de forces, sans compter qu'il est toujours relié à moi grâce aux bracelets.

C'est moi qui comprends mal ou il essaye de se rassurer, là ?

- Séparons-nous, nous aurons plus de chances de le retrouver, dis-je alors le plus naturellement du monde.

- Angi, tu sais très bien que c'est hors de question. Je préfère le savoir en train de tenter de s'échapper ou en train de batifoler dans les violettes plutôt que de te savoir avec lui.

Oui, c'est vrai que je vois bien le prince démoniaque Fenris premier du nom en train de batifoler dans les violettes... L'image qui s'impose à moi me fait rire en sourdine.

- Bon, me reprend-je, c'est pas en restant là les bras ballants qu'on va le retrouver ce stupide démon.

- Je suis on ne peut plus d'accord. Suis-moi, je sais peut-être où le trouver.

Je hausse un sourcil avant de le suivre sans rien ajouter. Finalement, nous arrivons dans une petite clairière où poussent des centaines de fleurs de toutes les couleurs et où paissent tranquillement quelques chevaux sauvages. Et au beau milieu de cette vision enchanteresse, notre démon blessé, à genoux devant une grande pierre brute semblable à du cristal.

Je jette un coup d'œil rapide à Gaby et nous avançons tous les deux doucement vers la stèle de pierre précieuse. Ce que je vois à l'intérieur me fend l'âme.

Au cœur-même de la pierre, repose une jeune femme que le temps n'a pu défigurer de ses griffes acérées. Belle pour l'éternité, scellée dans le cristal de roche, ma grand-mère semble à peine plus âgée que moi.

Ses longs cheveux d'ébène forment un halo sombre qui contraste avec la blancheur de sa peau et la rougeur de ses lèvres pleines. Ses longs cils sombres frôlent ses pommettes rosées. Ses doigts fins enserrent pour toujours une rose rouge contre son cœur silencieux tandis que ses bras remontent se dissimuler dans une longue robe d'une blancheur immaculée.

Je pose machinalement ma main sur la pierre froide et suis emportée par une nouvelle vision, semblable à celle de la nuit dernière. Seulement ici je ne vois pas la mort et la destruction, mais la vie et l'amour, celui d'une jeune femme brune pour un démon brun aux yeux d'or. Mon aïeule, souriante et bienveillante, vivante et pleine de joie. J'ôte ma main et fais de nouveau face à cette beauté figée.

J'ai le souffle coupé devant l'harmonie et la noblesse de ses traits. Visiblement, je ne suis pas la seule. Gabriel semble lui aussi plongé dans la contemplation de ce doux visage figé dans la pierre à jamais. Fenris, lui, à l'air ailleurs, loin, des années en arrière, revivant sans doute les derniers instants qu'il a passé avec elle. Je ne comprends pas son apparente douleur. Je ne comprends pas que Gaby ai su immédiatement que le démon serait devant la tombe de celle qu'il a utilisé à ses propres fins. S'il ruminait sa défaite, il n'aurait pas perdu de temps à venir voir la dépouille de celle qui aurait pu lui offrir ce monde sur un plateau. Mais le voilà à genoux, le regard rivé sur le corps sans vie d'Eden et le visage marqué par le regret.


Ce n'est que lorsque la lune fut montée haut dans le ciel que nous nous décidâmes à retourner dans la maisonnette. L'ambiance est sombre, le silence, pesant. Seule la respiration douloureuse du démon et le bruit des animaux au dehors permet de nous rappeler que nous ne sommes pas les acteurs d'une peinture oubliée.

Ex Nihilo -1- Homo homini lupus est [Wattys 2020 - Paranormal]Where stories live. Discover now