XXXIX- Fenris, Prince des Ténèbres, Héritier des Enfers, Ange de la Mort

428 58 17
                                    

Fenris


Je tente d'écarter Angélique de la trajectoire du serpent qui se jette sur nous de toute sa puissance, mais la jeune femme est comme figée au sol. Il y a quelques secondes à peine elle m'exhortait à fuir loin de cet endroit, et désormais, la voilà figée comme une statue au beau milieu d'un champ de bataille.

- Angélique, bouge ! Faut pas rester là !

J'essaye de toutes mes forces (ce qui n'est pas rien, même si mes blessures me font souffrir) de la faire bouger, mais rien n'y fait. Soudain, alors que je peine et me relever, elle pose délicatement sa main sur ma joue, comme lorsqu'elle voulait fouiller mes pensées. Je croise son regard.

Non. Pas le sien.

- Libère-toi de tes chaînes, Fen, me dit alors Eden, ses yeux verts rieurs illuminant le visage de sa descendante.

Sans plus réfléchir, j'utilise mes dernières forces pour me relever et permuter nos places. Eden est désormais derrière moi tandis que je m'efforce de créer un bouclier digne de ce nom. Mais rien à faire, je suis à bout. Seules quelques âmes répondent à mon invocation protectrice. Au moindre choc, elles voleront en éclat. Mon affiliation au Royaume des Enfers n'est plus ce qu'elle était...

Je vois la mort arriver à toute vitesse.

Puis soudain, l'obscurité. Le soleil s'efface. Les ombres règnent.

Explosion silencieuse, mon pouvoir se libère et s'engouffre dans mon corps.

Enfin.

Enfin. Je suis libre. Ma puissance d'antan me revient d'un seul coup, me coupant la respiration pendant un court instant. Je sens mon sang bouillonner dans mes veines, mon pouvoir ruer dans mon âme, avide de destruction, prêt à tuer, assoiffé de vengeance et de cruauté. Les yeux écarquillés, j'ai l'impression de voir le monde non pas comme il est, mais comme il devrait être. Je perçois chaque battement de coeur, chaque vie, chaque mort... Tout est si futile. D'un simple claquement de doigt, je sais que je peux trancher le fil de vie de n'importe lequel de ces êtres si faibles.

Jormungand fond sur moi. Et alors ? Je me sens bien. Je me sens calme. Complet. Je tends à nouveau la main devant moi, froidement, sans aucune émotion. Mon frère va mourir, et le seul sentiment que je ressente est une minuscule pointe de triomphe.

J'ouvre la main, paume vers le serpent monstrueux et libère cette puissance destructrice enfermée depuis trop longtemps, me rongeant de l'intérieur sous l'impatience de voler une vie et de réduire une âme en charpie. Une vague sombre et hurlante se rue sur mon frère qui se tord de douleur à l'instant même où sa peau entre en contact avec ces âmes damnées et affamées. Une douleur si intense que, de ses paupières closes, s'échappe un sang noirâtre. De chacun de ses pores, un sang épais et abondant s'écoule jusqu'au sol. Il s'écrase violemment à quelques mètres de moi dans un hurlement qui me rempli d'allégresse.

Je m'approche de lui à pas comptés, oubliant totalement ma propre douleur qui me transperce l'abdomen à l'endroit-même où cette misérable vermine m'a frappé il y a quelques instants. Jormungand reprend graduellement sa forme "humaine", tentant de rejoindre ses soldats les plus proches. Mais les démons ont toujours su reconnaître un combat sans espoir. Les soldats des hordes démoniaques n'apporteront pas leur aide pour un homme mort, encore moins s'ils risquent d'y laisser leur peau.

Comprenant finalement que ce combat ne pourra désormais se dérouler qu'entre lui et moi, mon cadet décide de faire face à sa mort. Je tends ma main gauche sur le côté tandis qu'au creux de ma paume apparaît une arme aussi noire que la nuit la plus sombre, son faible éclat brillant comme le reflet d'une larme sur la joue d'un mourant. Mon frère tente d'échapper à son destin, tente de se relever, d'user de sa magie, de faire appel à la puissance de son armée, mais rien n'y fait. Je suis le fils aîné du royaume des Enfers, l'être qui fût maudit avant même d'avoir un nom, la créature fabriquée de toutes pièces par la première traîtresse et le premier démon de la Création. Lui, il n'est rien, ou seulement le fils que ma mère aurait voulu forger selon ses désirs.

Mon arme toujours en main, je m'approche de ce frère défait, le visage impassible, les gestes mécaniques. L'Ange de la Mort est enfin de retour.

J'arme mon coup, visant la gorge sans détour. Avec un peu de chance, Lilith sera heureuse de recevoir la tête de son fils cadet dans une boîte faite du cadavre de ses soldats morts au combat.

Alors que je m'apprête à voler la vie de ce cafard, un froid glaçant s'abat sur le champ de bataille, gelant instantanément chaque être trop faible pour résister à une attaque de cette puissance.

Je tourne nonchalamment la tête vers l'origine de ce gel pour le moins inattendu en ce beau mois d'août et finis par poser le regard sur une magnifique jeune femme. Sa longue crinière plus blanche que la neige s'accorde à la perfection avec son teint pâle comme la Lune et ses grands yeux bleu semblables à un matin d'hiver. Une beauté froide, dangereuse et mortelle.

Ma sœur cadette, Hel, sans doute. Elle est charmante. Dommage que je doive la tuer également.

Sa puissance est égale à celle de Jormungand, mais totalement différente. Quand le démon-serpent compte sur sa force et sa férocité, la femme de glace semble s'appuyer sur la faiblesse des autres et sur l'intellect. Arriver à ce moment clef de la bataille peut lui valoir une belle récompense. Tout le monde est à bout de force, personne ne porte assistance à l'héritier en danger, elle le sauve, la vie de son frère lui appartient, elle devient la nouvelle Héritière. J'aurais sans doute agis de la même manière.

Elle s'approche à pas comptés de son frère allongé au sol, son regard posé sur moi.

- Fenris, mon frère, c'est un honneur d'enfin te rencontrer, dit-elle alors d'une voix douce.

- L'honneur est partagé, Hel, j'ai beaucoup entendu parler de toi.

Elle m'offre un sourire d'une blancheur éclatante et je sens une puissance étrangère tenter de m'amadouer. Ainsi, elle n'aime pas les combats de front. Ce jeu va m'amuser.

Son pouvoir essaye de s'insinuer dans mes pensées pour me faire sombrer dans un sommeil éternel. Je reconnais une version améliorée du sortilège qu'avait utilisé Angélique lors de son escapade en forêt lorsque je m'étais servi d'elle pour faire face à Gabriel. Quel agréable souvenir que le visage de cet archange totalement déconfit.

J'extériorise mon pouvoir à mon tour afin d'écarter son sortilège de manière assez douce pour qu'elle ne prenne pas cette défense comme une possible contre-attaque, puis choisis mon plan d'action.

Je garde un bouclier aussi puissant qu'invisible autour de ma personne et tente à mon tour de l'envoûter.

- J'ai également entendu de nombreuses histoires à ton sujet, grand frère, reprend la jeune femme. Mais j'ai du mal à croire qu'elles soient toutes véridiques.

Je souris en coin tandis que je tente à mon tour de la charmer.

- Je peux t'assurer qu'elles sont toutes vraies. Et si elles ne le sont pas, je m'arrangerais pour qu'elles le deviennent.

Elle repousse mon attaque en plissant un peu les paupières sous l'effort. Si je force un peu plus, elle cédera probablement. Mais pour le moment, je ne veux pas mettre fin à ce petit jeu. Elle m'amuse.

- Je n'en doute pas, après tout, c'est le moins que l'on puisse attendre de l'héritier légitime du trône des Enfers, n'est-ce pas ?

Elle lance une attaque bien moins subtile que j'écarte d'un revers de main.

- A n'en pas douter, réplique-je dans un sourire torve.

Je lance un sort de mort directement sur son frère toujours au sol qu'elle dévie au dernier moment. Son sourire charmant à disparu, ce qui ne fait qu'élargir le mien.

Les politesses arrivent à leur terme, désormais, place au spectacle !





Ex Nihilo -1- Homo homini lupus est [Wattys 2020 - Paranormal]Where stories live. Discover now