Chapitre 5

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Le cabinet du docteur Denn ne se situe pas loin du centre-ville, dans le quartier ancien de Vieufaune. C'est un recoin tapi entre deux habitations ornées de colombages. On y accède en passant par ce qui devait être autrefois un jardin mais se résume aujourd'hui à un parking où stationnent là quelques voitures. Il s'en dégage une ambiance plutôt silencieuse, bien plus tranquille qu'à Gênnille.

Là on y trouve enfin le bâtiment où travaille le psychologue : contrastant avec les autres maisons, souvent médiévales, ici se dresse un bloc de béton recouvert de métal blanc aux allures de dentelle, orné par endroits de fenêtres. A la lumière du soleil, cela doit être élégant. Mais ce jour-là, avec l'éclat gris du ciel pluvieux, l'endroit a plutôt un aspect morne.

Oriane y pénètre d'un pas rapide, espérant en finir au plus vite. Cela fait longtemps qu'elle n'a pas eu de consultation chez un psychologue, et quand elle y venait, disons que ces rendez-vous étaient toujours les conséquences de désagréables événements... En y retournant, c'est comme retourner au pays de ses fantômes passés.

« Bonjour, j'aimerais aujourd'hui un rendez-vous avec le docteur Denn... Oriane Souaignot... Oui... Oui... Merci beaucoup... À tout à l'heure, oui... »

Dans la salle d'attente se trouvent deux autres personnes. La première est une adolescente aux cheveux roux, qui aurait pu être jolie si elle n'avait pas les traits aussi tirés. Elle joue à un jeu sur son téléphone, un écouteur vissé dans chaque oreille, le pied battant la mesure de cette musique qu'elle seule entend.

L'autre ne parait pas plus vieux qu'Oriane. Les cheveux d'un blond platine sans doute artificiel regroupés en une épaisse mèche qui lui barre le haut du crâne, il ressemble à un squelette tant ses os transparaissent sous sa peau livide. Sans qu'on puisse trop expliquer pourquoi et en dépit de sa frêle apparence, une étrange impression d'assurance nonchalante émane de lui. Un petit sourire ne quitte pas ses lèvres.

« Madame Souaignot. »

C'est à elle. Oriane se lève, un peu pâle, et marche jusqu'à la secrétaire qui a ouvert la porte. On l'amène dans une salle relativement spacieuse et agréable : des murs d'un vert clair apaisant, une bibliothèque bien garnie, et un grand bureau de bois parfaitement rangé. Derrière ce bureau se tient un quinquagénaire à la carrure de rugbyman, habillé d'une élégante chemise blanche contrastant avec sa peau sombre, et dont la présence possède quelque chose de rassurant.

À la vue de sa patiente, le docteur Denn se lève pour lui serrer la main.

« Bonjour... madame Souaignot, c'est cela ? Comment allez-vous?

— Oui, c'est ça. J... Je vais bien, merci...

Malgré la gentillesse dont fait preuve le psychologue, Oriane ne peut s'empêcher de ressentir une certaine appréhension, le sentiment persistant qu'elle est prise au piège. Elle qui pensait qu'en s'asseyant face à un psychologue, les mots lui viendraient, elle se sentirait en confiance et accepterait de vider son sac... Au contraire, son esprit se braque, refusant d'être analysé par un regard extérieur, aussi bienveillant parait-il. Surtout que ces souvenirs lui reviennent et...

— Alors dites-moi, qu'est-ce qui vous amène ? s'enquit-il sans se départir d'un sourire encourageant.

— Hier soir, je... En fait, c'est une amie qui m'envoie ici.

Son regard attentif l'invite à poursuivre, ce que fait Oriane dans un soupir :

— Elle pense que j'ai besoin d'aide parce que... D'après elle, je suis un peu fatiguée en ce moment.

— Mais d'après vous ?

La brune reconnait avec une grimace :

— Bah... C'est vrai, je suis pas en super bon état, en ce moment... mais... Rien d'horrible non plus, mais vous voyez... En plus j'ai... un peu déliré la nuit dernière.

Mauvais RêvesWhere stories live. Discover now