Chapitre 24

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« Comment est-ce que tu peux, Ikare..?

— Comment est-ce que je peux quoi ?

— Comment est-ce que tu peux lui obéir ? »

Oriane et Ikare ont été ramenés chez eux par les deux mêmes gardes du corps qu'à l'aller, et à présent qu'ils se retrouvent dans leur appartement seuls l'un face à l'autre, les langues se délient enfin.

Les paroles de Cthul font l'effet d'un incendie chez la jeune femme. L'humiliation subie, sans oublier ses provocants sous-entendus sur une relation passée entre lui et Ikare, ont blessé son ego et diffusé en son sein un étrange poison. Un poison plus douloureux encore que ceux de l'Organisation. Un poison terrible, car purement humain.

Oriane ne pensait pas qu'elle connaîtrait ce poison un jour, pas aussi intensément du moins. Il l'envahit chacune de ses veines à présent, pourtant.

« Oriane...

Le blond ne parvient qu'à souffler ce nom, désarmé – chose plutôt rare chez lui.

— Ah ouais, "Oriane". Ça c'est de l'argument !

Elle fait les cent pas dans leur immense salon, d'habitude immaculé comme une chambre d'hôpital. Mais pour l'instant, l'aube écarlate l'orne au contraire d'ombres rougeâtres, filles du soleil et du sang de Laffiera.

— Tu... Tu peux pas comprendre.

En quête de mots, ses yeux se dirigent vers le plafond tandis qu'il écarte les bras, poursuivant en un soupir :

— G... Grâce à lui, je suis une... une légende, t'entends ? Ouais... Une putain de légende dans cette putain de ville !.. Comment tu pourrais comprendre, toi ? Je lui dois tout ! Il m'a transformé en l'Angelot !

Ce à quoi Oriane répond d'une voix pleine de reproches :

— Il t'a transformé en esclave !

— Et alors ? Ça vaut quoi, d'être l'esclave d'un seul type, si tous les autres te craignent ? C'est le prix à payer !

— Il t'a mis dans ses magouilles, tu vois pas ? C'est à cause de lui que tu es totalement malade.

Un sourire inquiétant vient animer le visage du jeune homme, tandis que son regard descend vers son interlocutrice pour répondre doucement – trop doucement :

— Mais non mon amour. C'est à cause de toi. »

N'importe qui d'autre l'aurait trouvé effrayant. Mais pas Oriane.

Cette folie qu'il affiche éveille la sienne, elle lui ôte un instant son amertume. Pire, la jeune femme se surprend à lui trouver des airs de seigneur. Superbe seigneur sans autre suzerain que Belzébuth... Elle l'aime, bon sang, et, l'espace d'une seconde, tous ses reproches pour lui s'évaporent. Pour le garder à ses côtés, elle serait prête à tout, même à suivre son immonde chemin. La voie du sang. La voie des ténèbres. La voie d'un ange qui ne l'a jamais été.

Demain elle torturera quelqu'un. Et alors ? Si elle le fait pour lui...

Sous l'effet de cette ardeur, le poison étend davantage son règne, rendant la douleur presque lancinante. Elle en hurlerait presque, cependant elle crache à la place :

« Tu as couché avec lui ?

Il la dévisage, joue à l'ignorant, alors elle articule froidement, le venin dans le coeur et dans la voix :

— Je te demande si tu as couché avec Cthul.

— Qu'est-ce qui te fait dire des trucs pareils ?

Mauvais RêvesWhere stories live. Discover now