Chapitre 28

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Ce n'est qu'une fois le geste commis que la raison revient à Ikare, comme un boomerang.

Il regarde le jeune homme égorgé devant lui qui, après un ultime cri d'animal abattu, s'est tu pour de bon. Il regarde ses mains et sa tenue sombre, trempées par l'effusion d'hémoglobine. Rouge comme la flaque où est tombé le couteau.

Cthul ne va pas apprécier... Un frisson parcourt le blond, médusé devant ses propres actes : c'est la peur qui le domine désormais.

Il regarde Oriane, juste à côté de lui, dont l'euphorie n'est visiblement pas retombée. Triomphante, elle caresse du bout des doigts le cadavre attaché. Désormais un large trait rougeâtre orne son cou, comme un jet de peinture rouge sur une toile sombre. Sauf que ce n'est pas un tableau ; juste l'effrayante réalité, celle d'un nouveau meurtre commis.

Il a envie de rire.

Il a envie de pleurer.

Qu'est-ce qui lui prend, sérieusement ? C'est encore pire que d'habitude, peut-être parce que l'angoisse s'est ajoutée à sa confusion cette fois.

Ainsi assombri, cherchant à réprimer ce poison de terreur qui s'insinue en lui, il souffle :

« Oriane. On se casse.

— Quoi ? On commence à peine à s'amuser ! s'esclaffe sa compagne en venant l'embrasser.

Ce serait si agréable de répondre à ces ardeurs, de se laisser de nouveau enivrer par cette femme et de tout oublier... Mais il ne peut pas...

D'habitude, c'est plutôt lui qui tire sa compagne vers le bas et l'invite à céder à ses caprices. Sauf quand elle est shootée. Et cela semble être le cas en ce moment, même si Ikare ne l'avait pas remarqué plus tôt à cause de l'adrénaline : elle empeste le shit.

Alors surmontant cette tentation, le jeune homme se dérobe à ses baisers et insiste :

— Oriane, on aurait pas dû faire ça. On va avoir de gros ennuis... »

Un coup de feu interrompt leur discussion, comme un entraperçu de ce qui attend les deux amants. L'Angelot se raidit, le souffle de plus en plus rapide. Comment l'Organisation a pu être aussi vite au courant ?

Son instinct lui dicte de se préparer au combat, ce qu'il fait en ramassant le poignard au sol. Sans même y réfléchir, son corps se met en posture de défense, prêt à bondir sur celui qui ouvrira la porte blindée – des mercenaires de Cthul, à coup sûr, venus ici pour punir ses agissements et mettre un terme à son existence. Leur existence.

Ikare jette un coup d'oeil à sa complice : dans son état actuel, elle ne lui sera d'aucun recours. Mais quelle idée de s'être droguée avant de venir, aussi..! Et surtout, quelle idée d'être tout simplement venue ici ! Pour défier les ordres de Cthul, bordel !

Les verrous de la porte blindée se débloquent d'eux-mêmes, déverrouillés par un code – preuve qu'il s'agit bel et bien de membres de l'Organisation. Doucement, dans un bruit grinçant digne d'un film d'horreur, la muraille d'acier s'ouvre sous les yeux effrayés du blond et ceux plus perplexes de sa compagne, qui ne semble plus y comprendre grand-chose à l'heure actuelle.

Mais pas de mercenaire armé jusqu'aux dents, pas de tueur d'élite, pas de géant capable de briser les crânes à mains nues. La silhouette qui apparait est celle de Cthul lui-même, pour la première fois depuis longtemps seul, sans escorte, hors de sa tanière et armé de rien d'autre qu'un pistolet de petit calibre.

« Bonjour l'Angelot. On peut parler seul à seul ?

Oriane lui jette un regard révolté, auquel Ikare répond dans un soupir :

Mauvais RêvesWhere stories live. Discover now