Chapitre 2: Izrath et la théorie Kvantiki

153 24 139
                                    

Ryoko Seiu se gratta la barbe tout en lisant la lettre que Violette venait de lui apporter. L'homme, âgé d'une trentaine d'années, possédait le physique du métier qu'il exerçait. Ses cheveux sombres aux reflets bleu électrique tombaient sur son front de manière désordonnée, ce qui lui donnait un air de savant fou qu'il s'amusait à cultiver. Son visage, aux traits assez fins, dégageait une certaine sympathie, amplifiée par le sourire sincère qu'il arborait lorsqu'il parlait à ses élèves. Ses yeux gris creusés par de profonds cernes, témoins de ses nombreuses nuits blanches, reflétaient une intelligence hors du commun. Celle-ci se ressentait à travers ses interventions et ses recherches. Même si la plupart des étudiants séchaient ses cours, il était très apprécié de tous.

Malgré son rang, son bureau était assez commun, composé d'une simple table encombrée de papiers, deux chaises et des étagères débordant de dossiers, dont les élastiques semblaient sur le point de céder au moindre coup de vent. Son seul privilège était d'avoir une magnifique vue sur la baie de Tokyo.

Après un long silence, Ryoko croisa les bras sur son torse, l'air ennuyé.

— C'est fâcheux. Je pensais avoir tout fait pour préserver ton identité, ma petite Violette. Je suis sincèrement désolé d'avoir échoué. Si cette information s'ébruite, j'ai bien peur que ta scolarité ordinaire ici soit compromise.

— Que l'on connaisse mon nom m'importe peu, pour être honnête, avoua la Française. Je n'aime simplement pas les menaces, et encore moins quand l'expéditeur est suffisamment lâche pour rester anonyme.

En effet, à cause de son statut particulier, Violette avait l'habitude de recevoir des mots d'insultes et des menaces dans son casier, au lycée. Si au début elle s'en était inquiétée, ceux-ci ne l'affectaient plus depuis longtemps. Cependant, elle était tout de même étonnée de retrouver ce genre de message à plus de dix-mille kilomètres de chez elle, alors qu'elle avait tout fait pour cacher son identité pour éviter de subir le même harcèlement qu'en France.

— Je vais essayer de comparer cette écriture avec celles des copies du premier semestre. Peut-être que ça nous mènera directement à l'auteur.

— Sûrement. De toute façon, la personne qui a écrit cela n'a précisé aucune condition ni formulé de demande explicite. À tous les coups, il s'agit juste d'une tentative d'intimidation sans rien derrière. Pour l'instant, je pense que je vais juste l'ignorer. Et puis, il y a quatre-vingt-dix-neuf pourcents de chance que cela soit un autre délire d'Édouard.

Violette tentait tant bien que mal de se persuader elle-même de cette théorie. Toutefois, elle savait pertinemment que cela ne tenait pas la route. Le pétale de fleur qui accompagnait la lettre n'était pas une chose que son ami complotiste aurait pu trouver ni inventer. Mais la Française ne voulait pas inquiéter son enseignant pour le moment. Après tout, elle avait enduré bien pire que de simples menaces dans le vent durant ses années de lycée.

— Je vous tiendrai au courant si j'ai du nouveau, dans tous les cas, reprit-elle en se levant. Si vous voulez bien m'excuser, les cours reprennent dans quelques minutes.

— Ah, c'est vrai, j'ai failli oublier mon cours ! s'exclama le professeur en se levant brusquement, les yeux ronds. Merci de me le rappeler, j'allais partir en pause-café !

Sans se faire prier davantage, Ryoko sortit en trombe de la pièce, suivi par son élève qui alla s'installer au premier rang de l'amphithéâtre, à côté de Soichiro, déjà en place depuis plusieurs longues minutes. Ce dernier, plongé dans l'exposé qu'il s'apprêtait à faire, ne remarqua même pas que sa camarade le salua. Vexée d'être ignorée ainsi, Violette s'empara de l'une de ses feuilles et se mit à lire à voix haute.

Comme deux atomes intriquésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant