Chapitre 21: Les devoirs d'une héritière

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Violette regardait le paysage défiler devant ses yeux à travers les vitres teintées de la Mercedes de ses parents. Là, un enfant pleurait au milieu du trottoir pour qu'on lui achète des bonbons. Un peu plus loin, deux autres s'amusaient dans l'aire de jeu d'un parc. Derrière un massif d'arbres, une fillette courait après son chien tandis que, de l'autre côté de la rue, des adolescents parlaient bruyamment à la sortie des cours tout en mangeant quelques pâtisseries.

Quel monde étrange. Toutes ces activités banales pour n'importe quelle personne étaient étrangères à l'héritière du royaume de Bretagne. Elle se sentait comme une spectatrice devant un film décrivant l'utopie ordinaire dont personne ne rêvait, mais qui était le quotidien de quatre milliards d'humains.

Car oui, les histoires de princesses que les enfants de son âge adoraient tant n'intéressaient que peu la jeune fille. Ces caricatures étaient bien loin de la réalité, bien plus fade et remplie de contraintes qu'Hollywood essayait de le faire croire. La preuve en était la destination de ce trajet à travers les avenues de Paris : une réunion de travail dans le septième arrondissement de la capitale, avec de vieux hommes d'affaires en surpoids et des femmes obnubilées par leur beauté artificielle.

Violette n'aimait pas ces ambiances. Déjà, car, même si elle en avait saisi tous les principes, elle n'avait que faire de l'économie contemporaine à dix ans à peine. Et, surtout, elle trouvait ces gens ennuyeux, et particulièrement idiots. Lorsqu'elle faisait l'effort de discuter avec eux, la méconnaissance de ses interlocuteurs sur leur propre terrain exaspérait la fillette qui finissait par quitter la conversation brutalement.

Soudain, une musique entraînante tira la future scientifique de ses pensées. Elle releva la tête et, avec émerveillement, aperçut dans le jardin des tuileries une fête foraine.

— Mère ! On peut s'arrêter deux minutes ? Je veux goûter leurs churros ! s'exclama la petite fille, des étoiles dans les yeux.

— Quand tu seras devenue reine, tu auras tout le temps d'en manger, ma chérie, lui répondit Blanche Pendragon d'Orléans, amusée.

— Mais, je m'en fiche, moi ! Pourquoi je ne peux pas juste jouer comme les autres enfants ? C'est pas juste !

— Cela n'apporte rien. C'est parce que nos ancêtres se sont bien trop relâchés qu'ils ont perdu de vue leur rôle premier qui était de diriger le pays, et non se pavaner comme des coqs, rétorqua le comte de Paris. Nous avons une mission : restaurer la grandeur de notre famille. C'est pourquoi tu dois d'abord terminer tes études, et, lorsque tu seras prête à gouverner, nous t'accorderons un répit avant ton couronnement. Pour l'heure, tu as encore énormément de choses à apprendre, afin que tu ne commettes pas les mêmes erreurs que les derniers rois.

Violette gonfla les joues et se mit à bouder à l'arrière de la voiture. Elle ne voulait pas devenir reine. Non pas qu'elle ne se sentait pas à la hauteur ou que la pression l'écrasait. Elle avait simplement déjà compris que la vision de ses parents était dépassée depuis plus de deux siècles. Elle ne croyait même pas dans les idéaux royalistes. Et, plus on la martelait que son avenir se trouvait sur le trône de Bretagne, plus cela lui confirmait qu'elle devait à tout prix s'échapper de cet engrenage perfide, par n'importe quel moyen.

**

May, comprenant qu'il était inutile de chercher à mentir à Soichiro, hocha la tête.

— Tu as deviné. Enfin, en partie. Je suis venue observer, en premier lieu.

— Observer ? répéta le président, surpris.

— Oui. J'imagine que tu le sais, mais Violette n'est pas n'importe qui. Sa disparition fait couler beaucoup d'encre, depuis plus d'un an. Après tout, elle apparaissait de plus en plus à la télévision et dans les journaux, puis, pouf, plus rien, volatilisée.

Comme deux atomes intriquésWhere stories live. Discover now