Chapitre 37: Ma place est à Tokyo

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La fête battait son plein sur l'île d'Odaiba. Par miracle, aucune explosion n'était encore venue secouer la cérémonie. Les autres associations s'étaient jointes à l'organisation pour épauler E.T.H.E.R, sur la demande de Ryoko, ce qui avait considérablement allégé le travail du club, et avait certainement évité la catastrophe.

De son côté, Édouard amusait les foules dans le hall d'entrée, montrant des expériences toutes plus farfelues les unes que les autres, sous l'œil attentif de Flore qui n'hésitait pas à le tourner en ridicule sur la place publique. Masamune, quant à lui servait du thé à qui en voulait, grâce à la dernière invention de Violette et Soichiro. Ce n'était pas grand-chose, simplement une machine à café reconditionnée, mais qui permettait de satisfaire tout le monde. Enfin, les deux génies s'occupaient de l'accueil des participants à la soirée, et animaient l'événement.

Pour l'occasion, Violette avait sorti les plus beaux habits de sa garde-robe. Fini les blouses de laboratoire sales et trouées à l'odeur d'œuf pourri. Ce soir-là, elle avait pu remettre les vêtements qui trainaient au fond de son armoire depuis trois ans.

Lorsqu'elle se présenta au bal, un tonnerre d'exclamations l'accueillit. Il fallait dire qu'elle se démarquait largement des autres élèves. Alors qu'elle s'avançait sous les regards ébahis de ses camarades, sa longue robe noire fendue, parsemée de paillettes semblait flotter à quelques centimètres du sol grâce à de fins talons hauts. Pour couvrir ses épaules dénudées et les protéger du froid de l'hiver, elle avait décidé de se vêtir d'un châle sombre de fausse fourrure. À son cou scintillait la broche dorée que lui avait offerte le club, trois ans plus tôt, juste à côté d'un minuscule pendentif de cristal en forme de spiral ornant sa poitrine.

Alors qu'elle approchait du bâtiment principal, elle passa sa main gantée dans ses cheveux soigneusement coiffés, légèrement frisés pour ce jour si spécial, afin de les laisser reposer par-dessus son épaule gauche pour ne pas être gênée.

Devant les portes, son rival l'attendait. Le cœur de la jeune femme s'emballa à sa vue. Le charisme qu'il dégageait était décuplé par le costume sobre et clair, mais élégant qu'il portait pour l'occasion. Né dans une famille pauvre, abandonné par son père, il n'avait pas les moyens de se payer un véritable smoking. Néanmoins, pour Violette, ce deux-pièces trouvé dans une friperie des bas-fonds de Tokyo lui donnait l'allure d'un prince.

— Eh bien, gamine, tu as pris ton temps, il ne manquait plus que toi, lança-t-il d'une voix grave.

— Personne ne t'a demandé de m'attendre, vieux ronchon. Je devais nettoyer l'explosion d'Édouard.

Ce qui n'était pas totalement vrai. Elle avait longuement parlé avec ses parents, après son discours. Ceux-ci avaient tenu à s'excuser platement pour leur attitude et pour ne jamais avoir remarqué son mal-être. Même si Violette ne les croyait qu'à moitié, elle avait accepté leurs excuses, à la seule condition qu'ils n'évoquent plus jamais de ses devoirs d'héritière. Puis, elle les avait raccompagnés à l'aéroport, afin de s'assurer qu'ils repartent bien en France et ne l'espionnent pas en douce. Par la suite, elle avait passé quelques heures avec Garance et May au centre-ville, à discuter de tout et de rien, sans voir l'heure tourner. Elle était donc rentrée précipitamment pour se préparer et ranger la cabane avant son départ.

L'événement fut un franc succès. La salle de bal était pleine à craquer. Des chercheurs reconnus du monde entier s'étaient présentés à la cérémonie sous l'invitation de Ryoko. Pour lui aussi, il s'agissait de sa dernière année à l'académie Rikoukei en tant qu'enseignant. La construction du réacteur Kvantiki était quasiment terminée. Il devait quitter son poste de directeur pour emménager sur place très prochainement.

La soirée avança conformément aux prévisions. Pour une fois, aucune explosion, aucun incendie, aucun blessé grave ne vint troubler la fête.

Alors que minuit, l'heure du feu d'artifice de Masamune, approchait, Violette vit Soichiro s'éclipser discrètement. Intriguée, elle confia la suite des opérations à Édouard — ce qui, après réflexion, n'était peut-être pas l'idée du siècle — et suivit son partenaire.

Comme deux atomes intriquésOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz