Chapitre 10: Kamikawa, Onsen et soupe de crabe

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Kamikawa était un modeste village isolé, loin de toute mégalopole, vivant simplement de l'agriculture locale et du tourisme. Il y régnait une atmosphère vraiment apaisante. Violette se serait crue dans un film fantastique, avec les petites maisons traditionnelles aux toits en pente recouverts d'une épaisse couche de givre, les sapins semblant faits de glace et scintillant sous les rayons du Soleil, et les montagnes au loin, véritables mirages blancs à moitié dissimulés par les nuages.

En cette fin du mois de décembre, la ville et ses environs avaient revêtu leur manteau de poudreuse. Malgré le vent glacial et les températures pouvant descendre jusqu'à moins dix degrés, l'accueil chaleureux des habitants suffit à réchauffer les membres transis de la Française. L'ambiance y était en tout point opposée à celle de Tokyo. Ici, pas de travailleurs pressés, de gratte-ciels et des lumières multicolores. Simplement du calme, un silence absolu et un océan de blanc à perte de vue.

Violette n'avait eu que peu d'occasions de voir autant de neige dans sa vie. En hiver, ses parents étaient généralement bien trop occupés pour l'emmener à la montagne. La seule fois où elle avait participé à une classe de neige, au collège, elle n'était quasiment pas sortie de sa chambre à cause d'une tempête qui avait paralysé toutes les activités pendant toute la semaine. C'est pourquoi la jeune femme se sentait comme une enfant alors qu'elle progressait, non sans difficulté, dans la poudreuse afin de rejoindre le domicile de Masamune.

Après dix minutes de marche depuis la station de train, le groupe d'étudiants arriva à destination. Toutefois, personne ne s'attendait à ce qu'ils découvrirent.

— Eh... Dîtes-moi que c'est une blague... Un nul comme toi habite vraiment ici ? murmura Flore, blême.

— Ça vous étonne tant que ça ? Désolé, j'aurais dû prévenir. En fait, mes parents ont accumulé une petite fortune grâce à la production de thé Nishijima dans la région, lui répondit l'apprenti policier, mal à l'aise.

Même Violette, qui avait pourtant grandi dans un château de cinq cents mètres carrés, resta sans voix. Devant elle se dressait une magnifique maison traditionnelle japonaise. À en juger par la taille, elle devait comporter pas moins de quinze pièces, réparties sur deux étages. À l'extérieure, une terrasse donnait sur l'étang gelé, alimenté directement par une rivière à proximité. Mais le plus impressionnant était certainement le jardin, véritable œuvre d'art changeant au rythme des saisons, et de l'angle de vue avec lequel on la regardait. Chaque pierre, chaque carré de mousse, chaque arbre, chaque lanterne et chaque haie avait été disposé là avec une précision d'artiste, dans un but bien précis. Malgré l'aspect, à première vue chaotique de l'ensemble, rien n'avait été placé au hasard. Au loin, les sommets enneigés semblaient faire partie de ce tableau singulier et majestueux. Violette se souvenait avoir visité les jardins de l'empereur qu'elle avait trouvés sublimes. Toutefois, celui qu'elle avait en face d'elle n'avait rien à lui envier.

Alors que Masamune s'apprêtait à rentrer chez lui, la porte d'entrée s'ouvrit toute seule et laissa entrevoir un petit garçon en salopette qui ne devait pas avoir plus de cinq ou six ans.

— Je savais bien que j'avais entendu du bruit ! s'exclama-t-il, le visage rayonnant. Eh, tout le monde, le grand-frère Masamune est de retour !

Immédiatement, des dizaines de pas dans l'escalier retentirent. Moins de dix secondes plus tard, une horde d'enfants déboula dans le hall et se jeta sur l'apprenti policier, qui fut noyé sous la masse, sous les regards déconcertés de ses camarades.

Après deux longues minutes à se débattre, l'étudiant au bandeau réussit à s'extirper tant bien que mal de la marée humaine qui lui était tombée dessus.

Comme deux atomes intriquésWhere stories live. Discover now