Chapitre 23: Sujet de discorde

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— Comment ça, tu t'en vas à Tokyo, Vi' ?

Violette se contenta de hocher la tête tout en continuant à faire ses valises. Garance de Montpensier était interdite face à la décision de sa cousine. Elle ne pouvait pas concevoir que l'héritière de la couronne de France décide de tout abandonner du jour au lendemain pour partir étudier à l'autre bout du monde sans même la prévenir.

Elle avait appris la nouvelle totalement par hasard, lors d'un dîner chez elle entre leurs parents respectifs. C'est pourquoi, sans perdre une seconde, elle avait sauté dans le premier train et s'était rendue à Paris pour demander des comptes à celle qu'elle considérait comme sa propre sœur.

— Tu peux m'expliquer ce qu'il se passe ? insista-t-elle devant le manque de réaction. Tu t'es disputée avec mon oncle, ou bien ?...

Violette, ses affaires emballées, ferma sa valise et se retourna vers sa cousine pour découvrir le mélange d'inquiétude et de colère dans les yeux azurés de Garance. Les deux jeunes femmes ne partageaient que peu de choses en commun, autant sur le plan physique que psychique. Contrairement à la future scientifique, la fille des Montpensier possédait un visage en diamant dégageant une certaine douceur malgré ses traits anguleux trahissant la rigidité qui caractérisait sa famille. Ses longs cheveux roux, presque rouges étaient attachés en une queue de cheval haute tombant avec légèreté sur ses épaules fines. Même si elle était de deux ans l'aînée de la Mozart des sciences, Garance ne la dépassait que de quelques centimètres, et l'écart se réduisait à chacune de leurs rencontres.

— Tout va bien, la rassura l'héritière tout en décrochant les clés du château de son porte-clés.

— Qu'est-ce que tu racontes ? Je vois bien que non ! rétorqua aussitôt Garance. Si tout allait bien, tu m'aurais annoncé fièrement que tu partais pour devenir la plus grande physicienne de l'histoire, ou je ne sais pas quoi. Mais, là, rien. Pas un mot à ta couz'.

Violette baissa les yeux.

— Si je te l'avais dit, tu t'y serais opposée, murmura-t-elle.

— Évidemment ! Tu as oublié ton statut ? Tu ne peux pas te permettre de te balader seule à l'autre bout du monde, c'est beaucoup trop dangereux ! Tu n'as jamais entendu parler des récits de princesses enlevées pour obtenir des rançons ? Il y en a même qui se sont fait tuer et...

La dauphine arrêta sa cousine d'un signe de la main et lui lança un sourire amusé. Garance se tut aussitôt, interdite. Elle ne se souvenait plus à quand remontait la dernière fois qu'elle avait discerné une quelconque émotion sur le visage de Violette, et encore moins une heureuse.

— Je suis touchée que tu t'inquiètes pour moi, mais tout ira bien. Je ne suis plus une enfant. Je peux me défendre.

— Peut-être, mais...

— Tu sais, Ga', je pense que je n'ai pas d'avenir ici. Si je reste plus longtemps, je sens que je vais finir par imploser. Je n'en peux plus de n'être qu'un pion sur l'échiquier du destin que mes parents ont écrit pour moi. J'ai besoin d'élargir mes horizons, trouver de nouveaux rêves, voir des choses dont je n'aurais jamais soupçonné l'existence, rencontrer des personnes aux modes de vie et de pensées en tout point différents aux nôtres, réécrire mon histoire depuis zéro, non pas en tant qu'héritière du trône de Bretagne ou je ne sais quelle bêtise, mais en tant que simple étudiante sans nom ni titre sans valeur. C'est pour ça que j'irai là-bas.

— Je ne suis pas d'accord ! Tu es consciente des dangers qu'implique un tel voyage ? Le pays est dirigé par les yakuzas. Les typhons s'abattent sur l'archipel chaque année. Les villes sont à la merci des séismes et des éruptions volcaniques peuvent rayer certaines iles de la carte à tout moment.

Comme deux atomes intriquésWhere stories live. Discover now