Chapitre 7: Le fardeau du génie

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Pendant toute la journée qui suivit leur expédition à Akihabara, Violette et Soichiro restèrent enfermés dans la salle de club. Même la pluie qui s'infiltrait à travers la bâche tendue à la va-vite pour faire office de toit ne leur fit pas lever le nez de leurs travaux. Masamune, Flore et Édouard ne pouvaient que les observer, médusés, sans pouvoir faire grand-chose d'autre qu'encourager leurs camarades. En quelques heures à peine, les deux scientifiques de génie avaient réussi à transformer un tas de pièces détachées informe en un minuscule boitier. Celui-ci, comme les téléphones fixes, possédait douze touches correspondant aux chiffres et deux caractères spéciaux. Un petit écran était également intégré afin d'afficher l'heure et le numéro entrant. À première vue, rien d'exceptionnel. Beaucoup de consoles et ordinateurs modernes étaient déjà capables des mêmes performances. Cependant, un détail faisait toute la différence : il n'y avait aucun fil. L'objet était entièrement portable. Il tenait dans la paume d'une main.

Lorsque le professeur Ryoko passa dans l'après-midi pour voir si ses deux élèves avaient besoin d'aide, ce dernier fut tout d'abord légèrement sceptique. L'idée était excellente. En théorie. Il émettait tout de même quelques réserves. Il ne voulait pas s'avancer auprès du reste de la communauté scientifique trop vite. En effet, lui-même n'était pas certain de comprendre les équations qui permettaient d'aboutir à cette fameuse intrication quantique. Néanmoins, conscient qu'il assistait peut-être à la naissance d'une révolution dans le domaine de l'information, il décida de préremplir un formulaire afin de réserver le plus grand amphithéâtre de l'académie et inscrivit sur une liste les noms des potentielles personnalités à inviter pour cet événement grandiose.

Les heures passèrent, le Soleil déclina derrière l'horizon, les élèves quittèrent le campus et les premières lumières de la ville s'allumèrent, mais Soichiro et Violette poursuivirent imperturbablement leurs travaux. Dans la salle de club, il régnait un silence absolu, uniquement brisé par les bruits des pièces s'emboitant les unes dans les autres. Les deux amis n'avaient pas besoin de se parler pour avancer. Les milliers de chiffres griffonnés au tableau s'exprimaient à leur place.

Le lendemain matin, lorsque Masamune franchit la porte de la cabane de jardin aux aurores, il constata que Violette avait finalement succombé au sommeil. Elle dormait paisiblement sur l'un des canapés. Une fine couverture recouvrait ses épaules, certainement disposée là par Soichiro. Ce dernier, au contraire, n'avait pas fermé l'œil de la nuit. Assis dans un coin, à la lueur d'une minuscule bougie en fin de vie afin de ne pas déranger sa camarade, le président n'avait pas bougé d'un pouce. Il continuait à travailler, imperturbablement. À côté de lui trônait un boitier de la taille d'une boite de jeu de cartes. Entre ses doigts, il manipulait un fragment de cristal d'améthyste qu'il taillait avec précision pour lui donner une forme totalement sphérique.

Sur la pointe des pieds, le garçon au bandeau se dirigea vers l'espace cuisine et revint quelques minutes plus tard avec une boisson qu'il tendit à son ami avec un sourire.

— Un peu de thé Nishijima pour te tenir éveillé, Shiro ?

— Cela dépend ce que tu as mis dedans, répondit Soichiro sans lever la tête. Si c'est encore saveur ananas-épinard comme la dernière fois, je passe mon tour.

— Qu'est-ce que vous avez tous contre cette recette, je la trouve excellente moi... Mais ne t'inquiète pas, c'est juste du gyokuro.

— Tu peux le poser là, dans ce cas. Je le prendrai dès que j'aurai terminé ça.

L'apprenti policier s'exécuta, puis s'assit à côté de son camarade, face à la mer pour déguster sa propre tasse de thé.

Ainsi, le silence s'installa de nouveau sur la salle de club. Les timides rayons du Soleil pointaient derrière l'horizon, teintant l'océan Pacifique d'une magnifique teinte vermillon. La pluie nocturne avait amplifié toutes les odeurs de la forêt, si bien qu'une agréable fragrance de bois humide portée par la brise matinale emplissait la petite pièce. Le bruissement des dernières feuilles d'automne et le clapotis de l'eau au loin se mêlait à l'écho des coups de burins réguliers dans une mélodie étrangement harmonieuse.

Comme deux atomes intriquésWhere stories live. Discover now